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Des écureuils et des hommes

Vingt heures de vol. Provenance : l’île Maurice. À l’Est de Madagascar, le pays est un confetti dans l’océan Indien, une société créole postcoloniale complexe, fort éloignée du Vieux Continent et du Nouveau Monde.

Destination : Montréal. Type de visa : Études. À part quelques visites familiales en France, j’ai à peine quitté mon île natale lilliputienne et sa société étriquée.

De Montréal, je n’ai aucune image, à part quelques rues entrevues dans Juste pour Rire, ou quelques plans des Invasions Barbares. Le vol est épuisant, l’escale à Dubaï est déroutante, celle de New York, effrayante. Je tombe de sommeil, je suis enfin à Montréal. Voilà un lit, un vrai.

Je me réveille dans un appartement du ghetto McGill. Je sors au petit matin, rue Durocher, et me voici dans cet autre univers. Est-ce la planète des écureuils ? C’est la première fois que j’en vois. Ils sont les premiers curieux à venir m’accueillir. Le quartier et ses vieilles maisons semblent sortis d’un film anglais. Je tombe sur une enseigne : Dépanneur. Un garage en plein quartier résidentiel ? Je continue et voilà McGill qui se dessine. Ces vieux bâtiments ressemblent tant à ceux de mes rêves universitaires anglo-saxons et, qui plus est, au cœur d’une ville francophone. Toutefois, bien que je suis persuadé être effectivement au Québec, je n’ai toujours pas entendu de français.

Je me dirige vers le centre-ville et entre dans un film américain. J’oublie tout de suite les quelques prétentieux immeubles de Port-Louis, la capitale de l’île Maurice. Cette fois, c’est authentique. Trois pas vers le Sud et la rue Sainte-Catherine s’offre à moi comme la grande Babylone. Le français fuse dans un grand feu d’artifice auquel se mêlent l’anglais, l’arabe, le mandarin… Chaque vitrine est un aimant. C’est l’été, les filles montrent leurs jambes librement et joyeusement, des femmes casquées lancent des ordres à des hommes sur un chantier. Du jamais vu. Il n’y a plus de doute, les petites îles de l’océan Indien sont à des années lumières.

Pourtant, tout reste à découvrir. Au fil des semaines, des mois et des années. Car Montréal est un beau et déroutant labyrinthe pour les yeux métèques. Elle cache mille facettes inconnues comme un psaume recèle plusieurs sens. Pour l’étudiant en anthropologie, Montréal est un terrain de découverte et de réflexion, la ville ne cessant de se métamorphoser d’un quartier à l’autre. Sa société kaléidoscope est un reflet du Québec pluriel et de la complexe Amérique du Nord. Mais aussi d’un monde multiple.

C’est une peinture de Montréal aux tons urbains, aux couleurs et accents du quotidien, que propose cette chronique, palette d’impressions perçues par un regard venu de loin. Cette « ethnographie amoureuse » sera aussi un chant-hommage à la culture d’une ville magique. Une si riche découverte d’une (autre) Amérique.


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