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Sous pression

À l’aube de la période des examens : une pilule, une petite granule.

Le fait n’est ni récent ni inconnu : les étudiants d’université sont stressés. Cela peut être dû à plusieurs facteurs comme la volonté de réussir ou encore un emploi en parallèle des études. Bien que certaines personnes perçoivent le stress comme bénéfique (il nous pousserait à atteindre nos objectifs), il ne faut pas négliger les conséquences négatives sur notre santé physique et mentale. En effet, le stress peut avoir des effets négatifs à long terme sur notre cerveau ; il est également une cause potentielle du diabète, en plus de favoriser l’hypertension et d’affaiblir, voire de supprimer, le système immunitaire. 

Société oblige
Nous sommes tous accablés plus ou moins fortement par le stress, et ceci ne remonte pas à l’avènement des technologies : les hommes préhistoriques, par exemple, devaient combattre toutes sortes de prédateurs pour assurer leur survie. Les causes du stress ont sans aucun doute changé au fil des siècles, mais il façonne toujours notre existence. Les étudiants sont parmi les groupes de personnes les plus exposés au stress. Lorsque l’on pense que notre vie peut être déterminée par ces quelques années cruciales passées aux études, que ce sont les premières pierres de notre fondation future, il est difficile de prendre les choses à la légère. « Les études me stressent parce que j’ai l’impression de devoir être le meilleur dans ce que je fais », explique Nicolas, un étudiant au bac en bioinformatique à l’Université de Montréal. Le docteur Ted Baker, directeur du Counselling Service de McGill, abonde dans le même sens : « La société agit sur le stress. De nos jours, la croyance populaire est qu’il faut réussir dans ses études, si on veut réussir plus tard. »
Par ailleurs, les frais associés aux études universitaires poussent plusieurs étudiants à travailler à l’extérieur de leurs études. Ces heures passées à travailler le sont souvent au détriment de celles consacrées aux études, ce qui a comme conséquence d’augmenter le stress, l’étudiant devant mieux gérer son temps. « J’ai un emploi à temps partiel et je fais un stage non crédité depuis huit mois avec un de mes professeurs, convaincu que je ne dois pas « rater » cette opportunité. Je travaille donc de dix à vingt heures par semaine. Je n’ai pas le temps de faire autre chose et mes notes ne sont même pas indicatives de l’effort que je consens pour mes cours. Je deviens malgré moi un reclus social ! », explique Nicolas.
Pour ceux qui quittent le nid familial pour poursuivre leurs études universitaires, cela entraîne évidemment de nouvelles responsabilités, tout en devant maintenir un haut niveau de performance académique. Lorsqu’une personne manque de ressources, qu’elle se sent dépassée, que ce soit une impression ou une situation précaire réelle, ceci augmente son stress. Les étudiants se sentent souvent submergés par la quantité de travaux à remettre, les examens à préparer, et si on ajoute un loyer et des études à payer, il n’est pas surprenant que certains d’entre eux se
dépourvus de moyens. « Je me réveille avec peu d’intérêt pour quoi que ce soit, je me sens comme une machine, je suis triste et je manque d’assurance », confie Paul. « Les étudiants qui viennent à McGill sont habitués à être des premiers de classe, et la situation change souvent lorsqu’ils commencent leurs études universitaires. La charge de travail augmente, ainsi que les responsabilités, et cela en rend plusieurs anxieux » précise Dr Baker qui en rencontre plusieurs dans cette situation au Counselling Service.

