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Nouveau CUSM : une menace pour le mont Royal ?

Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et ses visées sur le mont Royal. 

La protection du patrimoine culturel et naturel du mont Royal est –et demeurera– un enjeu crucial dans l’élaboration de nombreux projets de développement, dont ceux de l’Université McGill. Prise en étau entre deux des quatre universités montréalaises, la montagne, située au coeur de ce qui constitue le pôle économique de Montréal, est depuis de nombreuses années victime de pressions immobilières de la part des institutions qui la bordent.

Dernier projet en lice : le redéploiement du CUSM sur l’emplacement de l’actuel Hôpital général de Montréal. Le projet, qui dans sa première mouture avait reçu un accueil froid de la part des organismes impliqués dans la protection de la montagne et du quartier, a subi au cours de la dernière année de nombreuses modifications et semblerait maintenant en voie d’obtenir l’aval gouvernemental afin de lancer les travaux.

Ce « Campus de la montagne », tel que décrit par McGill, devra cependant se conformer aux exigences du nouveau Plan de protection et de mise en valeur du mont Royal présenté par la Ville de Montréal le mois dernier.

Faux départ
Alors que le concept d’un nouveau CUSM unissant cinq grands hôpitaux du centre-ville ‑l’Hôpital de Montréal pour Enfants, l’Hôpital général de Montréal, l’Hôpital thoracique de Montréal, l’Hôpital neurologique de Montréal et l’Hôpital Royal Victoria– émergeait des instances administratives de McGill, il y a une dizaine d’années, le portrait était fort différent d’aujourd’hui : le centre hospitalier universitaire (CHU) devait centraliser les services en un seul pôle stratégique, la cour Glen, entraînant du coup la fermeture éventuelle de l’Hôpital général de Montréal.

Or, en 2003, devant les conclusions de la commission Johnson-Mulroney, l’administration du CUSM a dû revoir ses plans, comme le rappelait Mylène Tremblay dans Le Devoir (2005): il apparaissait nécessaire de maintenir l’Hôpital général de Montréal en fonction afin d’assurer « l’accès à la population d’une urgence au centre-ville et [de] réussir à insérer le projet [du nouveau CUSM] dans une enveloppe budgétaire de 1,1 milliard ». On a dès lors entrepris l’élaboration d’un nouveau projet sur deux sites : la cour Glen et l’Hôpital général de Montréal, rebaptisé Campus de la montagne.

En 2005, l’administration du CUSM rend publics les plans préliminaires des deux campus. Le ministère de la Culture, les Amis de la montagne et Héritage Montréal émettent cependant des réserves quant au concept architectural du Campus de la montagne. On critique en effet l’agrandissement en hauteur de l’hôpital, qui atteindrait jusqu’à 15 étages dans l’aile C, menaçant ainsi de nombreux points de vue de la montagne vers le centre-ville et inversement. L’institution serait aussi dotée d’un héliport sur un de ses toits, devenant ainsi une source de pollution sonore et visuelle.

Enfin, les plans prévoient un agrandissement important du complexe à même les flancs du mont Royal, du côté de la rue Cedar. Face à ces constats, le Conseil du patrimoine de Montréal dépose un avis défavorable au projet en juin 2006. L’organisme souligne qu’il y a « peu d’arguments véritables qui démontrent une recherche d’intégration du projet dans ce secteur fragile [de la montagne]». McGill est donc contrainte de retourner à la planche à dessin.

Trois enjeux pour le mont Royal
Pendant ce temps, la Table de concertation du mont Royal, un regroupement des institutions et organismes concernés par la protection de la montagne, est le siège d’intenses discussions qui mèneront, après quatre ans de négociations, au Plan de protection et de mise en valeur du mont Royal, rendu public le 24 janvier dernier. Il s’agit du premier plan du genre depuis 1992.

Le communiqué indique que la ville axera sa nouvelle politique sur trois enjeux : « les milieux naturels, les milieux construits et aménagés, les paysages et les vues ». Ces trois axes de protection guideront d’éventuelles constructions sur la périphérie du mont Royal, car le plan demeure clair à ce sujet : « Ce règlement ne signifie pas le gel de tout développement sur la montagne et à son pourtour. Les projets cohérents avec les orientations du plan proposé pourront recevoir l’autorisation pour aller de l’avant ».

McGill entend bien profiter de cette ouverture pour lancer le Campus de la montagne. Aussi l’université a‑t-elle soumis dans la même semaine un nouveau plan architectural pour l’Hôpital général de Montréal et a ajouté, peu après, sa signature au Pacte patrimonial du mont Royal, une entente volontaire par laquelle 14 institutions installées sur la montagne s’engagent à suivre les principales orientations du Plan de protection et de mise en valeur du mont Royal.

Campus de la montagne 2
Dans ses nouveaux plans, dont on ne connaît que les lignes directrices, le CUSM renoncerait à l’installation d’un héliport sur le toit de l’hôpital et se concentrerait sur la construction en largeur du côté de l’avenue des Pins, plus au sud, plutôt que du côté de la rue Cedar. « Le nouveau concept ne bloque ni la vue de la montagne vers le centre-ville ni celle du centre-ville vers la montagne », a affirmé Yanai Elbaz au Devoir. Il semblerait que McGill ait pris bonne note des commentaires négatifs qui lui ont été faits après la présentation de la première version du projet. Le nouveau concept architectural garderait l’hôpital à sa hauteur actuelle.

Le Délit a contacté Sylvie Guilbault, directrice générale des Amis de la montagne, afin de recueillir ses impressions sur la nouvelle orientation du Campus de la montagne. Mme Guilbault souligne que les informations concernant les nouveaux plans de redéploiement de l’Hôpital général de Montréal demeurent parcellaires et que son organisme attendra les consultations publiques qui auront lieu en mars afin de porter un jugement.

Elle note cependant que des améliorations importantes ont été apportées au projet. « Un problème avec l’ancien plan, c’était que l’hôpital s’avançait jusqu’à la rue Cedar [directement à flanc de montagne]», dit-elle. L’agrandissement du côté de l’avenue des Pins constitue donc un progrès. Cependant, de nombreux problèmes demeurent : par exemple, remarque Mme Guilbault, « la circulation est déjà très difficile dans le secteur et pourrait s’aggraver », nuisant ainsi à la qualité de vie des résidents et des usagers du Parc du Mont-Royal.

Questionnée sur le choix de McGill de se conformer à la norme de bâtiments écologiques LEED et de mettre en place deux toits verts, elle répond : « Cela ne constitue pas un argument valable pour le développement sur le mont Royal ». Elle ajoute : « Le développement, ça restera toujours mettre de la brique et du béton ». Un choix incompatible avec la mission des Amis de la montagne, qui vise à « protéger et mettre en valeur le mont Royal en privilégiant l’engagement de la communauté et l’éducation à l’environnement ».

Une chose demeure certaine, les discussions autour de la protection du patrimoine culturel et naturel du mont Royal sont loin d’être terminées. La préservation de ce symbole identitaire de la métropole québécoise demeure l’objet d’une lutte constante face aux pressions incessantes des propriétaires le ceinturant. Le danger ici est que ce qui est pris à la montagne lui est rarement rendu. Il revient donc aux Montréalais de lever les yeux et de surveiller les nouvelles brèches faites sur ce mastodonte urbain.


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