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Soyez Maîtres Chez Vous

La jeunesse s’empare des affaires publiques le temps d’une journée.

 

Près de 300 jeunes se sont retrouvés au Cœur des sciences de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) le 9 mars dernier afin de participer à l’édition 2013 de Maître Chez Vous (MCV) organisé par Force Jeunesse (FJ). Au menu, neuf conférences, de nombreuses discussions et un « cocktail-réseautage ».

FJ, un regroupement de jeunes travailleurs œuvrant « à la défense et à l’amélioration de [leurs] conditions de travail, des perspectives d’emploi de la relève et de l’équité intergénérationnelle dans les politiques publiques », organise depuis trois ans cet événement afin de faire la promotion de ses valeurs, principes et revendications. Stéfanie Tougas, responsable des relations publiques de FJ, explique au Délit qu’«avoir un événement comme ça, qui couvre tous les spectres de la gauche à la droite en politique jeunesse, permet de positionner les enjeux d[’un tel thème] et d’avoir un peu d’attention médiatique pour passer notre message, qui est de réduire les iniquités entre les générations et de mettre de l’avant la jeunesse ».

Cette année, l’événement traitait du financement politique, de l’immigration, de l’économie, de l’innovation, de la santé, des inégalités économiques et de la question linguistique. « Les panels et les conférenciers », explique Tougas, « sont sélectionnés en fonction de ce qui se passe dans l’actualité […]; ce sont des enjeux auxquels les jeunes devraient plus s’attarder ».

Chaque panel avait son lot d’experts et c’est même le ministre de la Santé, le docteur Réjean Hébert, qui a lancé le bal lors de la conférence d’ouverture en parlant du plan d’action en santé développé par le Parti Québécois (PQ).

 

Une démocratie pour cent dollars

Le panel sur le financement politique qui rassemblait Bernard Drainville, ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Sylvie Roy, députée  de la Coalition Avenir Québec (CAQ), Jocelyn Caron du Cabinet Intangible Gouvernance et Frédéric Lapointe, président de la Ligue d’Action Civique, a traité majoritairement des mesures mises en place par le PQ afin de diminuer de mille à cent dollars le plafond des dons aux partis politiques et d’augmenter la proportion de financement public.

Le ministre Drainville explique au Délit que ces mesures sont mises en place entre autres afin de favoriser une démocratie plus directe que celle qu’on exerce seulement tous les quatre ans. « En abaissant les dons à cent dollars, on les rend accessibles à la majorité des personnes alors qu’à mille, seuls les plus riches pouvaient se permettre de donner une telle somme. On donnait alors un pouvoir plus grand à ceux qui avaient de l’argent […] sur les élus, sur les partis. […] En ce sens-là, on permet au citoyen de se réapproprier son parti politique. » Il explique aussi que plusieurs autres mesures seront mises en place par le PQ afin de donner un plus grand pouvoir aux citoyens sur leur politique. « Des élections à date fixe ça serait une très bonne idée. On a d’ailleurs déposé un projet à ce sujet. […] L’autre chose qu’on veut faire, et on a déposé un projet de loi, c’est le vote sur les campus. […] C’est une manière de rapprocher la démocratie des citoyens, en particulier des jeunes ».

Le panel a aussi longuement traité du financement public par rapport au  privé et de nombreuses dissensions à ce sujet se sont faites sentir, entre autres lors de la période de questions.

 

Langue française : Statu Quo ou guerre linguistique ?

Un panel bien diversifié était présenté en après-midi. Formé de quatre panelistes et d’une parité anglo-française, il en est ressorti des débats hauts en couleurs. Mathieu Bock-Côté, sociologue et chroniqueur au Journal de Montréal s’est fait, comme à son habitude, grand défenseur de la langue française et a insisté sur les dangers qu’elle court présentement. « Il faut cesser d’avoir honte d’être inquiet pour la langue », dit-il au Délit. « Il va falloir reconnaître que la situation du français au Québec est inquiétante et qu’il est nécessaire aujourd’hui de revaloriser le politique, le rôle de l’État dans la défense et la promotion du français. » Éric Duhaime, lui aussi chroniqueur au Journal de Montréal, n’était pas du même avis. « Moi, je pense qu’on a eu une grande victoire au niveau linguistique et aujourd’hui il faudrait peut-être se soucier que Montréal redevienne un pôle  d’attraction économique, pas linguistique », explique-t-il au Délit.

