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Qui aime bien…

Au-delà de ce qui ressemblait à une crise d’ego ou à un sujet de prédilection pour la Clique du Plateau, les récentes déclarations du comédien Guillaume Lemay-Thivierge dans une entrevue accordée au Journal de Montréal ont suscité un bref débat, à la fois sans issue mais fort nécessaire, sur la responsabilité de la critique québécoise par rapport aux productions nationales. Dans un milieu où l’exigüité a ses avantages comme ses inconvénients, quelle attitude les médias devraient-ils adopter au moment de juger les œuvres d’ici ?

Seville Films

Indigné par la réception des deux plus récents films dans lesquels il tenait la vedette, (Filière 13 et Le poil de la bête) Guillaume Lemay-Thivierge faisait dernièrement une « sortie » contre l’acharnement des critiques à malmener plusieurs productions québécoises, prédisant au passage que ceci pourrait éventuellement « tuer » notre cinéma. « J’ai l’impression que, lorsque ça vient d’ailleurs, pour certains c’est magnifique ; quand ça vient de chez nous, eh bien on ne manquera pas de descendre le produit. Ça fait petit peuple, je trouve, et nous sommes plus grands que cela. Détruire injustement, c’est petit je trouve. Je dénonce des critiques qui souhaitent se faire une réputation sur le dos de projets québécois faits avec cœur et enthousiasme par des artistes qui y ont mis des mois de travail », confiait-il à la journaliste Michelle Coudé-Lord.

Il n’en fallait pas plus pour que Christiane Charrette invite le comédien à poursuivre sa réflexion dans le cadre de son émission, cette fois-ci devant deux des critiques visés par son « cri du cœur », Marc-André Lussier et Marc Cassivi. Ses détracteurs ont vite eu raison des arguments circulaires de Lemay-Thivierge, qui ne cessait de répéter que l’on encensait toujours le même « genre » de film au détriment de comédies et de productions commerciales qui permettent aux œuvres de répertoire d’exister. Difficile de se prononcer sur ce qui se fait ici, rétorquaient-ils, alors que la complaisance semble plutôt être de mise.

Une sortie comme celle de Guillaume Lemay-Thivierge n’avait pourtant rien d’inédit et ne justifiait pas tout un battage médiatique. Elle permet toutefois de souligner qu’une dangereuse insécurité persiste toujours dans le milieu culturel, insécurité qui elle-même pourrait mener le cinéma québécois à sa perte. La seule responsabilité de la critique à l’égard du cinéma québécois, s’il en est une, est de juger ses œuvres de la même manière que toutes les autres, y compris les œuvres américaines qui lui font concurrence. Elle peut ainsi en assurer la qualité, le mesurer à tout ce qui se fait ailleurs et, par conséquent, lui forger une réputation internationale.

Prétendre le contraire tient d’une réaction défensive, d’un appel à la survivance. Les films d’ici font évidemment l’objet d’une plus grande attention médiatique, d’où la possibilité qu’ils soient encensés ou décriés sur toute les tribunes. L’«acharnement » de la critique ne peut dans ce cas qu’être proportionnelle à l’acharnement promotionnel qui l’a précédé, suscitant en elle-même des attentes parfois trop hautes par rapport au produit. Son appel à une certaine prudence des critiques envers le cinéma québécois évoque cette attitude de « petit peuple » que le comédien dénonce lui-même.

Rivaliser avec le marché américain, par exemple, implique d’éviter d’imiter ses productions. La science fiction, les films d’actions à grand déploiement, bref, ce que Guillaume Lemay-Thivierge considère comme d’indispensables productions commerciales, ne sont pas les genres de films que l’on peut réaliser avec une fraction du budget de nos voisins du Sud. Le cinéma québécois se doit d’être inventif, voilà ce que la critique devrait s’acharner à rappeler aux artisans du milieu.


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