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Stoïcisme de dernière minute

Tout a été dit, mais parlons-en encore une fois, ne serait-ce que pour le plaisir de se joindre, pendant qu’il en est encore temps, au tournant quasi mystique que l’élection américaine imminente semble faire peser sur les analystes de la presse internationale. La veille d’un scrutin comme celui-ci, il ne fait pas de doute que s’abat sur les commentateurs, d’ordinaire prolixes et bien souvent acerbes, un sentiment curieux de scepticisme mêlé d’une sérénité appréciable, quoique toute relative.

Le point d’interrogation est donc visiblement de rigueur en cette veille de scrutin, qui est aussi l’heure de faire le bilan d’une campagne longue et ardue. C’est du moins le cas dans les pages du Devoir, où la chronique de François Brousseau, qui interroge : « Obama, la révolution impossible ? » est au coude à coude avec un article non moins interrogateur : « Et si les sondages se trompaient ? » Dans Le Monde, on se demande : « L’Amérique va-t-elle vivre sa « révolution » du 4 novembre ? » Les exemples ne manquent pas pour montrer qu’après presque deux ans de couverture enhardie et avide, les médias semblent soudainement admettre qu’on flirte, malgré tout, avec l’inconnu.

Ou peut-être est-ce que la victoire tant attendue ne fait, tout simplement, plus aucun doute. Lundi, bien des articles nous dépeignaient un McCain perdant, un candidat républicain qui racle le peu d’électeurs qu’il peut encore rapporter à son parti dans ce « sprint final ». Lui aussi est, nous dit le Herald Tribune, gagné par une certaine sérénité. On est contents pour lui.

Qu’il s’agisse de cela ou d’un regain de sagesse stoïcienne, on retient notre souffle. À croire qu’après plusieurs mois d’une campagne que l’on a voulue historique, où l’on s’est enflammés devant « A More Perfect Union » avant de s’affliger face aux débilités de Palin, on s’en remet au destin ou à l’évidence. En effet, les titres du début de semaine étaient teintés de deux sentiments contradictoires, comme les journalistes savent si bien les manier : d’une part, une solennité exacerbée, d’autre part la saturation. Tout cela est saupoudré d’un brin de désillusion. Car alors que l’échéance approchait, journalistes et chroniqueurs nous ont parlé d’un électorat cynique, désabusé… quoique l’exemple surprenant de l’Ohio aurait pu les détromper. Dans Le Devoir, on se demande si la victoire d’Obama serait annoncée par des chiffres « trop beaux pour être vrais ». Dans Le Courrier international, un article extrait du New York Review of Books fait état d’un débat « escamoté », et d’un « coma national ». Selon le quotidien francophone libanais L’Orient-Le Jour, l’éditorial affirme : « L’Amérique vote et c’est l’univers tout entier qui retient son souffle », tandis qu’ici on lit ici et là que le choix d’un président à Washington influe de moins en moins sur le destin du monde. Qu’à cela ne tienne. En espérant que le temps que tout ce monde se mette d’accord, les électeurs auront, on l’espère, fait le choix attendu. À l’heure où ce numéro est entre vos mains, si vous pouviez voter on espère que cela a été fait. Maintenant, à vos téléviseurs.


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