On a aussi découvert chez les deux autres panelistes, tout deux anglophones, de grands défenseurs de la langue de Molière. Charles Castonguay, professeur de Mathématiques à l’Université d’Ottawa et auteur du livre Le français dégringole ! Relancer notre politique linguistique a présenté à l’assistance des statistiques montrant une réelle diminution de la proportion francophone au Canada de même qu’au Québec, et plus spécifiquement à Montréal. Il a expliqué au Délit que, selon lui, le français devrait tout naturellement être la langue dans laquelle se font les échanges entre les différents groupes linguistiques, non l’anglais. Il s’est cependant insurgé contre le principe d’immigration linguistique qui fait du Québec une des seules nations où les immigrants rapportent moins économiquement que les Québécois de souche.

La grande conférence de Diane De Courcy, ministre de l’Immigration et des Communautés Culturelles et ministre de la Charte de la Langue Française, a elle aussi porté sur la place du français au Québec. De nombreuses questions ont porté abordé la nouvelle loi 14 qui fera dès cette semaine l’objet d’une commission parlementaire.

 

Prendre le pouls de la relève

MCV, qui se veut « un espace de dialogue et d’échanges pour la relève en affaires publiques », exerce un attrait autant pour les jeunes que pour les conférenciers y participant. Catherine Collerette, étudiante de McGill qui assistait pour la première fois à l’événement, dit être venue surtout pour « entendre parler de plein de sujets d’actualité ». Ayant assisté au panel sur l’innovation, elle exprime au Délit son appréciation. « Les conférenciers donnaient vraiment des perspectives intéressantes sur ce qui devrait être le développement de Montréal », ajoute-t-elle.

Les conférenciers, eux aussi, semblent considérer que l’événement est d’une grande valeur. « Ça donne une image très positive de ce mouvement de jeunes. Souvent on présente les jeunes dans une perspective de critique, là c’est dans une perspective d’aller plus loin. Et ça c’est agréable. Ça crée de l’espoir », explique au Délit Pierre Maisonneuve, ex-journaliste à Radio-Canada. « Ici, au fond, on rencontre des gens intéressés par les affaires publiques peu importe leur allégeance politique », ajoute Bock-Côté. Bernard Drainville apporte un point de vue plus politique : « On vient prendre le pouls de la jeunesse. Pour nous qui sommes au gouvernement, c’est important de garder ce lien-là, notamment avec les jeunes parce qu’ils sont l’avenir de notre société. […] On a besoin de jeunes qui nous poussent dans le dos, qui demandent des réformes, des changements ». Éric Duhaime a, quant à lui, une vision un peu plus cynique de la situation : « Je crois que la jeune génération québécoise va avoir à porter un lourd fardeau et a intérêt à s’intéresser à la politique parce que la politique va beaucoup s’intéresser à son portefeuille dans les prochaines années ».

Les organisateurs pour leur part constatent une certaine réussite au niveau de l’organisation. « Il y a une popularité pour MCV qui est grandissante », s’enthousiasme Stéfanie Tougas. « On voit d’année en année qu’il y a de plus en plus de jeunes, de groupes de jeunes ou même d’associations qui désirent s’affilier ».

L’an passé, dans le cadre de la lutte contre la hausse des frais de scolarité, l’événement avait largement été boycotté par les associations étudiantes, entre autres en raison de la présence de Raymond Bachand, alors ministre des Finances, en tant que conférencier. Cette année il en a été différemment et il était possible d’y voir plusieurs représentants de la Fédération Étudiante Collégiale (FECQ) et Universitaire (FEUQ) dont Éliane Laberge, présidente actuelle de la FECQ.

L’événement avait aussi sa plateforme de discussion en ligne et c’est l’interface Twitter qui a été la plus populaire avec le #MCV2013 par lequel panelistes et participants ont échangé tout au long de la journée.


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