Aller au contenu

The English way

J’ai assisté la semaine dernière au rendez-vous annuel du Manning Centre, principalement pour voir le député européen, eurosceptique, conservateur et britannique Daniel Hannan. Ce petit tour dans ce qui veut devenir le Conservative Political Action Conference (CPAC) canadien fut très éclairant.

Bien que Stephen Harper jouisse maintenant d’une majorité à la Chambre des communes, un sentiment d’inconfort et de scepticisme politique semble toujours régner autour de lui et du conservatisme canadien. Que va-t-il faire aux gais, aux femmes, aux minorités ? Bien que ces craintes soient souvent non-fondées, elles persistent obstinément au sein des médias. En occupant une partie de l’espace médiatique, elles inhibent une analyse plus intelligente du mouvement conservateur et du gouvernement en place.

C’est au cours de la conférence que j’ai compris une partie du problème : le conservatisme canadien désire trop calquer le conservatisme étatsunien. Le malaise émane de là. Le Canada n’est pas les États-Unis et ne le sera jamais. Nos sociétés sont trop différentes et nos institutions, encore plus. C’est cette seconde différence qui rend vaine la tentative de recréer l’enthousiasme conservateur étatsunien.

Pourquoi ? Parce que bien que nous soyons culturellement semblables aux Américains, nos institutions démocratiques et étatiques sont bel et bien britanniques. Notre sénat n’a rien à voir avec celui de nos voisins du Sud, le Parlement fonctionne de manière radicalement différente que le Congrès des États-Unis. La société canadienne est aussi moins ancrée dans le communautarisme religieux, perçu comme outil de rechange à l’État providence par les conservateurs étatsuniens.

Le conservatisme canadien ne sera jamais entièrement convaincant tant qu’il regardera au Sud. C’est plutôt outre-Atlantique qu’il devra trouver son inspiration. Il semblerait que c’est ce que les partisans du mouvement veulent. Lorsque Daniel Hannan a pris la parole lors du dernier panel, aucun autre invité de la conférence n’avait eu un accueil aussi chaleureux. Les applaudissements et les rires se suivaient et les spectateurs se sont empressés de lui poser une multitude de questions, ignorant presque David Wilkins, l’ancien ambassadeur des États-Unis au Canada.

Ce n’est pas surprenant. Le conservatisme britannique est lui aussi basé sur un petit gouvernement et la décentralisation des pouvoirs. Toutefois, il a opéré un changement majeur : du conservatisme social, il a évolué vers le conservatisme culturel. Au Royaume-Uni, aucun politicien ne peut espérer mener une campagne sur l’homosexualité, l’avortement ou d’autres questions relevant de la moralité. Sa popularité descendrait en flèche. Toutefois, il peut espérer marquer des points en se présentant comme défenseur de la communauté britannique, de ses valeurs, de sa culture, de son identité et de son indépendance. C’est précisément ce que les Canadiens recherchent. Ils ne veulent pas entendre parler de bondieuseries, mais bien de fierté, de patriotisme et de liberté. Le concept de « big society » de David Cameron serait particulièrement accrocheur ici.

Devons-nous nous en étonner ? Avant les ravages du multiculturalisme institutionnel, les Canadiens étaient encore très attachés à la Grande-Bretagne. Au plus profond d’eux-mêmes, ils n’ont pas tourné le dos à la mère patrie et à ses manières de faire de la politique.

C’est sûrement pour cela que le discours de Hannan a trouvé un si grand écho parmi les 700 participants. C’est pour cela aussi qu’il mériterait d’être entendu par un plus grand nombre de Canadiens.

La droite y trouverait finalement la force de faire tomber les craintes qui l’entourent.

***

P.S.: À tous les étudiants de la Faculté des arts, allez voter contre la grève lors de l’AG de mardi. Vous avez le choix entre faire la grève ou avoir une éducation abordable et des universités bien financées. Choisissez votre camp.


Articles en lien