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De gauche à droite

MÉSRQ, Prince Arthur Herald, ModSquad… les nouveaux visages de la droite étudiante.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

De nouvelles voix ont émergé ces derniers mois pour représenter une sensibilité politique autrefois moins dominante sur le campus. Être conservateur et étudiant ne semble plus un complexe à avoir. Entre les plus modérés et ceux ouvertement « bleus », la ligne de démarcation demeure parfois floue.

Toi et ton carré blanc

Alice Des | Le Délit
L’occupation du 6ème étage et la « fête à Mendelson » ont provoqué bon nombre de débats autour du campus. C’est là que certains ont commencé à vouloir politiser l’idée de la « majorité silencieuse » au sein de l’activisme étudiant.

L’événement Facebook « The 6th floor occupiers do NOT represent me », avec plus de 2 000 participants virtuels, a mis au premier plan cette « majorité silencieuse » et l’a savamment instrumentalisée avec la création de ModSquad (Moderate Political Action Committee).

La majorité silencieuse peut-elle vraiment avoir une voix ? C’est un défi de regrouper toutes les sensibilités politiques dans une seule et même entité, et cela peut même devenir un paradoxe que de parler au nom d’une majorité qui est par définition supposée demeurer « silencieuse ».

Selon Brendan Steven, les défenseurs des étudiants non-impliqués critiquent la rhétorique de la politique étudiante à McGill « trop biaisée en faveur d’une minorité bruyante », ce qui a contribué à la création de ModSquad et de l’idée des carrés blancs. C’est, au bout du compte, la volonté de « restaurer la voix de l’étudiant moyen et de vouloir rendre l’AÉUM plus collaborative avec l’administration » qui anime ModPAC.

« Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas consacrer six heures de son temps à une AG à la veille d’un examen ou qu’on travaille à temps partiel que notre voix ne devrait pas être entendue », affirme Brendan Steven.

Toi et ton carré rouge
« Ce qu’il faut, c’est dépolitiser l’AÉUM », assure Jean-François Trudelle, rédacteur en chef de la section francophone du Prince Arthur Herald. « Si les associations étudiantes continuent à se politiser et à ne pas représenter l’ensemble des étudiants, alors il devrait être possible d’opter out de l’AÉUM ! Quand une motion est de mettre un portrait de Karl Marx dans le bâtiment Shatner , cela devient déconnecté de ce que devrait faire une association étudiante, soit fournir de l’aide aux études et des activités agréables pour tous. »

En fait, l’émergence de nouvelles voix conservatrices décomplexées à McGill a surtout eu un impact sur des questions précises tel que le financement de l’organisme politisé GRIPQ.

« La campagne opt-out avait commencé avant que j’arrive à McGill mais nous avons vraiment bien réussi à faire passer le message qu’on ne pouvait pas financer une organisation comme celle-là avec l’argent des étudiants », déclare Brendan Steven, donnant en exemple le nombre de gens de plus en plus important qui se désengage de la redevance étudiante.

Début février, l’affaire s’est d’autant plus judiciarisée avec l’ouverture du J‑Board (l’organe judiciaire de l’AÉUM), pendant laquelle Brendan Steven, accompagné de l’ancien président de l’association Zach Newburgh, ont reproché à Élections McGill d’avoir validé la question référendaire de GRIPQ alors qu’elle était supposément anticonstitutionnelle.

C’est en réalité sur des points très spécifiques et partisans que la critique de GRIPQ s’est établie. « On ne devrait pas imposer la participation à des causes qui ne représentent pas tous les étudiants », assure Steven faisant notamment allusion à la Semaine contre l’apartheid israélien organisée par le groupe Tadamon ! supporté par GRIPQ.

