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Crise de foi

Il y a du monde au portillon pour libérer le Québec de son joug trinitaire : corruption, chicane et cynisme. Tous y vont de leur manifeste pour une réforme institutionnelle qui saura purifier l’ordre politique et reconvertir la population.

L’Assemblée Nationale est rentrée sous le son de cloche de réformateurs comme Jocelyn Desjardins, qui réclame une politique « sans liturgie de la parole et sans génuflexion à des chefs ».

Le temps serait venu, semble-t-il, de contourner une hiérarchie parlementaire rendue trop aride, de jeter la chape partisane et d’embrasser une démocratie plus directe.

Ces réformateurs voudraient brider la machine organisée des partis pour qu’enfin le peuple devienne, selon le sermon du péquiste Bernard Drainville, « le plus puissant lobby au Québec ».

Amen.

Forcément, tous ces prophètes de l’ingénuité s’imaginent auréolés une fois sous les feux de la rampe. Je pense surtout à Sylvain Pagé, si fier de n’avoir jamais applaudi ses collègues dans le salon bleu. Un vrai puritain !

De toute évidence, la Colline parlementaire est en pleine absolution : les élus se repentissent de leur prosélytisme partisan et cherchent le miracle qui inversera le fameux déficit démocratique.

Abandon de la ligne de parti, élection du premier ministre par suffrage universel, référendum d’initiative populaire, comité de révocation –calvaire, il y aurait de quoi placarder 95 thèses sur les portes de l’Assemblée !

Pourtant, ce ne sont pas les partis politiques en tant que tels qui trahissent l’essence de nos institutions –on tient le mauvais Judas!– mais bien leur cristallisation autour de l’éternelle et épineuse question nationale.

Indépendant, le Québec, ou pas ? C’est le clivage suprême de l’arène politique québécoise. Grosso modo, les fédéralistes d’un bord, les souverainistes de l’autre.

Cette dichotomie toute-puissante a créé deux grandes congrégations partisanes qu’on ne peut séparer qu’à travers le prisme inflexible de leur position respective.

Autrement, le PQ comme le PLQ sont des pots-pourris de socio-démocrates, de socio-libéraux et de néo-libéraux. Du coup leur avant-garde se défend bien d’articuler une véritable vision sociale.

D’où cette politique ad hoc et insipide –il n’y a qu’à regarder le Plan Nord, ce soi-disant « projet d’une génération » qui finalement ne changera rien et pour personne, ou presque.

En y réfléchissant bien, les excès de partisanerie paraîtraient comme un moindre mal si les deux pontifes de la scène politique savaient inspirer plus qu’un noyau de fidèles.

À première vue, le salut viendrait de ces partis qui cultivent leur identité en marge de l’abysse constitutionnel qu’est la question nationale. Québec Solidaire, notamment, qui insiste sur son programme égalitariste, ou l’ADQ avec sa stratégie nataliste.

Mais tous seraient poussés au pied du gouffre, d’un bord ou de l’autre, dès que la gouvernance leur serait envisageable. Cela vaut également pour le parti pas-né du fameux (fumeux?) François Legault, quoi que celui-ci en dise.

Ou alors y a‑t-il suffisamment de fédéralistes prêts à vivre sous une épée de Damoclès, prêts à élire, et travailler avec des souverainistes ?

Ça prendrait une sacrée dose de confiance, ou plutôt… un acte de foi !


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