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Préparez-vous aux élections !

Les élections provinciales nous permettent d’observer ce qui se passe chez nos voisins.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Non, nous ne vous parlons pas d’élections dans un pays lointain mais bien d’élections au Canada. En réalité, on fait bien de garder le mot au pluriel car on parle de cinq séries d’élections provinciales qui vont peut-être (au moins dans certaines provinces) bouleverser l’échiquier et le statu quo politique provincial et sans doute fédéral.

Le mois d’octobre ne sera donc pas le mois des examens ou des premières dissertations, mais celui des élections. L’Île-du-Prince-Édouard votera le 3 octobre, le Manitoba le 4, l’Ontario le 6, Terre-Neuve-et-Labrador le 11, et la Saskatchewan le 7 novembre.
Francis en est à sa dernière année en sciences politiques à McGill et lorsqu’on lui pose la question « que penses-tu des élections ? » il répond d’un air plein d’interrogation : « quelles élections ? ».

Florent Conti

Mais pourquoi donc s’intéresser aux élections provinciales ? Nous ignorons pas mal de choses les uns des autres. Chacun, certes, connaît parfaitement sa province. Les Albertins seront (ou ne seront pas) fiers de crier « Ed Stelmach », les étudiants de Colombie-Britannique diront sans hésitation le nom de leur première ministre non-élue, Christy Clark. En outre, il est vrai qu’au patronyme de Jean Charest, tout le monde est plutôt sûr où ce dernier gouverne. Pourtant, quand vient le temps d’étaler ses connaissances sur les provinces au sujet desquelles les mcgillois aiment plaisanter (Saskatchewan et Maritimes pour ne pas les citer), le silence règne et fait même douter les beaux parleurs qui ont d’habitude leur mot à dire sur tout.

Pour Marie-Lise, qui a pour mineure le Programme d’Études sur le Québec proposé par McGill, « les élections nous permettront de savoir quels sont les sujets « chauds » dans différents endroits du Canada. Et étant donné que tout cela se déroule dans une période de temps très rapprochée, nous pourrons comparer et analyser les besoins et demandes des citoyens des différentes provinces ». Elle poursuit en avouant que ce qui l’intéresse est aussi de voir quelles sont les similarités ou différences avec les enjeux du Québec.
D’Est en Ouest, il est en effet possible de voir que les provinces ont toutes leur caractère distinct. Certaines, comme l’Île-du-Prince-Édouard, ne semblent pas vraiment disposées au changement car les Libéraux ont la mainmise sur la province maritime. Au contraire, le Manitoba et l’Ontario sont les lieux de débats très passionnés entre des chefs d’opposition aux ambitions fringantes et des premiers ministres sortant qui sentent le vent tourner.

Ce qui se passe au niveau fédéral peut largement affecter le niveau provincial et vice-versa. Au Manitoba, où le NPD règne en maître, il est question d’assurer la victoire. Quant à l’Ontario du Libéral Dalton McGuinty, comme le dénote Marie-Lise, « l’élection nous en dira plus sur la « réelle » orientation politique de la province suite au soutien de la majorité des Ontariens pour le Parti Conservateur le 2 mai dernier ».

« Ces élections nous permettront d’examiner l’hypothèse que le Canada vire à droite », renchérit David, étudiant en sciences politiques qui vient de l’Alberta. « Il reste à voir si les Libéraux bénéficieront de la présence du gouvernement majoritaire de Stephen Harper au Parlement. » Pour David, « dans notre système gouvernemental, où la plupart des pouvoirs à chaque niveau est concentrée dans les mains du premier ministre, les premiers ministres provinciaux forment la réelle opposition au gouvernement fédéral. Souvenons-nous de la campagne « Anything But Conservative » montée par Danny Williams en 2007 ; suite à cela aucun conservateur ne fut élu à Terre-Neuve ».

Anca, étudiante en sciences politiques, pense de son côté que ce sera un test pour le NPD : « soit le parti sera vu comme une option sérieuse et gagnera des sièges dans les provinces, ou bien on pourrait voir que la vague orange du 2 mai n’était qu’un phénomène québécois. De plus, il sera intéressant de comparer le niveau de participation provinciale comparé à celui des élections fédérales ».
Les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que de la Saskatchewan ne semblent, pour leur part, pas prêtes à voir leur gouvernement changer. Cependant, la présence de Danny Williams au pouvoir pendant presque dix ans a fortement fait changer la donne partisane. En effet, le charismatique premier ministre bouleversa les lignes politiques de Terre-Neuve avant de démissionner en 2010 et son successeur de facto Kathy Dunderdale peut faire face à un problème de légitimité pour les électeurs terre-neuviens.

En Saskatchewan, ce problème ne se pose pas. Le Parti saskatchewanais a, depuis la fin des années 90, réussi à détourner vers lui le vote populaire traditionnel au NPD. Mélange de libéraux et de conservateurs, le parti peut néanmoins craindre les retombées de la vague orange à Ottawa.

Plus généralement, ces élections sont l’occasion de se poser certaines questions concernant l’état des relations interprovinciales. Devrait-il y avoir plus de relations entre les provinces ? « Les provinces ont-elles besoin du gouvernement fédéral pour gérer leur relations ? », se demande Marie-Lise. « En tous cas, plus de partenariats pourraient mener à des résultats gagnant-gagnant sur de nombreux enjeux. »

« La plupart de dépenses gouvernementales au Canada sont faites par les provinces, dit David, mais à cause du système tributaire donné par la Constitution, les revenus sont perçus par le gouvernement fédéral. Alors qu’on entre dans l’ère de l’austérité, il y aura beaucoup de conflits entre les deux niveaux du gouvernement. Il conviendrait à Stephen Harper d’avoir le plus grand nombre de gouvernements amicaux dans les capitales provinciales. »

Un récent article du magazine Macleans démontrait à quel point les chefs politiques engagés dans les cinq élections courtisent les étudiants. De Terre-Neuve-et-Labrador au Manitoba, tout est bon pour amadouer la classe étudiante : promesse de gel des frais de scolarité, d’augmentation des bourses, du financement des universités, etc. Pas une province n’est épargnée par cette grande séduction des jeunes Canadiens.

La tendance pour se faire élire au Canada semble être de promettre que les frais de scolarité n’augmenteront pas. Pourtant, les provinces sont toutes face au même constat qu’elles doivent appliquer certaines mesures pour régler leur dette et déficit. Après l’élection fédérale de 2011, il apparaît donc que les différents partis politiques ont réalisé le poids de la jeunesse, à quel point les étudiants sont une force électorale non négligeable. Ceux qui prennent le pari d’ignorer cette tranche de la population font un risque qu’ils pourraient peut-être regretter plus tard.


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