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De l’art ou du cochon ?

Les Nocturnes au Musée d’art contemporain, ou la rencontre de tous les arts.

Alexis de Chaunac

Vingt-heure quarante-cinq : la jeunesse chic et choc, la tranche 20–45 ans des bobos danseurs montréalais se pare de son rouge à lèvre le plus vif et met belle chaussure à son pied ; ce soir, c’est fiesta au musée. Les Nocturnes de MAC (Musée d’Art Contemporain), 7 novembre, visite du musée jusqu’à 2h du matin, nous y voilà. Les portes sont grandes ouvertes et l’on croit apercevoir à 1 mètre de soi une personnalité quelque peu familière ; tiens, bonsoir M. le Maire. Le public occupe déjà l’espace dans toute son étendue ; une vraie scène de théâtre. Le son de la basse commence à s’amplifier et nous donne déjà envie de secouer la tête.

 En plein centre du hall d’entrée, quelque peu surélevé, le DJ s’en donne à cœur joie ; ce soir, c’est fiesta…au musée ? Ah mais oui, nous sommes au musée ! On rentre dans une première salle, une belle plage s’offre à nous. Des vagues, la lumière vive du jour, puis la tombée de la nuit. Une maison abandonnée est filmée sous tous ses angles, et dans nos oreilles raisonnent les voix d’une femme et d’un homme de 85 ans. Le discours sombre et désabusé de ces deux retraités quant au futur et à la futilité de la vie tranche avec le fond de house music que l’on entend dans la salle d’à côté. Il tranche un peu, un peu trop. Alors on monte à l’étage et on tente de découvrir les secrets que chaque salle et mur renferment. Un petit verre de vin pris sur le rebord de l’un des nombreux bars installés ci et là ; mettons-nous dans l’ambiance ! 

À l’affiche, des œuvres allant de l’art visuel à la sculpture avec pour la plupart une démarche similaire : mettre le doigt sur l’un des aspects de l’humanité contemporaine et en dégager son caractère déconcertant, négatif voire révoltant. Ladite démarche est néanmoins respectée à des degrés très différents. Certains, en effet, semblent non pas utiliser le laid pour en faire ressortir une vérité amère, mais plutôt pour placarder l’obscène à travers la caricature de réalités de plus en plus communes aujourd’hui. Ainsi, se retrouver face à des dizaines de photos de type « selfie pornographique postée sur internet » sur le chemin de la sortie ou lire une série de messages textes entre de jeunes adolescents, après une soirée ayant très mal tournée nous laisse perplexe. Enfin, rassurons-nous, pas très loin est projeté un documentaire faisant intervenir deux sœurs nous rappelant que l’actuelle décadence des mœurs n’est qu’un passage épisodique de nos vies : « la foi est en tous » affirment-elles. 

Vingt-trois heures quarante-cinq. Les voix montent, les rires s’accentuent, le rouge monte aux joues et la musique se fait plus forte. Un étage au-dessus, la timidité et la retenue ont été abandonnées au profit de coups de hanche bien placés. Fini le côté sensible et les regards sérieux face aux œuvres, au diable le musée ; ce soir, c’est fiesta. La piste de danse a rassemblé tous ses amateurs, gobelets rouges à la main ; le spectateur devient spectacle. Certains s’adonnent à l’atelier « création » d’en face dont le but est d’utiliser les matériaux à disposition et d’imiter le style d’une des œuvres présentées, d’autres se racontent des anecdotes, main dans la poche. Le « voir et être vu » est au rendez-vous ; l’intérêt artistique habilement déguisé ou volontairement atténué et le phénomène de démocratisation de l’art apparaissent comme thème général de la rencontre. Habituée des classiques visites de musées au silence religieux , mais également avide d’aventures originales, ma visite au « Club MAC»… c’était vraiment la fiesta. 


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