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Héma-Québec restreint les dons de sang des homosexuels

« Le don de sang : oui, l’homophobie : non »

Héma-Québec, organisme à but non lucratif qui recueille les dons de sang à travers la province, a procédé à une collecte au Cégep Garneau de Québec le lundi 12 novembre dernier. Leur venue a créé quelques remous. Le comité de mobilisation du Cégep a décidé de remettre sur la table un sujet qui avait créé une grande polémique par le passé : l’interdiction de recueillir des dons de sang provenant d’hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes. Les étudiants avaient placé pour l’occasion des affiches sur les murs dénonçant le critère restreignant cette population d’individus. Toutefois, comme le dit Félix Gingras Genet, relationniste du comité de mobilisation, « les bénévoles d’Héma-Québec avaient reçu la directive d’arracher toute affiche traitant du critère de 1983 ». 

« Pourquoi sang priver ? »

Depuis le début des années 1980, tout homme qui a eu ne serait-ce qu’une seule relation sexuelle avec un autre homme dans sa vie est exclu des donneurs potentiels de sang, comme on peut le lire sur le site Internet d’Héma-Québec. Un étudiant du Cégep Garneau préférant conserver l’anonymat, a expliqué au comité de mobilisation qu’il n’avait pas pu donner du sang lors de la collecte, car il a été victime dans son enfance d’un viol fait par un homme.

Ce critère avait été établi en réponse à la propagation rapide du sida au sein de la population homosexuelle des pays industrialisés dans le début des années 1970. En effet, la prévalence du VIH serait nettement plus élevée parmi la population homosexuelle masculine (10% infectés chez les hommes homosexuels contre 1% infecté dans la population en général). Les étudiants du Cégep Garneau voulaient remettre en question la pertinence d’un tel critère en 2012.

M. Gingras Genest partage l’avis émis par des spécialistes français de la santé qui considèrent qu’une telle mesure est contre-productive. Une des membres du comité de mobilisation de Garneau, Lorena Mugica, s’insurge : « En excluant aussi arbitrairement une frange importante de la population, pourquoi on s’étonne encore de la pénurie perpétuelle de produits sanguins dans nos hôpitaux ? ». De plus, ce critère crée une dichotomie entre les homosexuels et le reste de la population selon certains. « Je pense que ça aide à stigmatiser tous ceux qui sont homosexuels. Ça propose que les hommes homosexuels ne savent pas se faire dépister, ne savent pas non plus avoir des rapports sexuels qui sont protégés [et] ne savent pas s’assurer que leur santé est bonne », explique Aliénor Lemieux-Cumberlege, ancienne exécutante du comité Queer McGill.

Modifications en vue ?

Gilles Delage, vice-président aux affaires médicales d’Héma-Québec, explique que le critère qui interdit tout homme ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme à donner du sang est en processus de modification. M. Delage dit qu’un nouveau critère donnerait la permission à ces hommes de donner du sang s’ils n’ont eu aucune relation sexuelle avec un autre homme durant une période minimale de cinq ans. Selon M. Delage, cinq années seraient nécessaires afin de prévenir tout risque d’émergence de nouveaux agents infectieux. Aussi, si la période requise était plus courte, la modification du critère serait moins bien acceptée, voire rejetée par Santé Canada. Gilles Delage est d’avis que les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes sont encore plus susceptibles de contracter des maladies affectant le sang que le reste de la population. C’est pourquoi il serait encore nécessaire d’avoir des restrictions touchant cette partie de la population.

Félix Gingras Genest réagit par rapport à ce possible délai de cinq ans : « N’importe quel homme qui a une vie sexuelle active, ou encore simplement une vie de couple normale ne sera jamais apte à donner du sang ». Il explique aussi que dans d’autres pays, ce délai est beaucoup plus court, comme en Espagne où une abstinence de six mois est suffisante, ou encore en Italie où quatre mois seulement sont requis. Il suggère que de telles restrictions cherchent davantage à restreindre les homosexuels à donner du sang, ce qui s’apparente à de l’homophobie de la part d’Héma-Québec et de Santé Canada.
« Ce qui rest[e] homophobe, [c’est que] les personnes hétérosexuelles ou lesbiennes, même celles ayant des comportements sexuels à risque, ne seront jamais soumises à une restriction aussi sévère et inflexible », dit le comité de mobilisation du Cégep Garneau dans son communiqué de presse. 


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