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Le climat, éternel combat

Réflexion sur le pouvoir des individus et le développement durable.

Capucine Laurier | Le Délit

Cette semaine, le gouvernement canadien devrait rendre sa décision sur le projet d’oléoduc Kinder Morgan. L’oléoduc transporterait chaque jour près de 900 000 barils de pétrole entre l’Alberta et la Colombie Britannique. Le projet a été largement dénoncé par la société civile nationale et internationale, parce qu’il empêcherait tout simplement le Canada de respecter les promesses faites lors de la ratification de l’Accord de Paris. Au sud de la frontière, des centaines de personnes se sont mobilisées dans la réserve sioux de Standing Rock pour exprimer leur opposition au nouvel oléoduc Dakota Access.
Lundi le 24 novembre, des opposants à Kinder Morgan se sont rassemblés sur la colline du Parlement à Ottawa, pour tenter d’exercer une pression sur le gouvernement libéral. Une centaine d’étudiants ont été arrêtées. À Standing Rock, les forces de l’ordre ont déployé poivre de Cayenne, gaz lacrymogène, balles en caoutchouc et jets d’eau par températures glaciales pour dissuader les participants. Plus de 400 personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations, et plusieurs dizaines ont été blessées, certaines hospitalisées. Ces deux exemples d’opposition viennent illustrer la relation compliquée entre gouvernements et citoyens lorsqu’il s’agit d’action pour le climat.
L’irréfutable impact des changements climatiques

La question des changements climatiques est devenu l’objet d’un brouhaha politique qui semble opposer deux formes de pouvoir : le pouvoir institutionnel, et le pouvoir civil.
D’un côté, les gouvernements sont mariés de longue date avec les industries fossiles, ce qu’ils tentent de concilier à de leur concubinage passionnel avec le développement d’une économie verte. Arrêtons ici la métaphore, avant que les subventions aux sociétés pétrolières et gazières — de l’ordre de 3,3 milliards de dollars annuellement au Canada — ne deviennent un acte de galanterie.
De l’autre côté, une grande partie de la société civile est de plus en plus sensibilisée à la cause climatique et sa mobilisation politique grandissante ces dernières années en est la preuve. À l’automne 2015, 25 000 personnes défilèrent à Ottawa à l’occasion de la Marche mondiale pour le climat. Au même moment, ils furent 400 000 à New York. Selon un sondage du groupe de recherche Nanos, 72% des Canadiens pensent que « la science des changements climatiques est irréfutable ». De ce côté-ci des barricades, l’activiste le plus endurci, tout comme l’engagé occasionnel, se posent la même question : quelle influence avons-nous vraiment sur les politiques de nos politiques ? Le pouvoir de l’électeur est-il une illusion ? L’activiste fait-il une différence ?

Mi-figue, mi-raisin

Il est difficile de ne pas devenir cynique quand on suit de près les développements de la politique climatique. Nos chefs d’État font des déclarations de héros à l’écran, et des pas de fourmis pour le progrès. Le changement aura-t-il lieu si nos gouvernements ne suivent pas la cadence ? Peut-être devrons-nous remettre en cause notre façon de concevoir, de déléguer et d’utiliser le pouvoir si nous voulons sauver les meubles. Il est grand temps d’adapter nos institutions. On peut néanmoins se permettre un peu d’optimisme : si la société civile n’a que peu d’influence sur les décisions étatiques, la métamorphose récente de leur demande de consommation oblige le secteur privé à, lui, avancer. Qui aurait cru que le capitalisme serait en partie le moteur du développement durable ? Les consommateurs cherchent en effet de plus en plus à consommer responsable. Cette récente tendance explique l’essor du « bio », du végétarisme ou encore du commerce équitable. Aussi, dans le secteur privé, de plus en plus d’initiatives prennent vie. Des sommes considérables sont investies dans la recherche et développement de solutions propres. La part des énergies renouvelables, par exemple, augmente d’année en année. De plus en plus d’entreprises développent leur composante de responsabilité sociale. Avec le génie des masses et des espaces collaboratifs au niveau individuel comme moteurs, ce progrès semble presque inéluctable. En cela repose le pouvoir civil.


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