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Les pensées d’une rivière

Tous les chemins ne mènent pas à la Romaine : Il existe des alternatives à l’hydro-électricité, mais le gouvernement les ignore.

Le citoyen se lève, marche, regarde à travers son hublot et voit. Il hausse les épaules et retourne se coucher dans le lit de son ignorance. La rivière coule en pure perte dans ce pays de l’or bleu.

Le développement du complexe hydro-électrique sur la Romaine, c’est entrer dans la fosse aux lions sans potion magique, c’est fermer les yeux au point de se rendre aveugle, c’est oublier de mettre un slip dans une partie de strip-poker… Plus simplement, dans ce dossier, le gouvernement se croit invincible, feint la cécité et refuse de mettre ses culottes. C’est à se noyer de rage, car les évidences pleuvent : l’hydro-électricité était LA solution il y a quarante ans, mais ce n’est plus le cas !

Andrew McMartin, 2007

Réalisé par Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere, Chercher le courant est un excellent documentaire, car il propose des solutions aux problèmes qu’il dénonce. En exposant de multiples alternatives à l’hydro-électricité, les réalisateurs et aventuriers qui ont descendu la rivière Romaine en canot, à la force de leur pagaie (accompagnés par Roy Dupuis, président de Fondation Rivière) enquêtent sur le potentiel des énergies vertes et la manière de produire et de consommer de l’énergie dans le Québec du XXIe siècle.

Des maisons éco-énergétiques grâce à une isolation intelligente, des cylindres capteurs d’énergie solaire comme chauffe-eau, des granules de bois comme chauffage central, des fermes laitières génératrices d’énergie et réductrices d’émissions de gaz à effet de serre : ce sont toutes des solutions à faire rêver les amateurs de science-fiction. Oui, on a l’impression de nager en plein délire lorsqu’on se rend compte des idées originales, créatives, intelligentes qui ne sont que trop peu exploitées ! Des idées qui apparaissent pourtant à la hauteur de ce que le Québec est capable de faire. Servons-nous de notre génie sans limite, de nos capacités phénoménales, de nos cerveaux suralimentés pour créer le futur que nous voulons !

Pourquoi n’avance-t-on qu’à pas de tortue, n’osant pas se lancer dans le développement des énergies durables, renouvelables ? Pourquoi le gouvernement ne prend-t-il pas plus de mesures durables ? Holly Dressel, auteure de best-seller, environnementaliste et chercheure (elle a d’ailleurs travaillé aux côtés de David Suzuki), n’y voit qu’une seule explication : « Ce sont les intérêts politiques qui priment dans le dossier de l’hydro-électricité. Le fameux “maître chez nous” [il faut noter que le cri est maintenant “maître de nos ressources”…] résonne encore dans l’imaginaire des Québécois, gardant Hydro-Québec au rang de vache sacrée de la société québécoise. »

Parlons des vraies affaires : l’économie. Le documentaire Chercher le courant s’exprime clairement sur le sujet. La rivière Romaine, lors de l’achèvement des travaux d’Hydro-Québec, sera exploitée à perte. Avec une augmentation de 0,06$ par kW/h au compteur, les Québécois subventionneront en fait l’électricité envoyée aux États-Unis. Hydro-Québec annonce lui-même des coûts de 10 milliards de dollars simplement pour la construction du barrage, qui s’achèvera en 2020.

Non, il n’y a pas de solution parfaite, mais il y a des solutions qui peuvent certainement faire mieux. L’hydro-électricité est, dans notre conceptualisation de la production d’énergie, une technique propre qui exploite une ressource renouvelable. En fait, une industrie durable devrait être utilisable pour un temps illimité sans que la ressource ne s’en trouve réduite pour autant. Hydro-Québec exploite l’eau. Elle est considérée comme étant renouvelable, mais la rivière est exploitée jusqu’à sa dernière goutte. Les grandes rivières (14 au Québec) sont en voie d’extinction. Lorsqu’il n’en restera plus, peut-être pensera-t-on à se tourner enfin vers des énergies à la fois vertes et plus rentables ?

Ce documentaire m’a ému à un point inimaginable. Je l’avoue, je considère l’être humain comme étant partie prenante de l’environnement. Je l’avoue, je crois sincèrement que les ours, les caribous et les huards qui mourront lors de l’inondation des berges après la construction du barrage ont, à mes yeux, autant de valeur que des vies humaines. Je l’avoue, l’assèchement des chutes grandioses qui ponctuent la rivière me bouleverse. Je l’avoue, les traditions autochtones transformées, les écosystèmes détruits, les espèces qui disparaissent, tout cela, m’importe beaucoup plus que l’image du Québec sur le marché international de l’hydro-électricité.

Ce ne sont certainement pas avec des arguments aussi bixi-people friendly que je vais gagner des points chez les économistes de ce monde, mais peut-être le citoyen qui se lève, marche et regarde à travers son hublot d’inconscience saura sentir le grondement de la rivière et réalisera qu’elle ne coule pas en pure perte.


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