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Condamnation de la violence, trêve et négociations

La Ministre Beauchamp demande une trêve d’actions de perturbation économiques et sociales de la part des étudiants grévistes. 

Nicolas Quiazua | Le Délit

Condamner la violence

Ce lundi, le 23 avril, marquait le début de la onzième semaine de grève des étudiants opposés à la hausse des frais de scolarité du gouvernement Charest. Quelques jours auparavant, la ministre de l’éducation, Line Beauchamp, a invité deux des trois partis représentant les étudiants grévistes à la table de négociation : la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Laissée de côté, figurait la Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE).

La CLASSE, libellée par le gouvernement comme étant « l’aile radicale du mouvement », est reconnue pour ne condamner aucune forme de tactique politique, incluant celles jugées violentes ; d’où la raison de son exclusion. La Coalition, qui représente près de la moitié des étudiants en grève à l’heure actuelle, avait refusé la conditions pour prendre parti aux pourparlers imposé le 18 avril par la Ministre. L’ultimatum obligeait les trois grandes organisations d’étudiants en grève à dénoncer, le jour même, la violence. Selon Jeanne Reynolds, Co-porte parole de la CLASSE, la demande de la ministre constitue « une stratégie pour diviser les associations étudiantes entres-elles pour mieux faire passer la hausse ».

Contrairement à 2005, où la CLASSE s’était vue exclue de la table de négociation, le mouvement étudiant est resté relativement solidaire. La CLASSE soutient que « la meilleure chance de réussite dans cette grève là, c’est d’y aller tout le monde ensemble ». D’ailleurs, la FEUQ était prête à céder deux des places de leur délégation à la table de négociation aux membres de la CLASSE. Du côté de la FECQ, par contre, on était prêt à aller de l’avant avec les négociations sans la CLASSE, tant que la FEUQ en fasse aussi partie.

En entrevue avec Le Délit , Léo Bureau-Blouin, président de la FECQ, explique cette position en disant que « bien qu’il soit important que l’ensemble des associations soient représentées, il y a un sentiment d’urgence dans le réseau collégial aillant des obligations réglementaires beaucoup plus rigides que dans le réseau Universitaire ». La position de la FECQ visait donc à presser le pas « autant du cote gouvernemental, mais aussi du cote de la CLASSE qui semblait incertaine face a la condamnation de la violence ».

La CLASSE en a surpris plusieurs, hier soir, en faisant volte-face pour finalement condamner certains gestes de violence, quelques heures à peine, avant le début des négociations. Suite à la tenue de son congrès, dimanche, la Coalition a déclaré dans un communiqué qu’elle « condamne la violence délibérée faite a l’égard de l’intégrité physique d’individus sauf en cas de légitime défense ». Du même pas, la Coalition s’empressait quand même de réitérer ses principes de désobéissance civile. Selon Jeanne Reynolds, en entrevue avec Le Délit, les actions de désobéissance civile constituent « le moyen qui nous permet [sic] de bâtir un rapport de force avec le gouvernement ». (Résumé du mandat de la CLASSE : http://​goo​.gl/​6​z​B4A)

En d’autres mots, côté violence, la CLASSE semblerait vouloir apporter une nuance entre les actes de vandalisme matériel et la violence physique. Parmi les gestes que la coalition condamne, on retrouve les « pavés lancés sur l’autoroute ville marie, comme fût le cas vendredi [en marge de la manifestation contre le Plan Nord]; ça met en péril la vie des citoyens et citoyennes et on veut que ces gens la soient avec nous et non contre nous », explique Reynolds.

Trêve de 48 heures

Suite à la sortie de la CLASSE, dimanche, la Ministre Beauchamp ne semblait pas être convaincue. Considérant flous les propos tenus par la CLASSE, la Ministre impose, lundi matin, une nouvelle condition pour siéger à la table de négociation. Cette fois-ci, les leaders étudiants devaient se compromettre à une « trêve de plusieurs heures » ; plus précisément, les différents leaders devront s’engager à ne pas organiser d’actions de perturbation économiques ou sociales pour une durée de 48 heures.

Mme. Reynolds qualifie les propos de la Ministre d’enfantillages : « On lui a répondu qu’on condamnait la violence et pourtant la Ministre jugeait que cela ne répondait pas à ses demandes ». Autant la FECQ que la FEUQ ont consenti a la trêve. Du côté de la CLASSE, Reynolds affirme qu’il ne devrait pas avoir de difficulté à respecter la demande de la Ministre : « Il n’y avait aucune action de prévue dans les 48 heures (…) la trêve est effective de facto ».


