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L’innocence de l’Amérique

La nouvelle édition de Nipper 1965–1966 permet de se replonger dans l’œuvre du dessinateur canadien Douglas Austin Wright.

Crédit photo: Drawn and Quaterly

La nouvelle édition de Nipper 1965–1966 (Drawn & Quaterly) permet de se replonger avec un plaisir certain dans l’œuvre de Douglas Austin Wright, dessinateur canadien anglophone publié pendant plus de 35 ans dans divers magazines et journaux en Amérique du Nord.

Crédit photo : Drawn and Quaterly

Un père de famille tire les luges de ses deux enfants dans un décor enneigé. Un petit garçon les observe depuis sa fenêtre puis va réveiller son père, visiblement profondément endormi. Lors de la balade, les deux pères se croisent, le second n’hésitant pas à montrer sa colère envers le premier, incapable de comprendre la situation. En quatre images, le ton de l’album Nipper 1965–1966 est donné : deux protagonistes, deux petits garçons à la tête bien ronde, en font voir de toutes les couleurs à leurs parents.

Ces petites histoires de familles courtes et drôles prennent la forme de gags en quatre ou cinq images d’autant plus efficaces qu’elles sont sans parole. L’absence de texte permet de s’attarder sur les particularités de chaque dessin : de belles illustrations colorées avec talent. Familiale et sympathique, la plume de Wright est toujours attentive aux détails. Le dessinateur a utilisé les quelques couleurs à sa disposition (noir, blanc, gris et une touche systématique de rouge) de manière très variée, même si toutes les histoires se déroulent dans la même banlieue bitumée. Les expressions sont subtiles mais restent claires, et l’équilibre constant des gags, entre détail et économie d’information, invite le lecteur à s’imprégner complètement de chaque récit. La qualité visuelle de chaque anecdote sert habilement les gags. Ceux-ci sont concis, intelligents, sympathiques et capturent habilement le caractère idyllique et tourmenté du rêve américain de la vie de famille dans les années soixante.

Quelques pages, dont celles qui mettent en scène les relations de couple et la domesticité de la femme en particulier, sembleront peut-être vieillies, voire dépassées pour certains. Ce décalage temporel, à la réflexion faite, ne dérange pas tant que ça, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, il permet de remettre les dessins dans leur contexte tout en les teintant d’une certaine nostalgie d’une Amérique innocente et paisible, recouverte souvent d’un manteau de neige qu’on lui connaît bien. On se plaira à retrouver des enfants loin de toute technologie, capables de s’amuser d’une boîte en carton, de glissades sur la neige, autres boules de neige et petites voitures. De plus, les anecdotes sont généralement centrées sur les enfants et non sur les relations entre parents, qui n’apparaissent que comme personnages secondaires dans certaines illustrations. Entre farces, joies et déceptions, absurdités, mimétisme et désobéissance, l’enfance est indéniablement décrite par un excellent observateur des dynamiques familiales. Thème assurément intemporel.

Les dessins sont beaux et bien réalisés, l’humour est charmant, les gags fonctionnent, la lecture est facile et plutôt rapide. Que demander de plus ? Davantage de dessins peut-être, direz-vous, puisque cet album ne contient que 112 pages ? Ça tombe bien, cet album qui retrace les années 1965–1966 de Nipper suit la publication, en 2010, de Nipper 1963–1964. Reste à savoir combien de tomes suivront… pour notre plus grand plaisir !


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