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Apocalypse not now

Depuis dix jours que la crise du nucléaire a lieu au Japon, je ne cesse d’observer autour de moi les effets des médias sur les masses.

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Je trouve cela particulièrement insupportable de voir ceux-ci véhiculer un sentiment de peur par l’ignorance en utilisant la science. Quand on entend des Canadiens s’inquiéter des retombées, ou lorsque l’on voit les Français distribuer des pilules d’iodes en craignant un tremblement de terre en France, et que l’on pense à la position des Japonais en ce moment, cela frise le ridicule. Je ne suis pas en train de faire l’apologie du nucléaire en affirmant que le danger est nul, seulement je préfère savoir où se situe le vrai risque et je refuse de laisser le sentiment de panique me guider.

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Je ne reviendrai pas sur les détails techniques, qui sont largement expliqués en page 6, mais je m’efforcerai de poser un œil critique sur la situation. Le défi majeur qu’essayent de relever les Japonais est de refroidir le réacteur afin d’éviter une surchauffe qui pourrait être dramatique. Notez que les mesures prises sont des mesures de prévention. Il y a donc une différence entre réagir à une catastrophe nucléaire et agir pour en éviter une. La situation au moment où j’écris ces lignes est la suivante : tous les réacteurs ont été instantanément arrêtés lors du séisme. Les réacteurs 4, 5 et 6 ne sont pas à risques, le réacteur 2 vient d’avoir l’électricité rétablie, l’infrastructure du réacteur 3 est susceptible d’être endommagée et le réacteur 1 est probablement en surchauffe critique. En attendant que le système de refroidissement soit rétabli, on ne peut qu’essayer d’arroser le réacteur pour évacuer la chaleur. Il faut savoir que jeter de l’eau sur du métal très chaud crée un mince film de vapeur ralentissant le transfert de chaleur vers l’eau, mais heureusement la puissance résiduelle diminuant avec le temps, l’effet s’estompe. Conclusion, le risque d’une explosion nucléaire est inexistant.

Pour ce qui est de la radioactivité, le risque est réel, mais pas aussi catastrophique que l’on pourrait le croire. On m’a questionné l’autre jour sur la nature de la radioactivité, à savoir si l’on devenait radioactif au contact d’une matière qui l’était. Un élément qui est radioactif émet un rayonnement dangereux pour la matière vivante. S’il se trouve dans vos vêtements, ceux-ci deviendront radioactifs uniquement à cause de la présence de particules elles-mêmes radioactives, mais le tissu n’y est pour rien. Dans le cas de Fukushima, les deux éléments à craindre sont l’iode 131 et le césium 137. L’iode possède une demi-vie très courte de huit jours et disparaît en trente jours –d’où l’intérêt de prendre des pilules d’iode pour saturer les glandes thyroïdes en cas d’exposition aux radiations– alors que le Césium peut rester dans la nature pendant 120 ans. Cela ne veut pas dire que le Césium est plus dangereux. Ayant une demi-vie beaucoup plus longue de trente ans, et n’étant absorbé par le corps qu’une journée, les effets des radiations sont presque nuls si le contact n’est pas répété et prolongé.

Un autre débat qui revient souvent est celui autour du « nuage radioactif ». Pour ceux qui auraient mal lu l’actualité et craindraient pour les côtes canadiennes, je rappelle que la zone à risque de haute teneur en radioactivité est un périmètre de trente kilomètres autour de Fukushima. Tant qu’il n’y aura pas de fuite, cela restera préventif. Pour le moment, les autorités ont relâché volontairement de la vapeur contaminée afin de diminuer la pression dans le réacteur et empêcher une explosion majeure. La quantité reste cependant minime. Supposons que tout le Césium présent dans le réacteur, ce qui représente une masse d’à peu près 200 kg, devait se libérer, il aurait largement le temps d’être dilué dans l’atmosphère avant d’atteindre les côtes canadiennes. Dans un pareil scénario, seuls les Japonais auraient à craindre des retombées radioactives. Et encore, il suffirait de rester cloîtrer chez soi jusqu’à ce qu’il pleuve et prendre des douches régulièrement et le risque serait grandement réduit. J’entends d’ici les jeunes écolos qui se dressent et s’inquiètent des retombées sur la nature, par exemple la faune marine.

Il est vrai que les quelques poissons directement en dessous recevront une bonne dose de radioactivité, mais qu’est-ce qu’une centaine de poissons dans tout un océan ? Quand aux doses légales prescrites de cent milisieverts (mSv), je tiens à informer qu’aucune étude n’a été faite –fort heureusement– sur les limites à respecter et que les seules informations disponibles à ce jour proviennent des rescapés d’Hiroshima et des tests fait par l’armée américaine sur ses soldats. La dose limite est donc la dose du pire scénario supposé, divisé par deux, afin d’obtenir un chiffre suffisamment petit et sécuritaire. Bien sûr, un mSv est déjà de trop pour le corps, mais la marge avant que cela soit létal est quand même grande, et actuellement au Japon, le niveau de radioactivité n’est pas encore alarmant pour la santé.

Je ne suis pas non plus en train de dire qu’il n’y aura pas d’effets, je veux simplement rectifier le tir des mentalités de masse criant à la catastrophe nucléaire. La situation telle qu’elle est maintenant n’est pas hors de contrôle, et si elle se redresse, tel qu’il est prévu pour les prochains jours, les séquelles seront négligeables. Et de vous à moi, les seuls qui devraient s’inquiéter pour leur santé sont les Japonais.


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