Tensions du côté des Associations membres

Certaines Associations membres de la CLASSE ne semblent pas approuver les décisions prise récemment par la Coalition. Au vieux Montréal, par exemple, on ne pense pas qu’il soit nécessaire d’avoir des négociations, « nous ce qu’on veut c’est qu’il n’y est pas de hausse ». En entrevue avec Le Délit, Victoria Gilbert, responsable à la mobilisation à l’Association générale étudiante du Cégep du Vieux Montréal (AGECVM), ajoute que c’est seulement « Gabriel Nadeau Dubois et le Comité Média de la CLASSE qui ont interprété le mandat et qui ont décidé de condamner des gestes de violence ».

« Sachant que la justice, le gouvernement et la police essaient de nous opprimer si notre organisation elle-même ne nous appuie pas, qu’est ce qui nous rassure dans nos actions politiques » ? Selon Gilbert, les Associations membres de la CLASSE « avaient pris une position claire, en congrès, sur le fait de défendre le gens qui posaient des actions radicales ». Elle martèle que « la CLASSE n’a rien à condamner ».

De plus, toujours selon Gilbert, la décision de se plier à la demande de trêve de la Ministre ne fut statué ni en congres, ni en assemblée générale. Pour ces raisons, l’AGECVM ne compte pas se conformer à la trêve. L’Association organise une « Manif de Nuit » demain soir au parc Émilie-Gamelin. Dans la description de la manifestation, sur les réseaux sociaux, on peut lire : « Jamais nous n’avons été consulté-e‑s sur le respect ou non de la trêve ridicule proposée par une ministre désespérée ».

Jeanne Reynolds de la CLASSE rappelle que la Coalition n’a pas recommandé aux associations étudiantes de ne rien faire : « Ce n’est pas notre rôle d’être paternaliste envers les associations étudiantes. Si elles décident d’organiser des actions locales nous on ne peut pas contrôler ». Tant que la CLASSE reste en dehors de l’organisation de telles actions, Reynolds pense qu’elles n’entraveront pas la participation de la Coalition à la table de négociation.

La TaCEQ sort de l’ombre

La Table de Concertation Étudiante du Québec (TaCEQ), un quatrième groupe d’étudiants plus discret, sera présente elle aussi à la table de négociation. La TaCEQ représente une grande partie des étudiants aux campus des Universités McGill, Sherbrooke et de l’Université Laval. Le regroupement a notamment participé à l’organisation de la grande marche du 22 Mars dernier.

La TaCEQ n’est pas reconnue pour ses sorties médiatiques. Simon Gosselin, Secrétaire Général, explique que « la TaCEQ est une jeune organisation aillant encore des problèmes structurels à l’interne ». De plus, la TaCEQ plus qu’un représentant actif, semble constituer le reflet de ce qui se passe sur les différents campus : « s’il ne se passe rien sur les campus membres de la TaCEQ, il est normal que la TaCEQ ne puisse pas faire de sorties médiatiques ».

La TaCEQ est, elle aussi, contre la hausse des frais de scolarité. Une de ses demandes spécifiques lors de la négociation actuelle sera de « faire financer l’éducation par le biais des entreprises ».

Article mis à jour le 24 avril 2012, à 17:26.:

Négociations en cours à huis clos

Les quatre organisations ont finalement toutes fait face, lundi soir, à la Ministre de l’Éducation. Lorsque contacté, tard en soirée à sa sortie de la chambre close, M. Bureau-Blouin n’émit pas de commentaires sur l’entretien au Délit : « On s’est entendu avec la partie gouvernementale qu’on ne commenterait pas la nature des discussions ». Il dit cependant souhaiter « être en mesure de régler le conflit au courant des prochains jours ».

La Ministre Beauchamp, en conférence de presse hier, semblait changer de ton. Elle se dit maintenant prête à débattre la question des droits de scolarité si elle était « soulevée », tout en rappelant du même souffle que le gouvernement ne reculera pas. Aussi ambigüe que cela puisse paraître, le gouvernement fait un premier compromis. Il n’y a pas si longtemps, la Ministre refusait que le sujet soit même abordé.

Les associations semblent voir d’un bon oeil l’ouverture du côté de la Ministre. Reynolds explique que selon ce qui va ressortir des discussions lors des prochains jours, « les étudiants vont pouvoir décider en assemblée générale [de la CLASSE] (ndlr.) si c’est des offres qui leur conviennent ou ne leur conviennent pas ». Optimisme partagé par la TACEQ et Simon Gosselin qui, pesant ses mots en vue de ne pas enfreindre l’entente de trêve médiatique avec la partie gouvernementale, affirme qu” « il devrait y avoir un dénouement dans les prochains jours ».


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