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Entre machismo et feminismo

Plongée dans le patriarcat d’Amérique du Sud.

Monica Morales | Le Délit

« Ni una menos !» (« Pas une de moins ! ») ont exigé les femmes alors que le cas choquant d’une écolière argentine, violée et assassinée en 2016, a déclenché des protestations mondiales contre la violence genrée en Amérique latine. 

Malgré ces manifestations, la route est encore longue d’après Neesa Medina, activiste au Centre des Droits de la Femme au Honduras, alors qu’une Hondurienne est assassinée en moyenne à toutes les 16 heures. Invitée le 6 février dernier à une conférence sur les droits des femmes latino-américaines, le tout organisé en collaboration avec l’organisation mcgilloise SLASummit, elle n’hésite pas à souligner une crue réalité d’entrée de jeu, dénonçant les gouvernements teintés de machismo qui refusent de faire du féminisme une priorité. Avec 25% des femmes ne recevant pas leur propre salaire, contre seulement 12% des hommes, la persistance des rôles traditionnels fait également partie du problème. La femme reste à la maison et l’homme part travailler. Élever une famille devient donc un obstacle à l’émancipation de la femme, puisque le respect qui en est tiré est moindre, faute à l’extrême valeur accordée à l’aspect monétaire en Amérique Latine.

Plusieurs femmes décident de fuir

Machisme social et institutionnel

L’idéologie machiste, caractéristique de cette région du monde, entraîne ainsi de nombreuses répercussions, et ce particulièrement pour les droits sexuels et reproductifs, lourdement influencés par l’Église. Peu de progrès sont par conséquent faits afin d’aider les femmes au sein des sociétés catholiques et créer un espace sécuritaire à leur effet. Les avortements illégaux, représentant 95% des avortements en Amérique Latine, ont des effets désastreux sur la santé des femmes. Avec cinq pays dans cette région criminalisant l’avortement sous toutes circonstances, dont le Honduras, plus de 2000 femmes meurent chaque année des suites de procédures abortives. 

Ne voyant donc pas d’opportunités dans leur propre patrie, plusieurs femmes décident de fuir, mais vont d’abord chez le médecin afin de se faire administrer un contraceptif qui pourrait éviter une grossesse non désirée, résultat de viols en cours de route. Medina insiste d’ailleurs sur le bond dans les chiffres des demandes d’asile aux États-Unis, de 781 en 2005 contre plus de 14 000 en 2015, comme indicateur de la situation au Honduras. Certes, certains efforts de la société civile ont abouti à la création, par exemple, d’un centre d’aide aux victimes dans la ville hondurienne de La Seiba, évitant aux survivantes d’avoir à raconter leur viol aux autorités plus de sept fois avant d’avoir droit à de l’aide. Pourtant, le refus d’institutionnaliser ces initiatives de la part des autorités persiste, empêchant un réel progrès. 

Sans espoir ?

Et pour celles qui décident de rester, l’espoir d’avoir une qualité de vie décente est mince alors que le semblant de paix est souvent conquis avec les armes des militaires. Le meurtre de la militante écologiste Berta Caceres en 2016, fruit d’une Amérique latine militarisée et patriarcale, est d’ailleurs un douloureux rappel des risques que courent celles qui prennent la parole et qui s’opposent à leurs conditions. Le féminisme comme outil de changement structurel devient donc essentiel au sein des gouvernements latino-américains afin d’atteindre l’égalité homme-femme. Ni una menos.


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