Aller au contenu

Exotisme à l’opéra

« Lakmé » s’impose Place des Arts avec un spectacle aux saveurs de Bollywood.

De Léo Delibes, compositeur pourtant prolifique de la fin du 19e siècle, presque rien n’a été retenu. Toutefois, et ce notamment grâce à une récente publicité de British Ariways, un air reste dans la mémoire collective, et sauve avec lui une oeuvre toute entière : il s’agit du « Duo des Fleurs », morceau clé de l’opéra Lakmé, composé par Delibes en 1883 et que l’Opéra de Montréal a décidé de jouer à nouveau. Ce, après un premier succès en 2007 où le spectacle avait été joué à guichets fermés.

L’histoire d’amour interdite entre Lakmé, jeune hindoue fille d’un prêtre puissant, et Gérald, le colon britannique, revêt cette année des couleurs éclatantes et un décor rappelant celui des films de Bollywood. Un choix que Pierre Vachon, directeur de la communication de l’Opéra de Montréal, justifie ainsi dans une entrevue avec Le Délit : « Aujourd’hui, l’opéra est vu comme un art complexe, et presque démodé. Notre objectif premier est de « dé-élitiser » l’opéra. Les couleurs, l’esprit de Bollywood rendent séduisante et attirante une pièce du répertoire classique français. Ce qu’on veut ? Mettre à la portée de tous le « grand répertoire ».

Même la composition de l’équipe semble illustrer cette volonté de prouver que l’opéra peut dépasser les âges, les époques et les frontières. Le spectacle présenté à Montréal est une coproduction australienne et les deux extrémités du globe se sont associées pour produire ce nouveau Lakmé. La distribution est également internationale, mettant à l’honneur  Canadiens (francophones et anglophones), Américains et Turcs. Les seconds rôles sont tous interprétés par les jeunes chanteurs de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Montréal.

Emma Char, qui joue le rôle de Malika, servante et amie de Lakmé avec qui elle interprète le « Duo des Fleurs », se réjouit de faire partie d’un tel spectacle, même si elle dit comprendre les réticences qu’ont parfois les jeunes à s’intéresser à l’opéra : « On peut apprendre tellement en allant à l’opéra ! explique-t-elle en entrevue avec Le Délit. Mais, comme pour toutes choses, il faut prendre le temps de comprendre et d’être initié. »

Pour initier les jeunes, l’Opéra de Montréal a mis en place un programme spécial pour les 18–30 ans : places à 30 dollars, activités organisées autour des spectacles, soirées à thème, et le très attendu « Métropéra », qui aura lieu début octobre à la station Berri-UQAM. L’opéra descendra alors véritablement dans la rue et les chanteurs présenteront des performances tout en incitant chaque passant à chanter avec eux.

Cette année, la soprano Audrey Luna, qui s’est fait connaître mondialement pour son interprétation d’Ariel dans l’opéra The Tempest de Thomas Adès au Metropolitan Opera de New York, incarne Lakmé au côté du ténor canadien John Tessier (Gérald). La diversité et la qualité des chanteurs promet une spectacle de haut niveau : Le Délit a pu assister la semaine dernière aux répétitions déjà bien avancées, et on retient le souhait de tous les participants de produire le meilleur spectacle possible.

Emmanuel Plasson, le chef d’orchestre qui dirige un ensemble d’environ 60 musiciens, explique au Délit le travail des chanteurs et musiciens : « On fait d’abord des répétitions piano/voix, avant d’introduire l’orchestre au complet.
Ce que j’aime dans Lakmé, c’est le raffinement, la subtilité des airs. On alterne entre des moments graves (mais pas trop) et des moments de joie. On ne s’ennuie jamais. »

Dynamisme, qualité, souhait constant de faire partager une passion : avec l’Opéra de Montréal, « l’art total » si cher à Wagner semble avoir encore de beaux jours devant lui.


Articles en lien