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La tournée des bars

Il y a quelques semaines, Le Délit vous ouvrait la porte de trois restaurants à vocation particulière. Cette semaine, nous vous proposons de découvrir l’esprit qui anime quatre bars montréalais. Après avoir bien mangé, il est toujours agréable de digérer avec un bon verre !
Second dossier d’une série de trois.

Whisky Café

5800, boul. Saint-Laurent (coin Bernard)

wisky Fêtant ses vingt ans cette année, le Whisky Café a été un des premiers lounges à Montréal et demeure un lieu de rencontre encore tout à fait à la mode. Il est bien fréquenté des amateurs de spiritueux, de leur femme, de leurs amis, des amis de leurs amis et des voisins d’en face qui, eux, ne sont pas nécessairement des fins connaisseurs en la matière. Il suffit d’un peu de curiosité et de bien vouloir prendre le temps pour raffiner ses goûts pour l’alcool, un verre à la fois.

Alexandre Wolosiansky, propriétaire du Whisky Café, explique que l’esprit qu’il souhaitait créer dans son bar vient de sa préférence pour les verres pris dans les restaurants plutôt que dans les bars. Une ambiance plus posée, inspirée des brasseries européennes, d’où le nom de « café », plutôt que « bar », pour neutraliser le « whisky ».

Offrant plus de 450 produits, avec un large éventail de whiskies, le Whisky Café n’a rien du pub d’à côté : le lieu est propice à la dégustation, littéralement. Il offre trois verres de 1/2 once chacun, avec des fiches explicatives, afin que vos papilles puissent lentement reconnaître tous les arômes. Autrement, le prix d’un verre seul peut varier entre 8 et 20$. On en ressort fraîchement cultivé et on comprend, enfin, que le Davidoff Grand Cru #3 n’a rien à voir avec le parfum du même nom. Un des seuls cigar houses à Montréal, souligne Wolosiansky, le Whisky Café vous permet également d’apprécier (ou de découvrir, à défaut d’apprécier) cette fumée si différente de celle de la cigarette. Le cigare se caractérise par les mêmes termes que le café : léger, médium, corsé ; cubain, mexicain, dominicain, jamaïcain ; il y en a pour tous les goûts. Mais ne pensez pas économiser en chipant le cigare du placard de votre père pour le fumer au café : des frais de 10$ vous seront réclamés pour la coupe. Mieux vaut s’en tenir à la vaste sélection du lounge. Nez sensibles, n’ayez crainte : le salon, adjacent à la salle principale, est pourvu d’un système de ventilation efficace.

L’âme de ce bar est unique et se reflète dans le décor, la musique et les visiteurs. Une musique jazz, lounge ou contemporaine donne d’emblée le ton. Les mêmes murs et fauteuils de cuir meublent le café depuis 1989, lui conférant cette chaleur classique associée aux années 1920–1930, lorsque les hommes quittaient la table et leur femme pour s’isoler entre eux afin de siroter leur verre et de fumer leur cigare. Mais depuis, cette expérience s’est ouverte à tous, et le Whisky Café en est la preuve. Wolosiansky raconte qu’une fois, il a fait asseoir un jeune homme d’une trentaine d’années accompagné d’une jeune femme. Quelques minutes plus tard, le propriétaire a remarqué que ce couple discutait avec des hommes dans la cinquantaine assis à la table d’à côté. Le jeune homme a alors demandé à Wolosiansky de leur assigner une autre table… l’un des trois hommes étant son père ! Wolosiansky affirme qu’il a su à ce moment-là que son bar avait atteint son objectif.

Ceux d’entre nous qui n’ont jamais trempé la langue dans un scotch ou qui se demandent encore comment distinguer un whisky d’un gin seront enchantés de pouvoir se libérer de leur ignorance et d’épater la galerie au souper de famille à Noël. Ou encore de déguster autre chose que du Jack Daniel’s ! Expérimenter le Whisky Café, c’est donc s’instruire d’une façon singulière.

Par Amélie Lemieux ; propos recueillis par Mai Anh Tran-Ho 

Le Réservoir

Brasserie artisanale & Bistro

9, Duluth Est (coin Boul. Saint-Laurent)

reservoir L’éclosion d’une multitude de microbrasseries dans la métropole au cours des dernières années est un phénomène remarquable. Ces établissements se distinguent les uns des autres grâce à la diversité et à la qualité de la bière qu’ils produisent, et le concept même de microbrasserie les rend beaucoup plus attrayants et chaleureux qu’un simple bar. En effet, le client se sent un peu comme un invité distingué : le personnel se doit d’être qualifié et de connaître dans les détails toutes les subtiles saveurs de leurs bières afin d’être en mesure de recommander la variété idéale pour chaque consommateur. Depuis quelques années déjà, Le Réservoir, qui a pignon sur la rue Duluth près de la rue Saint-Laurent, connaît un franc succès.