Toi et ton journal
Aujourd’hui, Le Prince Arthur Herald, c’est plus de 3 000 abonnés sur Twitter, près de 1 000 fans sur Facebook, et des articles mis en ligne chaque jour. Le jeune journal est devenu en l’espace d’un an une plate-forme incontournable pour les étudiants voulant exprimer un point de vue qu’ils considèrent ostracisés par ceux qui « ont le pouvoir de parole à McGill ».

« Je suis arrivé sur le campus et, dès ma première année, en écrivant des chroniques pour le Tribune, j’ai vu que c’était évident que les orientations conservatrices n’étaient pas représentées dans les médias étudiants ». En remarquant le manque à combler, Brendan Steven, étudiant en science politique, en est arrivé à co-fonder un journal étudiant ouvertement conservateur.

« Ce n’est pas que la politique étudiante soit trop radicalement à gauche, précise Brendan, mais simplement qu’il n’y a pas de réponse aux positions de nombreux étudiants », en présentant par exemple la politique d’équité ou la position de l’Association des Étudiants de l’Université McGill à propos de la hausse des frais de scolarité.

« On s’est dits qu’il ne fallait pas laisser les choses comme elles l’étaient,» précise Jean-François Trudelle, rédacteur en chef francophone. « Le McGill Daily est le jornal le plus lu et, en créant le Prince Arthur, on voulait rappeler que ça pouvait exister d’être étudiant et de droite ».

Vouloir jouer la veine conservatrice n’est toutefois pas sans risques. Tout au long de l’année, Le Prince Arthur Herald a publié certains articles qui ont eu des répercussions notables. Le journal conservateur, aujourd’hui pan-canadien, a par exemple publié un article contre l’adoption par les parents homosexuels, le texte étant signé par un personnage plutôt controversé du mouvement créationniste américain. De façon similaire, le journal a publié un article dénonçant le « lobby francophone » à Ottawa et une lettre ouverte ostensiblement offensante pour les communautés francophones du Canada. « Ce sont des incidents qui ont aidé Le Prince Arthur Herald à acquérir de l’expérience, mais, en tant que journal, on doit être libre de publier ce que l’on veut », commente Brendan Steven, qui tient à préciser qu’il n’était plus rédacteur en chef à cette époque-là.

Toi et ton carré vert
Hors de McGill, on a également vu l’émergence de groupes dans l’activisme étudiant. Par exemple, le Mouvement des Étudiants Socialement Responsables du Québec peut être caractérisé comme ouvertement penchant à droite et fortement lié au gouvernement en place.

Jean-François Trudelle a très vite été sollicité par les médias pour incarner ce discours sur la question de la hausse des frais de scolarité. Il pense que l’idée du carré vert n’était cependant pas brillante. « C’est une discussion trop compliquée pour déclarer sa position. C’est absurde de réduire le débat, comme le font les médias, à ceux qui sont pour et ceux qui sont contre la hausse. »

Jean-François explique qu’il a toujours refusé de porter un carré vert, sauf une fois où quelqu’un du MÉSRQ l’a obligé lors d’une intervention télévisée.

Néanmoins, peu de carrés verts sont présents à McGill. Le Mouvement des Étudiants Socialement Responsables du Québec très québéco-québécois ne semble pas avoir interpellé plus profondément la population mcgilloise..

Malgré tout, Jean-François Trudelle affirme que toutes les tribunes d’expression à l’instar du Prince Arthur Herald demeurent un moyen de rappeler qu’il y a toutes les couleurs sur le campus. « Il n’y a pas forcément que des étudiants contestataires et radicaux, ce sont peut-être les étudiants de droite qui sont les vrais révolutionnaires…»

Avec les événements qui ont bouleversé McGill cette année, et cet activisme organisé par la dénommée « vocal minority », les conservateurs ont pris la position de « modérés » sur le campus. Le Prince Arthur Herald est, quant à lui, devenu un médium qui a acquis beaucoup d’espace ; nul ne peut dorénavant affirmer que les conservateurs n’ont pas leur mot à dire sur le campus.


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