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Visite virtuelle et domestique

L’exposition Neverland présente le quotidien épuré d’une Québécoise en Allemagne.

La galerie virtuelle Cédez le passage met en scène les photographies de Krystel Bégin, qui vit à Berlin depuis quelques années. Cependant, l’exposition Neverland est loin d’offrir un portrait classique de la capitale allemande. En observant les clichés de la photographe, on se retrouve plutôt comme des voyeurs accidentels, le nez en plein dans son environnement domestique.

Les scènes d’intérieur qu’a choisies Krystel Bégin sont simples et d’un blanc éclatant. Une touche de couleur vient toutefois rehausser certaines photos, rendant les lieux plus humains. Ainsi, des fleurs d’un rose pâle ou la dorure d’un miroir contrastent de façon surprenante avec un environnement par ailleurs monochrome. Les gros plans utilisés par la photographe isolent les différentes parties de son quotidien, créant l’impression d’une solitude pour la personne derrière l’objectif. Pourtant, grâce à la luminosité toujours présente, parfois aveuglante, cette solitude se traduit par un sentiment de bien-être. Deux portraits sereins confirment que la solitude illustrée par le matériel n’est pas synonyme de malaise. La suite des photographies raconte plutôt les petits détails du quotidien de l’artiste.

Malgré le lien esthétique évident qui existe entre les photos de Krystel Bégin, l’expérience virtuelle n’est pas la même que celle qu’on peut vivre en voyant, en vrai, des œuvres photographiques. Lors d’une exposition dans le monde réel, on peut jouer avec la taille des images. Ainsi, les gros plans de la photographe auraient été plus impressionnants avec des photos plus grandes. De plus, sur Internet, le spectateur est limité à l’observation des photos les unes après les autres ; il est donc impossible d’avoir une vue d’ensemble sur l’exposition. Dans le cas de Neverland, cette possibilité aurait rendu l’exposition plus intéressante, tant le fil conducteur entre les clichés est essentiel à l’œuvre.

Néanmoins, le fait de vivre l’exposition en tête-à-tête avec son écran d’ordinateur a quelque chose d’étrangement familier avec le sujet même de Neverland. La plupart des photos de Krystel Bégin accentuent la place du matériel dans le domestique. L’ordinateur et le monde virtuel auquel il permet d’accéder sont maintenant omniprésents dans la sphère domestique. Toutefois, les photos sont aussi en opposition avec l’objet par lequel on peut y accéder : on ne voit aucun appareil électronique. De ce fait, les clichés semblent parfaitement silencieux, tant ils sont privés du bruit qui remplit maintenant nos quotidiens : ronronnement de l’ordinateur, rugissement du réfrigérateur…

La galerie virtuelle Cédez le passage remplit sa mission : elle rend les projets de jeunes photographes plus accessibles. De plus, l’accès au site Internet est gratuit, ce qui a tout pour encourager un public plus large, et qui a un budget plus serré, à s’intéresser à la photographie. Un autre des bienfaits d’Internet est qu’on peut visionner les expositions de cette galerie de partout à la fois, ce qui règle le problème de manquer une exposition seulement parce qu’elle n’est pas présentée dans notre ville. La galerie Cédez le passage et les artistes qu’elle encourage participent donc à la diffusion de l’art photographique à l’échelle planétaire.

Vocabulaire :

Cliché : picture
Éclatant : dazzling
Toutefois : nevertheless
Rehausser : enhance
Dorure : gilt
Grâce à : thanks to
Aveuglante : blinding
Malaise : uneasiness
Évident : obvious
Taille : size
Aurait rendu : would have made
Néanmoins : nonetheless
Remplir : fill
Serré : tight
Bienfait : benefit
Manquer : miss
Échelle : scale


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