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Le Délit : un référendum auquel on vote « oui »

« Un journal francophone dans une université où on parle anglais ? » La question ne date pas d’hier : elle était au centre même du débat « pour un McGill français » quand Le Délit a été créé il y a trente ans. L’université dans son ensemble —administration, étudiants, professeurs et personnel de soutien— était plutôt sceptique quant au fait de laisser prendre place sur son campus une presse écrite francophone —parce que francophone était toujours égal à souverainiste, c’était bien connu. D’après le premier rédacteur en chef du Délit, Daniel Boyer, que nous avons interviewé en début d’année, certains pensaient que McGill se franciserait complètement en raison de l’existence d’un média francophone distribué au-delà des portes Roddick.

Enfin, heureusement pour eux —et peut-être malheureusement pour nous—, notre journal rebelle, fait avec amour lors de notre retraite hebdomadaire dans le sombre sous-sol de l’édifice Shatner, n’aura pas mené à la fin du régime anglais à McGill. C’était peut-être en demander un peu trop à dix petits nègres blancs d’Amérique. Notez quand même que d’un « cahier détachable » au sein du McGill Daily, nous sommes devenus un journal à part entière assez rapidement.

Une question claire, svp !
« Oui, mais qu’est-ce que le McGill Daily a à voir dans votre référendum, alors ? » Ceux qui se sont joints à notre groupe Facebook ou qui lisent assidûment les publicités d’Élections McGill auront effectivement remarqué que l’existence du McGill Daily et du Délit était remise en cause. L’administration de l’université a en effet forcé, au cours des dernières années, les groupes étudiants indépendants du campus, tels CKUT ou QPIRG, à tenir des référendums sur les cotisations étudiantes qu’ils requièrent. Et comme Le Délit et le McGill Daily font partie de la même société de publication, la Société des publications du Daily (SPD) —ça mange des « conseils d’administration » en hiver, ça—, les Mcgillois se prononceront sur le sort des deux journaux en même temps.

Notez bien que les 5$ que vous payez par session servent pour trois publications par semaine (deux en anglais et une en français). Sans cette cotisation, qui représente presque les deux tiers de nos revenus, la SPD, et donc Le Délit, n’aura tout simplement plus les moyens d’exister.

La lutte pour le français
Les interrogations quant à la pertinence du Délit rejoignent celles, plus vastes, concernant le français à McGill. D’abord parce que le campus est peuplé d’autres « minorités linguistiques » qui représentent un poids démographique important. Pourquoi alors autoriser les francophones à rédiger leurs travaux en français si les « autres » ne peuvent pas le faire dans leur langue maternelle ? Après tout, il existe d’autres universités francophones à Montréal pour qui voudrait étudier en français.

Mais s’il est vrai que personne ne vous oblige à aller à l’école en anglais, McGill est, et restera toujours, une université au coeur de la réalité québécoise. Pour être à même de saisir cette réalité, elle se doit de laisser une place aux échanges et à la communication dans la langue majoritaire de sa population. En cela, la lutte pour le français ne doit pas qu’être l’objet d’une résistance ou d’une survivance, mais elle doit plutôt être conçue comme une contribution et un apport souhaitables, nécessaires. Tout comme il y aurait une place pour le catalan dans une université hispanophone à Barcelone, il y en a une pour le français dans une université anglophone au Québec.

Des raisons fortes
Parce que nous reconnaissons la présence du fait français à McGill et sa nécessité de s’exprimer. Parce que nous donnons une voix à près de 6000 francophones. Parce que nous sommes un média indépendant, libre de décider de son contenu. Parce que nous ne dépendons de personne, contrairement au McGill Tribune ou au McGill Reporter, qui sont sous la tutelle respective de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) et de l’administration de l’université. Parce que nous pensons —en toute humilité (et, croyez-moi, le sous-sol du Shatner, ça rend humble)— que nous fournissons un apport réel à la vie de ce campus. Du 8 au 14 mars, votez « oui » préserver le Délit. Nous avons besoin que vous nous donniez un mandat clair pour continuer d’assumer librement notre destinée.


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