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Les petits carrés rouges

Pourtant, qui aurait pu le prédire ?

Certains malins me répondront que les étudiants allaient gagner coûte que coûte, que la hausse tomberait évidemment avec le départ de Charest et que le petit carré rouge ne ferait que grandir puisqu’il est épinglé sur le cœur des idéalistes. D’autres, néanmoins, auraient affirmé que la hausse serait adoptée, que c’était certainement ce qu’il y avait de mieux à faire, que cela débloquerait les rues de manifestants pour laisser passer les fonctionnaires et travailleurs en voitures, que le Québec n’avait pas à se plaindre en premier lieu et que je devrais être content de la fin du mouvement étudiant : « toi qui vis sur Sherbrooke, tu ne les entends pas à minuit passé ? ».

Aujourd’hui on le sait, les carrés rouges ont « gagné », les carrés verts sont allés se cacher au fond d’une poche de pantalons en soie. Pour moi, cela me fait chaud au cœur de voir les étudiants comblés après tant d’efforts contre un gouvernement si peu peu loquace, qui n’aura pas bougé jusqu’à ce qu’il s’écroule. Au fond, la victoire du Parti Québécois et ses plans futurs sont la récompense pour ceux qui se sont réellement impliqués dans la politique l’année passée. Je les ai entendus tous ces étudiants, à minuit passé, les soirs d’été, à marcher et chanter.  Quelquefois une petite centaine, d’autres fois plusieurs milliers. Et moi qui ne savait pas vraiment dans quel parti m’investir, je regardais de mon balcon, trouvant cela génial que des centaines de milliers de jeunes étaient assez investis dans la politique pour faire des manifestations. Jour, nuit, pluie, matraques ou soleil, cela ne les ralentissaient pas pour autant.

Je ne dirais tout de même pas que les étudiants ont été de petits anges trompettistes, annonçant le droit chemin et la bonne nouvelle. Non, on a vu des sauterelles lâchées dans des locaux universitaires, des alarmes de feu tirées en plein milieu d’examens, du graffiti revendicateur qui ferait pâlir un Marseillais et même un carambolage de casseroles et de cuillères devant l’entrée d’examens finaux.

Quoique je ne sois en aucun cas d’accord avec certaines des méthodes utilisées par ceux dénonçant la hausse des frais de scolarité, j’essaie de me rendre bien compte que les quatre cents coups du carré rouge n’avaient souvent rien à faire avec les vrais buts « anti-hausse ». Des dépanneurs saccagés, des boites aux lettres renversées, des pétards contre et entre les bâtiments- je me dis que ce sont des actes peut-être pleins de convictions, mais tout simplement mal dirigés. Pour une foule énervée, composée de milliers d’étudiants, de jeunes désemparés, de touristes éberlués, de Québécois, d’Ontariens, de Français, de Sud-Américains, la casse a été minime, surtout comparée à certaines remontées étudiantes en Europe. En tant que Français vivant au Canada depuis environ dix ans, je dois avouer que même dans des situations aussi délicates que celle qui s’est déroulée ici durant la dernière année, les Canadiens restent extraordinairement civiques comparés à leurs voisins outre-Atlantique. 

Je finis donc cette première colonne en honorant la politesse Canadienne si unique en son genre, et en suggérant à tous les étudiants vainqueurs de ne pas trop se galvaniser devant les petits carrés verts, mais plutôt d’aller discuter l’affaire autour d’un p’tit verre de je-ne-sais-quoi. Après tout, la hausse aurait coûté en moyenne 1$ de plus par jour, autant l’investir dans un rafraîchissement si bien mérité.


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