Aller au contenu

La vérité sur l’affaire Harry Quebert

« Personne ne sait qu’il est écrivain. Ce sont les autres qui le lui disent. » 

Cécile Amiot

Remporter le prix de la Vocation Bleustein-Blanchet, le Grand Prix du Roman de l’Académie et le Prix Goncourt des Lycéens 2012, est-ce suffisant pour se savoir écrivain ? La vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Rejoignant le rang des bestsellers, le polar à prétention littéraire se présente comme une petite brique d’environ 600 pages, retraçant le parcours de Marcus Goldman, un écrivain à succès, confronté au syndrome de la page blanche et contraint de rédiger un roman pour répondre à la pression exercée par son éditeur. Dans ses entrevues promotionnelles, Joël Dicker se défend d’un rapprochement autobiographique avec l’écrivain de son livre. Tout de même, l’évolution du personnage dans la sphère littéraire permet l’élaboration d’un discours sur les enjeux de l’écriture et du statut d’écrivain, le tout saupoudré de réflexions incisives sur la société américaine.

Pour résumer brièvement ce dont il est question parmi ces pages sans pour autant en dévoiler l’intrigue, Marcus Goldman décide de recontacter son professeur d’université, Harry Quebert, auquel il doit sa passion pour l’écriture. Connu à travers les États-Unis pour son roman Les origines du mal, Harry Quebert invite son ancien élève à le rejoindre dans sa propriété au bord de l’eau, située dans la ville d’Aurora au New Hampshire. Survient alors le drame : Harry Quebert est accusé du meurtre sordide de Nola Kellergan, survenu trente ans auparavant. Il est arrêté et emprisonné. Marcus Goldman décide de trouver les preuves qui innocenteront son professeur bien-aimé tout en saisissant là le sujet qui lui manquait pour écrire son prochain roman. Aussi courageux qu’Hercule Poirot, Marcus interroge tous les habitants de la petite ville qui se révèlent être tourmentés par leurs secrets. Moins malin que Colombo, il a tendance à se mettre dans des situations trop délicates pour être réalistes. Les pages se tournent d’elles-mêmes sous les rebondissements, les découvertes et le tâtonnement d’un écrivain qui tente de suivre les trente-et-un conseils de son professeur, lesquels sont rapportés à chaque début de chapitre et que Joël Dicker prétend n’avoir pas suivi.

Finalement, malgré le fait que Dicker entre de plain-pied dans le polar, il semble n’avoir qu’un orteil en littérature. Les thèmes soulevés questionnent la différence entre l’écriture journalistique et la fiction pure. On retrouve aussi, mise en évidence, l’ancienne dualité entre l’auteur et son œuvre, l’importance de la figure de l’auteur, la perception des lecteurs ; en bref, la réception du chef‑d’œuvre dans la société contemporaine. Un roman correct pour survoler ces problématiques sans trop y plonger, tout en se laissant porter par une enquête trépidante.


Articles en lien