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Avant que ça déraille…

Pour la sixième année consécutive, des jeunes Québécois ont pédalé à travers la province en plein hiver pour être verts, grâce à ENvironnement JEUnesse (ENJEU).

Du 10 au 13 février derniers, 28 cyclistes ont avalé des centaines de kilomètres pour aller rencontrer des élus du gouvernement québécois. Leurs motivations ? L’urgence d’agir contre les changements climatiques, mais aussi l’importance de faire entendre la voix des jeunes du Québec à ce sujet.

La mission d’ENJEU est principalement axée sur le développement d’une conscience sociale et environnementale chez les jeunes. En s’arrêtant dans des écoles primaires et secondaires tout au long du trajet, les cyclistes hivernaux ont pu rejoindre directement les principaux intéressés. Une courte formation sur les changements climatiques a été suivie d’une période de discussion autour de l’aventure cycliste et de la protection de l’environnement.

Selon Antoine Hébert-Maher, coordonnateur de l’événement cette année, « les jeunes sont toujours impressionnés et intéressés, surtout dans ces petites communautés où il n’y a pas de transport en commun. On leur montre un rapport au vélo qu’ils ne connaissent pas ».  Plus de 1000 élèves ont ainsi reçu la visite des équipes de cyclistes de l’Action nationale à vélo cette année.

Deux des quatre équipes de cyclistes provenaient de Montréal et empruntaient chacune une rive opposée du fleuve alors que les autres partaient de Saguenay et de Trois-Rivières. Pour Laurence Arpin, qui à seulement 15 ans est la plus jeune participante, cette action est avant tout une « très bonne façon de marquer la population et ses représentants politiques ».

Mais au-delà de la politique, cette dernière souhaite que les élèves auxquels elle s’est adressée, parfois du même âge qu’elle, « prennent conscience et gardent à l’esprit que chaque geste individuel compte (vis-à-vis l’environnement), que le chemin est le but ».

En tant que plus jeune participante de la courte histoire de l’Action nationale, Laurence Arpin s’est vue désignée porte-parole de l’équipe de Montréal. C’est donc elle qui a livré, au nom d’ENJEU, une série de recommandations à la ministre québécoise du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Mme Line Beauchamp, à l’arrivée de son groupe sur la colline parlementaire.

Proposer des actions concrètes aux élus
Comme lors des éditions précédentes, les cyclistes d’hiver ont remis, à leur arrivée sur la colline parlementaire, une liste de propositions aux élus, soit Mme Beauchamp et les critiques de l’opposition en matière d’Environnement, Simon-Pierre Diamond (ADQ) et Camil Bouchard (PQ). Cette année plus que jamais, celles-ci portent sur des mesures qui se veulent concrètes et réalisables.

Dans la suite logique de leur choix de locomotion, les recommandations des cyclistes prônent une meilleure utilisation des ressources énergétiques et un soutien accru au transport public et alternatif. « Les propositions sont élaborées en fonction de problématiques très locales et très proches des jeunes, mais qui peuvent avoir aussi un impact global », explique Antoine Hébert-Maher.

On notera au passage la proposition de l’équipe de Montréal d’obliger les automobiles à afficher leur niveau d’émission de gaz polluants à l’aide d’une vignette autocollante, permettant éventuellement d’instaurer une interdiction de circuler pour les gros pollueurs les jours de smog. Une mesure de ce type a récemment été adoptée dans les villes allemandes de Berlin, Hambourg et Cologne.
Mme Beauchamp s’est dite intéressée par l’idée, sans cependant s’avancer sur l’effort logistique qu’impliquerait la mise en place d’une telle législation.

Aussi au menu des propositions des cyclistes se trouvait celle de dédier un pourcentage des coûts de construction des édifices publics à l’approvisionnement en énergie renouvelable, à la manière de la « loi du 1%», qui consacre ce montant du coût total de la construction à l’art public.

Les équipes trifluvienne et saguenéenne sont aussi arrivées avec leurs revendications propres, soit respectivement d’augmenter l’offre et l’accessibilité du transport public à Trois-Rivières et d’assurer que la future autoroute qui remplacera la route 175 sera munie d’une voie réservée aux vélos.