Les raisons qui expliquent sa popularité ? « Nous produisons nous-mêmes notre bière et nous offrons aussi une cuisine bistro élaborée », rapporte Julie Talbot, gérante du Réservoir. Il ne s’agit pas uniquement d’une brasserie : on y propose un excellent menu pour les lunchs du midi, les brunchs du samedi et du dimanche, et des snacks qui sont servis jusqu’à 23h. On y retrouve beaucoup de poissons et fruits de mer tels que des calmars, de la morue, de la pieuvre et de la raie, mais aussi du boudin, du boeuf et du poulet. Chacun y trouvera son compte, et les prix –très raisonnables– varient entre 10 et 15$ pour un plat principal. La particularité de ces plats réside dans le fait que leurs ingrédients sont des produits du Québec. « Nous avons quelques ententes avec des producteurs biologiques de la région de Montréal », précise Mme Talbot. La sensibilisation à l’environnement est-elle donc intrinsèque au Réservoir ? « Avoir une philosophie verte est essentiel de nos jours, et nous voulons seulement être responsables. D’ailleurs, nous sommes l’un des seuls établissements à Montréal à avoir un dispositif à compost dans la cuisine. »

Le Réservoir produit donc une dizaine de bières différentes : mais lesquelles sont des incontournables ? « La India Pale Ale, la Noire et la Blanche sont parmi nos plus populaires. » De plus, puisqu’elles sont préparées sur place, l’absence d’intermédiaires permet de réduire les coûts : une pinte de bière ne vous en coûtera que 5,50$. Ceux qui ne sont pas férus de bière sont tout de même les bienvenus, puisque des cocktails classiques tels que le « gin tonic » et le « vodka canneberge » sont également offerts, et qu’on y propose aussi une variété impressionnante de vins d’importation privée.

Le jour, l’ambiance du Réservoir est plutôt décontractée, favorable aux conversations et à l’atmosphère bistro. Toutefois, lorsque la nuit tombe, l’établissement revêt une personnalité beaucoup plus animée. La brasserie artisanale devient le repère parfait pour les gens de 20 à 35 ans qui veulent y prendre un verre, et même pour des personnalités du cinéma et de la télévision québécoise. « Les deux étages se remplissent assez rapidement et il n’est pas rare de voir des lines-up ! », poursuit Julie Talbot. Cependant, que ce soit le jour ou bien le soir, Le Réservoir est un endroit authentique qui sait satisfaire sa clientèle.

Par Xavier Plamondon 

Baldwin Barmacie

115, Laurier Ouest (coin Saint-Urbain)

baldwin Le Baldwin Barmacie, ce n’est pas que le rêve réalisé d’Alexandre Baldwin d’ouvrir son propre bar pour ses trente ans. C’est aussi un hommage à ses souvenirs et au Mile-End.

Son histoire n’est plus secrète. Il grandit dans ce quartier où abondent les manufactures, dans « le monde pharmaceutique et d’entreprise ». Il dit être « allé à la bonne école pour apprendre le métier » : il développe un souci pour la qualité au Whisky Café et acquiert une solide expérience dans la gestion de bar et de foule au Gogo Lounge.

Baldwin trouvait prétentieux d’ouvrir un bar à son nom et a alors décidé de s’inspirer de sa grandmère, Mariette Baldwin, car « c’est un peu grâce à elle que je suis là où je suis maintenant », affirme-t-il. Il la retrouvait souvent à la pharmacie où elle travaillait, se rappelle Alexandre Baldwin, lorsqu’il plaçait les produits sur les étagères de sorte que « ça ait l’air plus vendeur ». Ce sens de l’esthétique, il l’a donc toujours eu. « On se force toujours un peu plus quand il y a de la visite », dit-il. Se retrouver au Baldwin Barmacie, ce n’est pas qu’aller voir son médecin de famille, c’est aussi se retrouver dans le salon chez des copains.

Le décor, « conçu maison », comme le souligne son propriétaire, réunit harmonieusement le propre épuré –comme dans une clinique– à la chaleur et au confort de la maison. Le Baldwin Barmacie découle de ses souvenirs de la pharmacie comme un lieu de rencontre, où sa grand-mère insufflait « l’ambiance », dit-il. Cette femme travaillante et appliquée, dont le mari est mort à la guerre en 1943 et qui a élevé toute seule ses deux enfants, avait toujours le sourire pour accueillir les clients. De son portrait accroché au mur, face au bar, grand-maman Baldwin veille au bon déroulement de la soirée. Ce tableau, qui peut surprendre lors de votre première visite, est l’élément qui donne à chaque détail son sens. Elle aimait les fleurs, d’où la décoration florale du Barmacie : des lampes « quenouilles » au bar, un lustre rappelant l’intérieur d’une fleur, des « tulipes » à la banquette, et un éclairage tamisé jaune-orange. Le blanc pharmaceutique du comptoir se fond avec le blanc du mur de briques, et les tabourets au bar –semblables à des sièges de dentiste– contrastent avec les fauteuils taillés dans des barils de whisky et la banquette au toucher sixties.

