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Amiante controversée

McGill manque d’éthique.

Les démêlés de McGill avec l’industrie de l’amiante ne sont pas encore pardonnés. L’université est toujours critiquée pour le rôle qu’elle a joué dans la propagation erronée du caractère inoffensif de l’amiante. C’est ce qu’ont soulevé les conférenciers Kathleen Ruff, coordonnatrice fondatrice de l’Alliance pour la Convention de Rotterdam (ROCA), et David Egilman, professeur clinicien de médecine de famille, lors de la discussion sur l’avenir de l’amiante organisée par McGill. Les conférenciers ont salué l’initiative de McGill d’organiser un tel événement, quoi que cela ne règle pas la problématique selon eux. Même si l’amiante n’est plus exploitée depuis peu au Québec, on en retrouve toujours dans bon nombre d’infrastructures. Des pays en développement l’exploitent toujours, son interdiction n’étant pas établie internationalement, et l’industrie de l’amiante exerçant toujours un pouvoir sur les décisions politiques et économiques de ces pays.

 

 L’amiante, dangereuse ou pas ?

La dangerosité de l’amiante a été souvent remise en question. Comme le professeur Egilman l’explique, les compagnies qui exploitent l’amiante ont exercé une pression pour que ce minéral ne soit pas reconnu comme pouvant mener au développement de maladies pulmonaires. C’est qu’une telle annonce aurait représenté une menace pour la survie de l’industrie. Par exemple, l’étude Pedley menée en 1930 démontre que 24 mineurs sur 54 examinés travaillant dans des mines d’amiante de Thetford Mines avaient été diagnostiqués comme souffrant de l’asbestose. Toutefois, cette étude n’a jamais été publiée. Le même scénario se répète en 1958, alors que l’Association des mines d’amiante du Québec (AMAQ) fait une étude sur les mines, où elle découvre qu’un mineur souffrant d’asbestose a plus de chance de développer un cancer des poumons que quelqu’un qui n’est pas exposé à l’amiante. Toutefois, c’est tout le contraire que l’AMAQ publie : l’exposition à l’amiante ne peut mener au développement de cancer pulmonaire.

L’AMAQ a cherché à légitimer ses affirmations par un support universitaire, ce que l’Université McGill a fourni. Les recherches du Dr John Corbett McDonald de McGill ont en effet  démontré que l’exposition à l’amiante chrysotile était essentiellement inoffensive quand le contact avec le minéral était moins de 300 mppcf/année. Avec cette recherche, les industries ont ainsi pu continuer à exploiter les mines d’amiante.

Il a été révélé par la suite que la recherche du professeur McDonald avait été subventionnée par l’AMAQ dans le but d’«assurer la survie de l’industrie », comme l’explique Kathleen Ruff.

 

Le rôle de McGill

Le professeur Egilman a porté plainte contre McGill en 2002 pour critiquer la recherche du professeur McDonald, laquelle présentait des données qui n’étaient pas suffisamment précises et correctes selon lui. McGill a ignoré sa plainte. En 2012, un grand nombre de scientifiques à travers le monde ont renchéri en demandant à McGill de mener une enquête indépendante sur les recherches de McDonald. McGill procéda à une cette demande, mais l’enquête menée comportait de « sérieux défauts » en raison du manque de transparence, d’indépendance et d’utilisation de données justes, comme le dit Kathleen Ruff. Cette dernière avance que l’université aurait d’ailleurs reçu de l’argent de l’AMAQ.

Kathleen Ruff qualifie l’action de McGill comme un manquement aux attentes « intellectuelles » et « éthiques » qu’on attend d’une université. L’intégrité et la transparence des recherches universitaires sont ainsi questionnées. Elle critique d’ailleurs l’emprise grandissante des corporations sur l’autonomie et la transparence des universités en matière de recherche. Ruff dit que McGill devrait pour de bon mener une enquête réellement indépendante et transparente sur la recherche de McDonald.

Kathleen Ruff explique que les recherches du professeur McDonald sont encore utilisées pour soutenir la survie de l’industrie de l’amiante dans le monde, industrie qui ne s’essouffle pas avec ses ventes stables de 2 millions de tonnes depuis 20 ans. Toutefois, l’exploitation de l’amiante doit cesser, car comme le dit Ruff, « la corruption des politiques publiques de santé cause des maladies et des décès non nécessaires ».

 

 

 

 

 

 


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