À bicyclette, c’est bien moins « frette »
Secondée par de fidèles bénévoles, une équipe de tournage et le soutien mécanique de l’unité mobile de l’Atelier Roue Libre, l’équipe de Montréal (de la rive nord) a aligné rondement les étapes de dimanche et lundi, avec un minimum de chutes et de bris mécaniques. Du soleil, le vent dans le dos : le moral était bon et le peloton tricoté serré. Le mardi, il s’est élancé augmenté de la délégation de Trois-Rivières, composée de cinq autres pédaleurs intrépides.

Durant ce temps, l’équipe saguenéenne a fait passer les autres pour des « ramollies ». En effet, elle a atteint Québec par le parc des Laurentides, empruntant la route 175, une des plus dangereuses du Québec. Au cours de la traversée, les cinq cyclistes provenant du programme plein air et tourisme d’aventure de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC) se sont offert deux nuits de camping d’hiver dans ce désert forestier. La température y a frôlé les ‑35° C avec le facteur vent.

C’est mercredi que l’affaire s’est corsée, alors que la neige et la poudrerie ont entravé la progression du peloton montréalais, parti de Donnacona. Avec la visibilité réduite et l’accumulation de neige sur la chaussée, les conditions étaient à la limite du praticable à vélo.

Et pour la première fois, les automobilistes se montraient moins compréhensifs. Julien Archambault, seul vétéran du peloton, a confié après coup : « Ce sont les pires conditions qu’on ait eues au cours des trois dernières éditions. J’étais vraiment sur les nerfs parce que je voyais le peloton perdre sa cohésion ».

D’ailleurs, vers 7h15 ce même mercredi, après une demi-heure d’une progression difficile, les cyclistes se sont fait annoncer que « les écoles de Québec [étaient] fermées ! ». Voilà de quoi fouetter le moral des troupes, qui ont pourtant repris la route, et en chantant, s’il vous plaît.

L’équipe de Montréal (de la rive nord) est finalement arrivée in extremis au rendez-vous devant l’Assemblée nationale. Les autres participants se résignaient déjà à siffler leur chocolat chaud (offert par Mme Beauchamp) sans eux.

Carnet de bord des cyclistes de l’équipe Montréal de la rive nord

Jour 1 – Dimanche 10 février
Montréal-Berthierville
T°: 3° C
Distance parcourue : 75 km
2 crevaisons
Temps trop chaud pour le vélo d’hiver : « On patauge et on est tout mouillés ». Hockey cosom et haki au gymnase de l’école primaire où on dort : on a encore de l’énergie.

Jour 2 – Lundi 11 février
Berthierville-Cap-de-la-Madeleine
T°: ‑12° C
Distance parcourue : 80 km
4 câbles remplacés
3 dérailleurs gelés
Premières formations à la polyvalente et dans une école primaire à Louiseville. Le responsable de la pastorale qui nous avait invités aurait préféré que l’on ne dise pas à ses tout-petits que les ours polaires vont disparaître d’ici 50 ans.

Jour 3 – Mardi 12 février
Cap-de-la-Madeleine-Donnacona
T°: ‑15° C
Distance parcourue : 85 km
1 pédalier changé
1 crevaison
1 roue refaite
4 dérailleurs gelés
Formations aux écoles primaires de Portneuf et Deschambault. Constat : les photos d’ours polaires « pognent » décidément plus que les courbes de variation des températures moyennes des océans…

Jour 4 – Mercredi 15 février
Donnacona-Québec
T°: ‑4° C
Distance parcourue : 55 km
1 dérailleur tordu
1 bonne dizaine de chutes
Fini le vent dans le dos. On n’a vraiment pas volé le chocolat chaud qui nous attend au bout. On prend d’assaut le parlement et ça stresse les gorilles. Line Beauchamp fait un petit discours beau comme ses yeux. On attend les gestes concrets et on se dit à la prochaine fois.


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