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En attendant Montréal, ‑40°C

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Soit dit entre nous, la pauvre ville de Québec souffre d’un sérieux problème d’attention. Après un été complet de festivités délirantes destinées à prouver à la face du monde que Montréal a bel et bien une rivale, l’ego des bonnes gens de Québec a finalement atteint un volume satisfaisant. Il a fallu, pour en arriver là, voir débarquer Van Halen, Patrick Bruel, Céline Dion et autres amuseurs publics de qualité. Venus enflammer les plaines de notre capitale nationale, ils ont contribué à redonner fierté et honneur à une ville toujours meurtrie par la perte de ses Nordiques. Et que dire de l’inénarrable Sir Paul McCartney, qui de son « Bonsoir toute la gang », a réussi à faire fondre le coeur des plus farouches défenseurs de la langue française ? Ma chère maman ne s’en est toujours pas remise. Bel effort, Québec.
Ne sachant toujours pas conduire et devant, de toute façon, vendre mon corps aux dieux capitalistes, j’ai boudé les célébrations du 400e.. À Montréal, les vedettes de qualité n’attendent aucun anniversaire pour parader, elles aiment naturellement folâtrer au Parc Jean-Drapeau et respirer l’air branché du Mile-End, ce lieu magique où les groupes alternatifs croissent comme mauvaise herbe au soleil.
Reste que l’été n’est pas la saison de la subtilité mais du divertissement de masse. Les bains de foule sont la norme pour l’amateur musical fauché, qui doit se rabattre sur la programmation gratuite des festivals pour combler ses fringales. Je reste encore troublée par les clins d’oeil folichons qu’a faits Garou durant son interprétation de Everybody knows, lors de l’hommage à Leonard Cohen organisé par le Festival de Jazz. Ce n’est pas tout le monde qui peut se payer des billets pour Osheaga… 
Heureusement, l’automne me redonne espoir. Si les cinémas ont diffusé tout l’été des films de série Z pour enfants attardés, nous aurons bientôt droit au nouveau-né des frères Cohen (Burn After Reading); à une relecture caustique du règne de Bush fils signée Oliver Stone (W.); et même, au nouvel opus du réalisateur de ce chef‑d’oeuvre du kitsch qu’est Moulin Rouge!, Baz Lurhmann (Australia), pour n’en nommer que quelques uns. J’arrive à peine à en dormir la nuit.
En musique, le festival Pop Montréal viendra bientôt enflammer la scène locale grâce aux prestations des groupes obscurs, presque célèbres ou carrément légendaires qui forment sa programmation. Tous les hipsters de McGill s’y tiendront évidemment. Les théâtres se repeupleront des comédiens qui, après avoir passé la saison estivale dans des salles de régions à jouer des classiques tels que Ciel, dans quel placard ais-je mis mon amant ?, reviendront faire du théâtre de création expérimental à Montréal.
L’automne, cette saison considérée comme morne et grise, demeure ma préférée. L’automne signale le retour en terre montréalaise d’un art finalement plus vivant, plus subversif et plus créateur que ne le sont jamais les rassemblements collectifs de l’été. La culture peut redevenir quelque chose d’autre qu’un repos facile pour les neurones. Être source de réflexion. Défoncer les barrières. Représenter une façon d’apprendre à mieux penser notre société. Cette vision de l’art est plus fragile que jamais en regard de la politique actuelle du gouvernement Harper. Le consensus mou et les bonnes moeurs sont à la mode. N’empêche. En pensant à toutes les possibilités qui s’offriront à moi, j’attends avec impatience les jours à venir, ceux passés à Montréal, ‑40°C.


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