Ritalin : stéroïdes pour matière grise
Quand le café et les boissons énergisantes n’aident plus, certains étudiants adoptent une tierce méthode pour les aider à mieux se concentrer : le Ritalin. Selon un reportage effectué par Marie-Laurence Delainey pour Radio-Canada, cette pratique est devenue « presque une mode à la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke », ainsi qu’à d’autres universités à travers la province.
Le Ritalin est une drogue prescrite aux enfants et aux adultes atteints de troubles d’attention et d’hyperactivité, et sa consommation par des étudiants universitaires dans le but d’obtenir de meilleurs résultats académiques soulève une polémique. La pratique, banalisée chez certains étudiants qui y voient une façon de passer à travers une fin de session difficile où le temps d’étude manque souvent, semble de plus en plus populaire. En effet, « selon différentes études américaines, la proportion d’étudiants qui consomment des médicaments sans prescription pour améliorer leurs performances cognitives varie de 3% à 11%», peut-on lire dans un article de Daphnée Dion-Viens paru dans Le Soleil en 2008.
Quoique Paul n’ait jamais tenté l’expérience, il précise qu’il connaît des étudiants qui eux, ont déjà essayé. Il ajoute que : « l’éphédrine et la pseudo-éphédrine contenue dans les décongestionnants nasaux, à dose suffisante, produisent un effet stimulateur similaire aux amphétamines traditionnelles [utilisée comme coupe-faim, stimulant du système nerveux central et pour le traitement de l’hyperactivité] –quoique sans euphorie)». La situation est inquiétante si on pense aux effets secondaires qu’entraînent les drogues psychotropes comme le Ritalin sur la santé : les stimulants ont tendance à augmenter le rythme cardiaque et la tension artérielle, ce qui pourrait être potentiellement dangereux pour les gens prédisposés à des problèmes cardiaques.

Les maladies du stress
Tout ce stress n’est pas neutre. Au contraire, il contribue à une variété de maladies physiques et mentales. Lorsque nous sommes stressés, notre corps a tendance à augmenter la sécrétion de glucocorticoïdes, des hormones essentielles au bon fonctionnement du corps humain, mais qui, lorsque secrétées à long terme, suppriment l’activité du système immunitaire. Conséquemment, nous sommes plus susceptibles d’attraper des maladies, des infections respiratoires par exemple, du fait que notre corps ne les combat plus aussi efficacement. De plus, le stress peut avoir un effet sur la glycémie, soit la concentration de glucose dans le sang : la sécrétion d’hormones telles que le cortisol peut augmenter la production de glucose par le foie, de sorte que l’organisme dispose de plus d’énergie, puisque le cerveau et les muscles d’une personne en situation stressante brûlent plus de sucre qu’en temps normal. Lorsque vécu modérément, l’influence du stress sur la santé est négligeable, mais il y a une limite, car une fois l’homéostasie [capacité du système à maintenir son équilibre] perturbée, le diabète fait son apparition. Également, le stress peut augmenter les conditions du diabète chez les personnes qui en sont déjà atteintes. 

Des remèdes
Y a‑t-il un moyen de se sortir de cette situation ? Sommes-nous condamnés à un avenir riche en drogues stimulantes, en maladies cardiovasculaires et en diabète ? Il existe plusieurs méthodes pour gérer le stress. « Les étudiants viennent durant toute la session, mais on remarque un achalandage accru vers le mois de novembre, juste avant la période d’examens », affirme le Dr Baker. « Dépendamment des raisons pour lesquelles ils viennent, nous donnons différents conseils aux étudiants. S’ils viennent en fin de session, nous les préparons pour la session prochaine. Nous leur donnons des conseils pour gérer leur stress, des stratégies cognitives, comment s’en sortir avec certaines pensées. » Quoiqu’il en soit, une chose est certaine : les étudiantes ont davantage tendance à rechercher de l’aide professionnelle, comme le Counselling Service, que les étudiants masculins : « Je crois que ces derniers ont plus tendance à chercher de l’aide informelle, en allant voir leurs amis par exemple », avance Dr Baker. Une méthode d’intervention ciblée individuellement est souvent plus efficace que les programmes de gestion de stress plus généraux.
Dans tous les cas, il faut reconnaître notre source de stress et faire face à la situation, que ce soit en essayant de changer notre environnement ou en essayant de changer la signification que les événements ont pour nous, soit notre réponse émotive face aux situations qui se présentent, car il est bien évident que « souffrir en silence » ne peut qu’apporter encore plus de problèmes. Sur ce, bons examens ! 


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