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Attention, neurone à bord

Je me souviens, lors d’un cours d’anatomie, tenant entre mes mains pour la première fois un cerveau humain, l’étrange sensation que de réaliser qu’il s’agissait là d’un individu, ayant vécu et emmagasiné toute une vie d’expériences dont la trace se trouvait dans cet amas de cellules mortes conservées dans le formol. 

Lorianne DiSabato

Il y a certes un malaise à se séparer, littéralement, de son cerveau ; pourtant, il s’agit là de la seule façon d’aider l’avancée médicale pour les troubles neurologiques. De par sa situation protégée dans la boite crânienne et de par son rôle essentiel et fragile –chaque seconde isolé du reste du corps cause des dommages irréversibles– il est très difficile d’observer de près les problèmes dont il peut souffrir. Ainsi, dans bien des cas, seule l’autopsie est révélatrice.

L’organisme Québec-Transplant, chargé de la gestion et de la coordination des dons d’organes au Québec, définit un donneur d’organe potentiel comme une personne atteinte de lésions neurologiques irréversibles entraînant une destruction du cerveau. En effet, l’organisme se concentre sur la transplantation d’organes essentiellement viscéraux et requiert donc que ceux-ci soient préservés au mieux afin de les réutiliser chez une autre personne. Le don d’organes post-mortem pour la recherche et, plus particulièrement, le don de cerveau ne reçoit pas, hélas, autant de publicité.

Lorianne DiSabato

Jeudi dernier, le Sport Legacy Institute annonçait la publication par des chercheurs de l’école de médecine de l’Université de Boston des résultats d’analyses du cerveau du joueur de hockey Bob Probert. Il avait choisi de donner son précieux organe peu de temps avant de mourir d’une crise cardiaque l’an dernier, à l’âge de 45 ans. Par un heureux hasard, il avait vu, six mois avant son décès, une émission relatant les recherches existantes sur l’Encéphalopathie Chronique Traumatique (ECT), une maladie dégénérative du cerveau possiblement causée par la pratique de sports violents. Cette maladie ne peut être diagnostiquée qu’après l’observation d’un dépôt caractéristique de protéines anormales Tau dans les tissus cérébraux lors d’une autopsie. Le défunt sportif, réputé pour avoir été impliqué dans plus de 200 bagarres au cours de sa carrière, a été déclaré souffrant d’ECT après son décès. Il s’agit du deuxième joueur de hockey diagnostiqué de ce genre de traumatisme dans une étude portant jusqu’ici sur les cerveaux de quarante sportifs, dont plus de trente ont été reconnus souffrant d’ECT.

Il faut tout de même noter que le joueur de hockey a souffert de nombreux traumatismes crâniens majeurs en dehors du sport qu’il pratiquait, notamment au cours d’un grave accident de voiture, sans oublier une jeunesse ponctuée d’abus liés à l’alcool ou aux drogues dures. Si une certaine corrélation semble se profiler entre la pratique de sports violents et la maladie, il reste à savoir s’il s’agit de la réelle cause. Il est fort probable que les chocs répétés en soient la cause, mais rien ne prouve que derrière ne se cachent pas certaines prédispositions génétiques chez les professionnels du sport, ou encore que le mode de vie lié à ce métier porte des facteurs propices à une dégénérescence du cerveau. Quoi qu’il en soit, la motivation de Bob Probert derrière ce don était d’aider à répondre à ces questions afin, entre autres, de protéger les enfants qui, comme les siens, pratiquent des sports violents très tôt. On ne répétera jamais assez que le cerveau est un organe fragile. Même si l’évolution humaine a doté celui-ci d’un crâne solide et d’un fluide cérébral dans lequel le cerveau repose en suspension, le protégeant des secousses lors de nos mouvements, elle n’a pas songé à le protéger contre des chocs brutaux et répétés.


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