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Il était une fois Charlotte

David Foenkinos s’inspire de l’oeuvre autobiographique de Charlotte Salomon, artiste-peintre durant la Seconde Guerre mondiale. 

Luce Engérant

Pour son treizième roman, l’écrivain français David Foenkinos s’éloigne de son registre d’écriture habituel en racontant l’histoire vécue de Charlotte Salomon, jeune peintre juive allemande morte à vingt-six ans. À mi-chemin entre la fiction et la biographie, le dernier roman de Foenkinos témoigne néanmoins d’une grande émotivité, à l’instar de ses romans précédents.

L’histoire de la famille de Charlotte, les Grunwald, est celle de destins tragiques, où le suicide est l’épée de Damoclès menaçant de tomber d’un moment à l’autre. Grandissant dans les non-dits et le ressassement perpétuel du passé, Charlotte s’isole et se découvre une passion pour le dessin et la peinture. Évoluant dans un milieu érudit et artistique qui l’inspire, elle et ses proches sont progressivement ostracisés de la société berlinoise par le régime nazi. Le danger devenant de plus en plus imminent, Charlotte est contrainte de se réfugier dans le sud de la France. Exilée, elle connaîtra l’atrocité des camps, et produira une œuvre autobiographique d’une inventivité et d’une sensibilité fascinantes afin d’échapper à la détresse mentale. 

Le récit est narré aux première et troisième personnes, alternant sans cesse entre le regard de Charlotte et celui de Foenkinos. La vie de l’artiste rejoint étroitement celle de l’auteur, dont l’écriture est l’aboutissement d’une longue quête, causée par une fascination pour l’œuvre de cette jeune femme. Le présent rejoint le passé, et l’auteur fait part au lecteur de son parcours de recherche afin de connaître Charlotte Salomon dans ses moindres détails. Le texte, écrit sous la forme d’un long poème en prose, témoigne de cette frénésie et de cette urgence de découvrir le personnage derrière l’œuvre, mais aussi de cette fureur de vivre qui caractérise Charlotte, en réaction à l’omniprésence de la mort qui l’entoure. 

Charlotte se rend compte qu’elle doit raconter son histoire pour rester en vie. Foenkinos raconte à son tour l’histoire de Charlotte pour faire vivre sa mémoire. Malgré certaines images un peu maladroites, David Foenkinos parvient à toucher le lecteur par la poésie et la sensibilité de son écriture. Bien que son vécu soit unique, l’histoire de Charlotte est aussi celle de tous les Juifs durant la guerre, désormais étrangers dans leurs propres pays.


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