Le passé est revisité même dans le menu. Aux côtés des martinis, des pétillants, de la bière et du vin, il y a « sous ordonnance » le Mile-End d’autrefois et d’aujourd’hui, pour la somme de 8$: « Miss Baldwin » c’est grandmaman Baldwin ; « Dr Ho », la médecin généraliste au-dessus de la pharmacie ; « Lionel », un autre pharmacien ; et « Mr Mo », le chien d’Alexandre Baldwin. Au Baldwin Barmacie, vous pouvez concocter votre propre boisson dans des flacons de six ou huit onces, comme ceux d’antan. Ces plus petits formats, c’est aussi pour ceux qui sortent le lundi ou le mardi soir et qui ne veulent pas dépenser une fortune pour de la qualité, et parce que « finir la bouteille n’est pas une obligation », rappelle Alexandre. Un grilledcheese, avec ou sans jambon, et du macaroni au fromage sont aussi offerts. Vraiment, c’est comme à la maison. Mentionnons aussi les toilettes écologiques qui recyclent l’eau des lavabos, et le fumoir, un préau séparé de la salle principale. La musique au Baldwin ?

Une « assiette de viande », explique Baldwin. « Le poisson serait du indie-rock, les petits pois du électro rock », le tout rehaussé « de vieux rock, d’électro, de hip-hop ». « C’est fini le temps d’aimer une seule affaire », affirme Baldwin, c’est l’époque « des gougounes, jeans, chemises ». Ceci, on le voit tout à fait chez ceux qui fréquentent le bar : que l’on soit décontracté ou en veston-cravate après le travail, on est entre de bonnes mains au Balwin Barmacie. Un remède aux maux de la vie quotidienne.

Par Mai Anh Tran-Ho 

Buvette chez Simone

4869, avenue du Parc (coin Saint-Joseph)

buvette Campée sur l’avenue du Parc depuis juin 2008, légèrement au sud de Saint- Joseph, la Buvette Chez Simone se veut un bar à vin sympathique dans l’esprit du Mile-End. Ce qu’on y fait ? Initier nos papilles aux différents cépages dans l’espoir de découvrir notre vin fétiche. Et, surtout, on apprécie la vie.

Avant tout, il faut choisir sa bûche : que ce soit au comptoir, sur la banquette ou aux billots de bois vernis, l’ambiance est « amicale et sans prétention » selon un habitué. On s’installe autour de la cuvée de notre choix, la carte des vins griffonnée sur deux grands tableaux qui encadrent le lieu. La Buvette innove avec sa formule « Encercle, commande et régale-toi ». C’est simple, un plateau d’assortiments de votre choix vous est servi, il ne reste qu’à le partager entre amis. En bons démocrates, on tente bien sûr d’«encercler », mais l’abondance des choix complique la chose, alors on hésite et on parle. Le serveur revient, l’ambiance a vu retarder notre quête : on parle encore parce qu’on s’y plaît. Une fois la commande déposée sur la table, on festoie jusqu’aux belles heures du matin. Voilà comment se passe une soirée Chez Simone.

Ce bar-refuge se distingue non seulement par son concept à la carte, mais aussi par son « rapport qualité-prix sans pareil », comme le mentionne Éric Bélanger, co-propriétaire de la Buvette chez Simone. « Et nous proposons un concept original : un bar à vin où il est possible de grignoter dignement. » Dignement, c’est-à-dire sans s’empiffrer : la modération a bien meilleur goût. Les étudiants au modeste appétit se réjouiront d’une demi-portion de salade grecque accompagnée de quelques cubes de Stilton ou de quelques tranches de rosette de Lyon. Pour ceux dont l’estomac gargouillerait davantage, un menu souper est à leur disposition.

Merlot, Sauvignon ou Syrah, il y en a pour toutes les papilles, et chaque visite peut devenir l’objet d’une dégustation. En plus de sa gamme de cépages recherchés ‑le verre autour de 7$, la bouteille, plus coûteux, entre 40$ et 60$-, la Buvette chez Simone tient un bon lot de pompes à bière variées. La polyvalence de l’endroit transformera votre conception du 5 à 7 traditionnel.

Tous se retrouvent, journée de travail terminée, dans un décor signé Zébulon Perron (American Apparel, Plan B). Au plafond, les lampes alimentées par des fils électriques oranges capteront sans nul doute votre attention, mais ce n’est qu’un des éléments de cette esthétique post-industrielle amalgamée à un ameublement tout de bois vieilli. Ceci ne s’étend toutefois pas jusqu’aux toilettes, minuscules il faut le dire. Chez Simone, l’ordre ne prime pas sur la convivialité. Des tables à droite, dans le fond, sur la petite mezzanine : le lieu se prête au « tire ta chaise et assis-toi ». La musique va de pair avec les buveurs, le tempo variant du indie au populaire et à l’électro, et ce n’est pas surprenant de voir des gens se lever, danser et chanter le temps d’une chanson, comme dans une taverne. La Buvette chez Simone, pour des fins de journées non planifiées et bien arrosées.

Par Amélie Lemieux 


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