Aller au contenu

Spéléologie de l’âme

Dans Tous les chemins mènent à l’ombre, Dany Tremblay explore les milles facettes de la folie et du désespoir.

Tout au long de ses vingtquatre nouvelles, Dany Tremblay plonge le lecteur dans de multiples univers qui se distinguent tant par leur ton que par leur point de vue narratif ; en effet, on y explore tout à la fois la narration au « je », à la troisième personne et même au « tu » et au « vous » – pari périlleux que l’auteur réussit à tenir. La plupart des nouvelles plongent au coeur du déséquilibre avéré, passé ou en devenir qui saisit les femmes et les quelques hommes du recueil. Parfois, ce sont les spectateurs du désespoir d’un ami ou d’un inconnu qui jouent le rôle de narrateur, mêlant toujours une part d’empathie au récit de l’incompréhensible folie. La part sombre de l’âme, jamais nommée ou étiquetée, est décrite autant du point de vue de ceux qui la vivent que de ceux qui en sont les témoins. Inévitable, le glissement vers l’irréparable se produit. On meurt beaucoup, dans Tous les chemins mènent à l’ombre, on viole aussi. Pourtant, pas de mélodrame : Dany Tremblay réussit à faire sentir l’intensité de la souffrance de ses personnage sans tomber dans l’exagération larmoyante.

Certains pourront trouver à redire sur la disparité des tons et des niveaux de langue qui se succèdent dans les nouvelles. La plupart du temps simple et juste à la fois, la langue semble parfois assise entre deux chaises, notamment lorsque les expressions typiquement québécoises sont écrites en italiques (pit de sable), brisant ostensiblement le rythme du texte. Tout se passe comme si l’auteur avait du mal à trouver sa voix et à l’assumer. Aussi, le choix de séparer le recueil en six parties semble discutable : alors que cinq parties font référence à différents degrés de lumière (« Brunante », « Black-out », …), la sixième partie se nomme « Autres espaces-temps », et rassemble deux nouvelles qui ne sont pourtant pas si différentes des autres. Pour ajouter à l’incompréhension du lecteur, certaines nouvelles reprennent les intrigues et les personnages des autres, et font croire à une manière de roman aux perspectives multiples… mais non. Généralement courtes, les nouvelles décrivent le plus souvent un moment, et savent le rendre avec précision. Le format du livre gagnerait certes à être remanié pour plus de cohérence. En somme, Dany Tremblay offre un recueil intéressant, fruit de nombreuses expérimentations qui, si elles peuvent parfois laisser sceptique, ont presque toutes le mérite de viser juste.

Tous les chemins mènent à l’ombre
Par Dany Tremblay
La Grenouille Bleue
22,95 $


Articles en lien