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Chat déçoit !

Deux dessinatrices dans la peau de gars qui s’occupent d’un chat drôlement laid, ça donne L’Ostie d’chat, un album publié chez Delcourt dans la collection Shampooing.

Éditions Delcourt

Depuis 2009, les Québécoises Iris (Justine, La Pastèque) et Zviane (Apnée, éditions Pow Pow) animent le blogue-feuilleton L’Ostie d’chat, mettant en scène Jasmin, un musicien qui vient de se faire virer de son groupe, et Jean-Sébastien, dragueur invétéré au chômage. Les deux anciens copains d’école accumulent les revers professionnels et amoureux tout en s’occupant de leur gros chat sans charme, tristement affublé du prénom Legolas. Les rebondissements sont nombreux dans ce récit qui traite des relations humaines. Retour sur la publication du premier tome de la série, qui s’avère hélas peu convaincant.

Éditions Delcourt
Le problème de la continuité

Le projet de L’Ostie d’chat est né à Angoulême, lorsque Iris et Zviane ont réalisé qu’elles aimaient travailler ensemble. Inspirées quelque peu par Chicou-Chicou, un blogue qui fonctionne également avec plusieurs auteurs, les deux amies ont décidé de se lancer dans une histoire caractérisée par sa longueur et son côté semi-improvisé. Si l’enchaînement entre les récits laisse parfois à désirer, c’est peut-être qu’au début de ce projet, les auteures travaillaient de manière plus indépendante, chacune de leur côté. Ainsi, on sent dans certains récits les pièges que l’une et l’autre se sont tendus, ce qui témoigne certes d’une sympathique expérience d’écriture et d’une belle complicité, mais qui n’est que modérément intéressant pour le lecteur, susceptible de questionner la pertinence de certains choix. Pourtant, ce n’est peut-être pas la collaboration entre les auteures qui pose problème dans cet album mais plutôt l’adaptation du format web qui ne passe pas toujours bien sur papier. En effet, on se demande parfois le lien entre les histoires qui manquent de continuité. Cela permet certes de diviser sa lecture (ceci étant dit, l’album fait 160 pages, se lit en une bonne heure et ne nécessite donc pas vraiment une lecture entrecoupée de pauses) mais donne l’impression de perdre en constance. Ce qui fonctionnait bien sur Internet marche peut-être simplement moins bien dans un album qui offre la possibilité d’une lecture continue.

Un mauvais choix éditorial ?

Le manque de continuité de l’ouvrage n’est hélas pas la seule déception qui attend le lecteur, surtout si vous vous intéressez non seulement au contenu, mais aussi à l’objet que vous tenez entre vos mains. On connaissait chez Shampooing de beaux ouvrages, notamment les Carnets de Boulet et Les petits riens de Lewis Trondheim. L’Ostie de chat n’a pas eu la chance de recevoir le même traitement puisqu’il ressemble étrangement à un manga avec sa doublure plastifiée, une qualité d’impression parfois moyenne et son look, osera-t-on le dire, un peu cheap (ce qui ne choquerait pas si le prix était le même que celui des mangas). Un lecteur curieux se débarassera vite de la doublure pour voir à quoi ressemble la couverture ; mais ce qu’il y a en-dessous s’avère bien pire. La couverture plastique, brillante, est colorée de façon tristement laide (mais d’où vient l’idée de colorer le tout en marron?) et l’effet est raté. Le look de l’album est donc décevant, et on s’en consolera comme on pourra avec les dessins de deux auteures dont on connaît le talent par leurs blogues et leurs précédents albums et fanzines.

À lire… sur Internet !

On a donc envie de vous conseiller la lecture de L’Ostie d’chat, mais peut-être plutôt sur Internet, un média qui semble beaucoup plus approprié à son contenu (en plus, les couleurs y sont nettement plus belles!). Malgré tout, si cette publication est une petite déception, il faut néanmoins mentionner le charme et la réussite des dessins, l’humour des dialogues et la qualité narrative de chacune des histoires prises à part.

Iris et Zviane sont en résidence conjointe à la Bibliothèque Frontenac, où leurs œuvres seront exposées en octobre.


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