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Quand Yourcenar rencontre l’opéra

Un concert émouvant, une rencontre banale.

Bernhard De Grendel

Le concert-rencontre Yourcenar – Une île de passions, présenté par le Festival international de la littérature dans le cadre de la série « Arts croisés », nous pose une question complexe : quelle est la place de l’opéra dans l’art contemporain ? Pour y répondre, un opéra à saveur féministe nous est offert. Pierre Vachon, animateur aguerri au timbre radiophonique, nous guide dans une discussion qui se veut informative et inspirante, mais qui se voit teintée par l’absence d’Hélène Dorion et de Marie-Claire Blais, les écrivaines qui lui ont donné raison d’être.

La soirée commence en musique. Stéphanie Pothier, mezzo-soprano habituée des opéras contemporains, interprète le premier extrait dans le rôle de Marguerite Yourcenar. Elle est accompagnée par la pianiste Holly Kroeker, nouvellement diplômée de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal. Les premières notes suffisent à évoquer la nature de l’œuvre : une voix puissante, un style sobre, un opéra qui se démarque par sa simplicité. Bien que l’absence d’un orchestre se fasse quelque peu sentir, la musique parvient à nous transporter dans l’univers émotionnel de Yourcenar, l’écrivaine, mais également la femme assumée.

Au fil du spectacle, six pièces nous sont présentées par les solistes principaux de l’opéra Yourcenar – Une île de passions. À la performance de Stéphanie Pothier s’ajoutent celles de la soprano Kimy McLaren dans le rôle de Grace Frick et du baryton Hugo Laporte dans le rôle de Jerry Wilson. Leur performance émouvante insuffle de la vie à une soirée autrement banale.

« Les premières notes suffisent à évoquer la nature de l’œuvre : une voix puissante, un style sobre, un opéra qui se démarque par sa simplicité »

À l’encontre du moment « concert », la portion « rencontre » de cette introduction à l’opéra est quelque peu décevante. L’absence de la librettiste Hélène Dorion, qui était dans l’impossibilité de se joindre à la rencontre, s’ajoute à celle de la regrettée Marie-Claire Blais. Dans une tentative légèrement maladroite de parer à ce manque, des entrevues filmées datant de plusieurs mois nous sont projetées sur écran blanc. L’image est floue et le premier extrait trop long pour ce type d’événement.

Bref, l’approche multimédia n’arrive pas à compenser l’absence de celles qui ont non seulement écrit, mais également imaginé l’opéra inspiré de la vie de Marguerite Yourcenar. La discussion avec le compositeur Éric Champagne, quant à elle, est intéressante, mais par moments trop technique pour les spectateurs qui s’y connaissent peu en composition musicale. En ce qui concerne les questions posées par Pierre Vachon, visant à s’interroger sur la place de l’opéra dans l’art contemporain, elles ne font que frôler la surface d’un sujet qui mérite d’être approfondi.

Dans son ensemble, le concert-rencontre Yourcenar – Une île de passions m’a laissée sur ma faim. C’est peu cher payé en considérant qu’il est difficile de trouver à Montréal un concert intime d’opéra sans avoir à vider son portefeuille. Le temps passé à espérer une conversation plus stimulante en aura valu la peine, ne serait-ce que pour avoir entendu Stéphanie Pothier chanter la scène finale de l’opéra, où l’on voit le personnage de Yourcenar faire enfin la paix avec sa solitude.

Erratum : Dans une version antérieure de ce texte, Le Délit relayait que le concert-rencontre avait été animé par Winston McQuade et que la mezzo-soprano Stéphanie Poirier interprétait le rôle de Marguerite Yourcenar. En fait, la soirée était animée par Pierre Vachon, et le rôle de Marguerite Yourcenar était interprété par Stéphanie Pothier. Le Délit regrette ces erreurs. 


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