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Bourse du carbone : une leçon d’économie

Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies vient de déposer un rapport décriant l’urgence de la situation : il faut que l’humanité diminue ses émissions de gaz à effet de serre. Le professeur Yves Gingras de l’Université du Québec à Montréal affirme que la mise en place d’une bourse du carbone n’est pas une solution envisageable. Il est vrai qu’une telle bourse offre peu de salut. Cependant, il convient de rectifier les prémisses économiques erronées de la position du professeur Gingras.

L’objectif d’une bourse du carbone est d’augmenter le prix des émissions de gaz carbonique. Selon le modèle de l’offre et de la demande, plus le prix est élevé, plus la quantité de carbone émis diminue. Or, le professeur Gingras affirme qu’une bourse du carbone ne pourra pas augmenter le prix des émissions de carbone. Pour lui, les prix actuels du charbon et du pétrole, relativement bas par rapport aux autres sources d’énergie, démontrent que les mécanismes du marché maintiendront le prix du carbone beaucoup trop bas pour qu’il y ait une réelle incidence sur la quantité de carbone émis. Il s’agit d’une erreur.

Récapitulons le mécanisme. Une bourse du carbone met en place un marché d’échange de permis d’émissions de carbone. Le nombre de permis est déterminé par le gouvernement. Dans l’optique de diminuer les émissions, le gouvernement s’assure que les permis totalisent une quantité de carbone émis en-dessous des émissions actuelles. Ainsi, le gouvernement a le contrôle sur l’offre de vente des permis. Plus le gouvernement diminue la quantité de permis sur le marché, plus l’offre va diminuer et plus le prix va augmenter à cause de la rareté des permis. Il est alors faux de prétendre, comme professeur Gingras le fait, qu’une bourse du carbone ne permet pas une augmentation des prix, puisque la bourse du carbone, par définition, est un système basé sur un échange de permis dont la quantité est artificiellement limitée.

Le problème de la bourse du carbone se situe plutôt sur un autre niveau. La bourse n’établit pas de prix à l’émission, elle établit un prix au permis d’émission. Alors, dès qu’un pollueur obtient un permis, le coût du permis sera réparti sur le temps. L’incitatif de ne pas émettre de gaz carbonique est alors plus bas que si l’on établissait un prix pour chaque émission de carbone.

Avec la mise en place d’une bourse du carbone, les grands pollueurs obtiendraient rapidement la quantité de permis nécessaire pour maintenir leurs émissions quotidiennes. Les industries en développement n’auraient pas les moyens financiers d’acheter assez de permis. Il faudrait donc qu’elles investissent dans la recherche d’énergies alternatives. Or, ce sont précisément ces industries en développement qui n’ont pas les moyens d’investir dans la recherche.

Ainsi, même si la prémisse du professeur Gingras est erronée, sa conclusion est juste : la bourse du carbone n’est pas la solution pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Il semble qu’il faudra donc mettre un prix direct à l’émission de carbone si l’on veut créer un incitatif assez fort pour diminuer la quantité de gaz émis. Une visée qui semble encore utopique.


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