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Les cupcakes de la colère

Les auxiliaires d’enseignement négocient leur prochain contrat avec McGill.

Victor Tangermann

Le 3 novembre, une centaine d’étudiants s’alignaient devant les chaudrons fumants de la Midnight Kitchen qui servait sous le soleil. Alors que la soupe populaire se faisait attendre, une poignée de manifestants vêtus de complets solennels ont pris d’assaut les oreilles désarmées des étudiants : « Less TAs, more cupcakes !» scandaient-ils en présentant des plateaux emplis de gâteaux aux couleurs mornes. Ces faux McGill administrators se sont avérés être des syndicalistes venus parodier ladite intransigeance de l’université, tout en distribuant pamphlets et slogans aux midnight kitcheners immobilisés dans l’attente de leur popote végétalienne.

Victor Tangermann

Le Délit présente une entrevue avec Renaud Roussel, président du comité de négociation pour le renouvellement de la convention collective des auxiliaires d’enseignement (AE) de l’Université McGill.

Le Délit : Présentez votre syndicat. 

Renaud Roussel : L’AGSEM (Association des étudiantes et étudiants diplômés et employés de McGill) est le plus grand syndicat du campus et compte un peu plus de 3000 membres. Nous représentons trois groupes d’employés à McGill : les AE, les surveillants d’examen, ainsi que les chargés de cours et instructeurs. Les deux premiers groupes sont actuellement en négociation avec l’administration de McGill. Les AE veulent renouveler leur contrat qui a expiré fin juin 2011 et les surveillants d’examen veulent obtenir une première convention collective. Les chargés de cours commenceront les négociations dans les mois à venir.

LD : Que reprochez-vous à l’administration de l’Université McGill ?

RR : D’avoir, jusqu’à maintenant, refusé systématiquement nos demandes principales, comme une augmentation des heures, une hausse de salaire de 3% par année et un nombre limite d’étudiants par classe par exemple. Plus généralement, nous ne sommes pas satisfaits de la politique de l’administration qui n’a pas pour but de valoriser l’enseignement et la pédagogie mais d’améliorer l’image de l’université et de promouvoir la recherche. Nous pensons que tous ces aspects sont essentiels au bon fonctionnement de McGill et que les AE jouent un rôle prépondérant dans la qualité de l’éducation à McGill.

LD : Quelles conséquences vos demandes auraient-elles pour les étudiants de McGill ?

RR : Nos demandes visent à améliorer les conditions de travail des AE mais aussi les conditions d’études des étudiants au baccalauréat. Plus d’AE et d’heures pour les AE permettraient d’avoir des classes plus petites et donc une participation plus active des étudiants. Une formation permettrait aux AE de savoir comment noter une copie, comment mener une discussion, comment se comporter avec les étudiants, etc., car, soyons honnêtes, ces qualités-là sont loin d’être innées pour tous les nouveaux AE. Jusqu’ici, la position de McGill est que les AE sont experts dans leur spécialité et n’ont donc pas besoin de formation. Nous pensons au contraire qu’une formation pédagogique est essentielle.

LD : Les AE dont les tâches sont limitées gagnent le même salaire que ceux qui ont les pleines responsabilités de la correction, de la modération des conférences et des cours magistraux. Quelle est votre position par rapport à cette situation ?

RR : Nous pensons qu’il est normal qu’un AE qui a pour seule tâche de corriger des copies reçoive le même salaire que les autres AE, car la correction implique une expertise dans un domaine, une connaissance intime du cours ainsi que certaines qualités pédagogiques. Nous défendons toutefois le fait qu’une expérience d’enseignement véritablement enrichissante est une expérience qui comporte une part d’enseignement, et nous nous battons pour que plus de postes complets (180 heures par semestre) soient offerts à McGill.

LD : Quelle est votre relation avec MUNACA ? Comptez-vous profiter de la vague créée par la grève des employés de soutien, ou craignez-vous qu’elle ne vous fasse de l’ombre ?

RR : L’AGSEM a publiquement déclaré son soutien à MUNACA.  La grève de MUNACA a mis la pression sur l’administration, qui craint probablement qu’un autre groupe entre en conflit. Cela s’est traduit par un changement d’attitude positif à notre table des négociations, mais cela n’a malheureusement pas donné lieu à des propositions concrètes.

LD : Lors de la manifestation de mercredi, Midnight Kitchen avait exceptionnellement décidé de servir à l’extérieur, devant le bâtiment Shatner. Cela vous offrait une longue file d’étudiants qui n’avaient d’autre choix que d’écouter votre message. Était-ce organisé ?

RR : Les deux événements étaient en effet coordonnés, car nous pensons qu’il est essentiel que les étudiants connaissent nos demandes ! Et puis, ils ont reçu des cupcakes gratuits, qui étaient d’ailleurs bien meilleurs que ceux de l’administration.

LD : Que fera l’AGSEM dans les prochaines semaines ?

RR : Le 19 octobre 2011, nous avons obtenu un mandat de nos membres pour faire usage de moyens de pression incluant une série de manifestations et une campagne de sensibilisation. Cela continuera dans les semaines à venir. Prochain rendez-vous, jeudi 10 novembre sur le campus avant de rejoindre la manifestation contre la hausse des frais de scolarité !

LD : Qu’attendez-vous de la communauté étudiante ?

RR : Nous avons obtenu le soutien officiel de l’AÉUM et de la PGSS. Nous voulons que tous les étudiants sachent que les négociations ont un impact direct sur la vie étudiante et leur éducation. S’ils adhèrent à nos principes, nous les encourageons à nous soutenir publiquement en assistant à nos rassemblements publics et en portant nos macarons !

Propos recueillis par Raphaël D. Ferland 


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