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Le loup-garou du campus

Sur-financement anglophone ?

McGill serait-elle sur-financée par le gouvernement provincial ? C’est, en tout cas, la thèse qu’a défendue Mario Beaulieu, Président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, dans un article du Devoir paru jeudi dernier. L’administration de notre université n’est manifestement pas de son avis : rappelons qu’elle affronte actuellement Québec pour autofinancer sa maîtrise en administration des affaires (MBA). Selon l’administration mcgilloise, les subventions seraient trop faibles pour financer un programme compétitif, et elle préfère donc faire payer l’intégralité du coût du programme par les étudiants du MBA en renonçant à l’argent public. Bref, McGill et la société Saint-Jean-Baptiste ont évidemment des intérêts opposés. Chacun aligne des chiffres pour prouver que l’université est sur ou sous-financée. Comment y voir clair ?

L’article de M. Beaulieu indique que 23,6% du financement universitaire de Québec va vers des universités anglophones, un pourcentage « 2,7 fois supérieur au poids démographique de la population anglophone », selon l’auteur. L’argument revient à catégoriser la population en deux classes opposées sur un critère linguistique. Puisqu’au Québec la classe anglophone est peu présente, il faudrait peu financer les études en anglais. Dans les faits, les universités anglophones suivent le même schéma de financement que les francophones. Un professeur d’économie m’a même avoué que McGill recevait généralement moins d’argent que ce que le schéma provincial prévoit. Il se trouve simplement que les universités anglophones ont une capacité d’accueil sans proportion avec la population anglophone québécoise.

Il est indéniable que les universités anglophones attirent de nombreux étudiants étrangers et hors province. On peut donc comprendre les réticences de M. Beaulieu à utiliser de l’argent québécois pour des étudiants non-Québécois, mais il est surprenant d’en faire un enjeu uniquement linguistique. Selon M. Beaulieu, « cette situation gonfle indûment l’offre en enseignement supérieur anglophone et contribue grandement à rendre plus attrayantes les études universitaires en anglais, notamment auprès des étudiants allophones qui s’y inscrivent majoritairement. » Il faut donc croire que le problème n’est pas seulement financier. Le grand danger est que de plus en plus de Québécois décident d’étudier en anglais. Tout lecteur du Délit sait cependant qu’un francophone n’oublie pas son français en passant les portes de McGill…

De son côté, l’administration de McGill dénonce régulièrement le sousfinancement universitaire au Québec. Pourtant, comparativement aux autres universités du reste de la province, McGill est riche. Notre université dispose d’une base de donateurs qui ferait rêver n’importe quelle université francophone. De plus, ses nombreux étudiants étrangers et hors province lui versent des frais de scolarités confortables. L’administration justifie malgré tout son besoin d’argent par son aspiration au prestige. McGill est sans doute, avec Berkeley, l’une des universités publiques les plus réputées de la planète. Ses « concurrentes » sont majoritairement privées et disposent donc de leurs budgets plus librement. D’où l’impression de « sous-financement ».

Au bout du compte, on peut penser que la privatisation totale de notre université satisferait aussi bien l’administration de McGill que la Société Saint-Jean- Baptiste. Ainsi, Québec aurait une université anglophone de moins à financer et McGill pourrait être compétitive en chargeant 30 000 dollars l’année. Mais veut-on vraiment que McGill se vide de sa classe moyenne et de ses 25% de Québécois ? La mission de McGill ne devrait elle pas être l’épanouissement de ses étudiants et le bien-être de l’humanité, plutôt que l’excellence dans un magazine ?


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