Aller au contenu

Manifestement irresponsable

La fièvre de l’or : à quel prix ?

C’est dans les communautés de San Miguel Ixtahuacan et de Sipacapa au Guatemala que la compagnie minière canadienne Goldcorp, le gouvernement guatémaltèque ainsi que le gouvernement canadien sont soupçonnés d’avoir manqué à leurs devoirs et responsabilités. C’est ce que dévoile le documentaire « Gold Fever » qui a été présenté à McGill le 17 octobre lors de sa journée mondiale de diffusion, en collaboration avec le McGill Research Group Investigating Canadian Mining in Latin America (MICLA), KANATA (association de sensibilisation à la culture des Premières Nations), Journalistes pour les Droits Humains et Amnistie Internationale McGill.

Exploitation controversée

« Dans notre cosmovision, c’est totalement incongru de faire de l’argent en détruisant la nature. Si [la nature] est détruite, […] s’ensuit la destruction de la vie même. Nous sommes un ensemble ; nous avons besoin de nos terres pour vivre », commente un résident de San Miguel Ixtahuacan dans le documentaire.

La ruée vers l’or à San Miguel Ixtahuacan a débuté en 1998, initiant l’exploitation minière par la compagnie Glamis Gold en 2003, qui a été ensuite achetée par Goldcorp en 2006, toujours en collaborant avec la même compagnie locale Montana. Malgré les quelques 607 millions de dollars de profits faits par Goldcorp, les répercussions de cette exploitation sont hors chiffres, ce que le documentaire « Gold Fever » dénonce.

L’augmentation de la pollution environnementale, les perquisitions de terres ainsi que le manque de bénéfices socioéconomiques pour la communauté guatémaltèque a fait monter la résistance contre l’exploitation de l’or. Certains ont payé cher pour leur opposition à cette exploitation, à en perdre la vie. Par exemple, lors des premières manifestations contre les opérations minières en 2005, les forces de l’ordre ont fusillé certains manifestants. D’autres contestataires ont un handicap physique à vie. Comme une opposante aux exploitations minières a été atteinte par une balle qui a transpercé son oeil droit. Un ancien employé ainsi qu’un employé actuel de la compagnie ont été identifiés par la communauté comme étant les coupables de ces actes. La compagnie a toutefois nié toute implication.

Affaires, jurisprudence et prudence

La majorité des Canadiens ont des investissements dans la compagnie Goldcorp, et ce, sans toujours en être au courant, ce qu’explique Graham Russell, impliqué dans « Gold Fever » et co-directeur de l’ONG « Rights Action ».

Par exemple, plus d’un million de dollars sont investis dans Goldcorp par des fonds d’investissement mcgillois, d’après les données du bureau d’investissement de McGill, dans le document intitulé Canadian Equities Above $500,000 Publicly Traded and Held in Segregated Accounts.

Les Canadiens ont donc une part de responsabilité quant aux opérations des compagnies canadiennes à l’étranger, selon Monsieur Russell.  « Ce n’est pas une problématique lointaine à laquelle nous ne pouvons rien faire ; lorsque nous votons, choisissons nos fonds de pensions, ou encore les investissements de McGill, tout est relié aux compagnies minières. Par exemple, des collègues et moi avons poussé nos députés à adopter le projet de loi C‑300 [sur la responsabilité des compagnies minières dans les pays en développement]. La législation canadienne doit changer. Autrement, les compagnies [minières] canadiennes sont libres lorsqu’elles vont outre-mer.

Beaucoup de pays ont un système judiciaire faible, et dans le cas du Guatemala, celui-ci vient de sortir d’une guerre civile et d’un génocide », explique Becky Smith, membre de MICLA et étudiante en sciences politiques à McGill.

Comment changer la situation

Suite à la présentation de « Gold Fever », une entrevue via Skype s’est déroulée avec un des résidents de San Miguel Ixtahuacan, Aniseto Lopez. Cet entretien a permis au public d’obtenir des réponses à leurs questions. « Que peut-on faire, comment aider ? », a demandé un des membres du public. M. Lopez a suggéré le besoin pressant d’investigation scientifique et technique, ainsi que la nécessité de documenter les impacts environnementaux, sociaux et ceux sur la santé des résidents, mettant l’accent sur la contribution que peuvent apporter des étudiants universitaires. De plus, M. Lopez a souligné l’importance de la médiatisation du conflit, qui cause toujours des ravages.

En effet, le documentaire a démontré l’ambiguïté de l’efficacité de la politique de Goldcorp relative à la responsabilité sociale. Bien que jusqu’à présent, aucun verdict n’a été rendu sur les épisodes de violence, d’autres problématiques sont dénoncées par l’Organisation des Nations Unies (ONU): « la mine ne satisfait pas les standards internationaux de droits humains, incluant ceux qui protègent les droits des populations autochtones. Ceci est problématique lorsque les populations autochtones ne sont pas adéquatement consultées concernant un mine comme celle-ci », selon James Naya, le rapporteur spécial des Nations Unies quant à la situation des Droits Humain et Libertés Fondamentales des Peuples Autochtones.

De plus, des études d’impacts environnementaux ainsi que sur la santé ont poussé la Commission Inter-Américaine des Droits Humains à ordonner au gouvernement guatémaltèque de suspendre les opérations de Goldcorp en 2010, chose qui n’a pas été faite.

Au-delà des améliorations à faire au sein des gouvernements canadien et guatémaltèque, « Gold Fever » dénonce la frénésie que les humains ont envers ce métal doré, qui augmente son extraction, surtout en considérant qu’environ cinq tonnes doivent être extraites afin d’obtenir une once du précieux métal.

Bien que le documentaire ait élucidé beaucoup de questions, l’autre côté de la médaille a été omis : aucun des représentants de GoldCorp n’a voulu être interviewé lors du tournage de « Gold Fever ».


Articles en lien