Aller au contenu

D’oranges et de rêves

Le surréalisme contemporain s’installe dans le deuxième sous-sol du Musée des Beaux-arts de Montréal. L’exposition La terre est bleue comme une orange nous présente les récents ajouts du Musée à sa collection permanente.

S’inspirant du célèbre vers du poète surréaliste Paul Éluard (« Premièrement » dans L’amour la poésie, 1929), La terre est bleue comme une orange offre une réinterprétation du surréalisme et de son langage visuel. À travers des tableaux peints, des photographies, des installations, des sculptures, des modèles réduits ainsi que des projections vidéo, une dizaine d’artistes participant à l’exposition explore les relations entre l’art et l’imagination, et leurs répercussions dans nos vies. 

Bien que certaines toiles et photographies soient de facture et de composition assez « traditionnelles », la majorité des créations sont assez inusitées et forcent le visiteur à les observer attentivement. Les diverses réalisations questionnent, de façon ironique et éclatée, les rapports entre l’homme et la nature, ainsi que ceux entre la nature et le milieu urbain. Ces rapports sont traités à travers les thèmes de la sexualité, de la nature, de la religion et de la ville. La sculpture Esclavage de conservation de l’espèce humaine (1972) du Japonais Tetsumi Kudo, par exemple, montre des phallus à carapaces d’escargot engluant un crucifix entouré de pièces électroniques. Moins provoquant, mais tout aussi explicite, la maquette de Carlos Garaicoa interroge la relation entre nature et urbanité en créant un parc où conifères et feuillus se mêlent sans distinction à des antennes téléphoniques, des lampadaires et des panneaux lumineux. 

La sculpture All You Can Eat (2008) de l’artiste québécoise Karine Giboulo questionne le résultat des relations entre l’individu et le monde et l’abrutissement général de la société de consommation qui en découle. Emily Vey Duke et Cooper Battersby, eux, inversent la réflexion en proposant l’animal comme être capitaliste dominant l’espèce humaine dans Le royaume de l’animal de compagnie émancipé (2007). Dans cette œuvre, un lynx, un renard et un cerf de Virginie empaillés regardent paisiblement la télévision sur un tronc d’arbre géant orné de cousins, de peaux d’animaux et de couvertures de velours. 

La première œuvre sur le parcours du visiteur ne donne malheureusement pas le ton au reste de la collection : l’installation vidéo I Am Called A Plant (1999) de Pipilotti Rist est sombre et froide, tandis que les pièces des autres artistes sont plutôt ludiques et conviviales. Dans l’œuvre de Rist, la vidéo d’une jeune fille nue –morte ou endormie– gisant dans une flaque d’eau et d’herbes est projetée sur un mur de céramique blanche tout droit sortie de la plus banale des cuisines. Le bruit de gouttes d’eau qui tombent se fait entendre et le visiteur est invité à s’asseoir sur un banc, dans le noir, à bonne distance du mur du fond. Rares sont ceux qui s’attardent véritablement à cette première pièce, puisque l’œil est rapidement attiré par les couleurs, les formes et les textures beaucoup plus aguichantes des autres créations de la salle. 

Les œuvres de la collection La terre est bleue comme une orange proposent une réflexion humoristique sur notre manière d’interagir avec les objets de notre quotidien, qu’ils soient le produit de l’action humaine ou de la nature elle-même.x


Articles en lien