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Lettre à Monsieur Charest

Monsieur Charest,

En cette semaine nationale de frustration généralisée, vous êtes le bienvenu à descendre de votre tour d’ivoire afin de venir festoyer le cynisme et la hargne qui règnent parmi ceux qui supportent ce Québec depuis bien longtemps. Dans le cadre de cette semaine thématique, des milliers de gens et de groupes voudraient que vous les écoutiez, mais il faut malheureusement concentrer vos énergies et être sélectif, car une semaine, c’est bien peu pour un homme populaire comme vous. 

Je vous invite donc à retrouver vos plus tendres souvenirs et à venir passer 1 semaine sur les bancs d’une école primaire francophone bien normale, dans le quartier de Saint-Léonard. 

Dans les derniers mois, les étudiants de tous les niveaux ont uni leurs voix, car 1 625 dollars de hausse ça ne passe pas. On entend pas beaucoup parler de ces jeunes du primaire, qui pourtant, s’ils étaient conscient de ce qui se trame contre eux, hausseraient sûrement le ton aussi. Un budget faramineux pour l’implantation des tableaux blancs pour en finir avec cette ère de précarité de craies et d’effaces, et une sixième année bilingue obligatoire pour tous les petits francophones afin de leur assurer un meilleur avenir en maîtrisant la vraie langue utile, l’anglais, sont deux de vos brillantes idées. 

Une semaine, c’est bien peu pour comprendre le quotidien des enseignant(e)s, mais c’est assez pour voir où vous devriez investir. J’ai passé cinq semaines dans une école primaire pour la réalisation d’un stage. Même avec mon peu d’expérience, il ne m’a pas fallu plus d’une semaine pour comprendre que les écoles primaires ont un besoin criant d’augmenter le personnel spécialisé pour les élèves en difficulté. Le taux de décrochage au Québec est énorme. Là où le gouvernement a besoin de mettre de l’argent monsieur Charest, ce n’est pas dans le matériel ou dans un nouveau programme mais dans les ressources humaines. 

L’implantation de tableaux blancs n’est pas nécessaire. Les enseignant(e)s ne les ont pas demandés et jusqu’à présent, l’éducation s’est bien débrouillée sans. 250 millions de dollars pour qu’un outil technologique nous donne des allures 2.0, c’est cher payé. 

La fédération des parents a voté majoritairement en faveur de ce projet de sixième année bilingue. Devrait-on alors croire qu’il est socialement acceptable ? Les parents impliqués dans cette association sont ceux qui se dévouent à la vie de leurs enfants, et qui ont les moyens d’investir de leur temps dans ce genre de groupe. De plus, l’immersion anglaise est habituellement réservée aux élèves performants. Vous voulez l’obliger à tous.
Sur qui comptez-vous pour enseigner tous ces mois en anglais ? Les enseignant(e)s ne sont pas formés pour cela.
Vous aurez beau leur donner une formation rapide, elle n’équivaudra en rien a ce qu’un(e) enseignant(e) d’anglais aura appris au cours d’un baccalauréat de quatre ans. En ce moment, il n’y a pas assez de prof d’anglais pour répondre à votre demande. Et selon vous, monsieur Charest, l’immersion anglaise est la seule façon de bien maîtriser l’anglais. Je suis de ceux et celles qui ont eu des cours d’anglais tout au long du primaire, secondaire et du cégep, comme la majorité de ma génération. On se débrouille assez bien je dirais. Sans faire de cas personnel, j’ai suivi un parcours tout a fait normal, et j’ai pu développer un anglais suffisant pour me permettre de réussir en anglais à l’université. Le Québec gagnerait davantage si votre gouvernement se concentrait sur les services aux jeunes en difficulté dans les écoles primaires.

Venez constater par vous-même où les besoins sont pressants.
Une semaine, monsieur Charest, une toute petite semaine. C’est bien peu à côté des années que beaucoup trop de jeunes perdront sur les bancs d’école à cause de vos investissements inutile


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