Aller au contenu

Bonsái

Un film qui prouve qu’on essaie encore de retrouver le temps.

C’est une histoire d’amants : celle de Julio et Emilia, deux étudiants à l’université qui se rencontrent à une fête et tombent amoureux. À leur première rencontre, ils disent qu’ils ont lu À la recherche du temps perdu de Proust, en entier. Mais ils se mentent. Ni l’un ni l’autre n’en ont lu un mot. Ils commencent à le lire ensemble, à voix haute, avant de se coucher, « pour la deuxième fois », mais ils s’arrêtent après l’incipit. Les soirs suivants, ils lisent d’autres livres, sans jamais retourner à Proust. Julio et Emilia s’aiment passionnément, mais ils ne se rendent pas compte de l’importance de leur amour, et laissent le temps passer. 

Voilà la trame de Bonsái, un film du réalisateur Cristián Jiménez, inspiré du court roman de l’écrivain Chilien Alejandro Zambra, dont la sortie a été longtemps attendue par les amateurs de cinéma comme de littérature. Le roman a fait du bruit dans la littérature mondiale dès sa publication en 2006 ; le film aura certainement un impact similaire dans le monde du cinéma. 

Jiménez reste proche du style de Zambra, dans des scènes ayant un fort intérêt visuel et émotionnel, mais ses dialogues sont rares et souvent abstraits. Jiménez multiplie les références à Proust, en mettant en valeur le parallèle entre la relation de Julio et Emilia, et celle de Charles Swann et Odette. Ceux qui ont vu le film Un amour de Swann peuvent reconnaître certaines de ses scènes d’amour dans Bonsái. Jiménez utilise des gros plans, s’approche de la peau et des visages, et met en valeur l’étreinte de chaleur qui imite la passion de Swann et Odette. Ce parallèle fait de l’amour de Julio et Emilia un abandon total de l’identité individuelle dans l’autre.

La chronologie alterne entre deux moments espacés de huit ans. Entre les deux, on ne sait pas ce qui s’est passé et on ne sait donc pas pourquoi Emilia et Julio se sont quittés. Après ces huit années, Julio travaille pour un écrivain célèbre, Gazmuri : il tape son manuscrit à la machine. Mais il perd son travail lorsque Gazmuri lui annonce qu’une secrétaire de la maison d’édition va le lui faire pour moins cher. Julio, qui n’accepte pas le fait qu’on puisse se passer de lui aussi facilement, ne veut pas le dire à sa nouvelle amante, qui l’aidait avec le projet. Il commence alors à écrire son propre manuscrit : un roman, Bonsái qui devient le récit de l’histoire de sa vie. 

Le symbole du bonsaï est mystérieux. Il n’est pas expliqué, mais il apparaît dans une autre histoire, celle d’un couple qui essaie d’entretenir une plante mais qui finit par se quitter. Dans cette histoire-là, la plante est le symbole de leur amour, qui a besoin d’attention pour survivre. Julio prend ainsi soin du bonsaï pour compenser son inattention face au temps qui passe. Au même moment, Emilia se suicide. Julio ne l’apprend que quatre mois plus tard. Bouleversé par la mort d’Emilia, Julio ne sait pas quoi faire. Il va à la bibliothèque, s’assied, et commence à lire Proust, une seule larme coulant sur sa joue. 

« Emilia meurt. Julio ne meurt pas. Le reste est fiction. » Cet incipit du film fonctionne comme une sorte d’anti-accroche. Mais il ne fait pas que révéler ce qui se passe à la fin, il contribue aussi au développement de l’intrigue. Un autre incipit lui ressemble : celui de La Recherche de Proust. « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. » Le reste est littérature. 

VOCABULAIRE :

Amant : lover
Inspiré de : based on
Proche : close
Gros plan : close up
Étreinte : embrace
Chaleur : heat
Maison d’édition : publisher
Roman : novel
Entretenir : look after
Bouleversé : deeply moved
Bibliothèque : library
Larme : tear
Couler : drip
Joue : cheek
Accroche : catchphrase
Intrigue : plot
Bougie : candle
Éteindre : blow out
S’endormir : fall asleep


Articles en lien