Archives des Canada - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/actualites/canada/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 28 Oct 2025 17:14:42 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 L’armée canadienne peine à recruter https://www.delitfrancais.com/2025/10/29/larmee-canadienne-peine-a-recruter/ Wed, 29 Oct 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=59046 Un rapport remet à l’ordre du jour un problème persistant.

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Coup de tonnerre au sein des Forces armées canadiennes (FAC) : dans un récent rapport de la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, d’importantes failles dans le processus de recrutement ont été révélées. L’audit, réalisé entre le 1er avril 2022 et le 31 mars 2025, porte des conclusions alarmantes : seuls 15 000 recrutements ont été effectués au lieu des 19 700 projetés. C’est près du quart de moins que ce que les FAC avaient prévu.

« Forts. Fiers. Prêts. » Telle est la devise des Forces armées canadiennes. Forte de ses 94 000 militaires (2024), elle a pour vocation de protéger le Canada et ses intérêts à l’étranger. Participant régulièrement à des exercices conjoints de l’OTAN, les FAC sont reconnues comme un corps militaire moderne et efficace.

Or, selon le rapport, les Forces armées canadiennes risquent de ne plus pouvoir assurer pleinement leur mission. Pour clarifier et analyser cet audit, Le Délit s’est entretenu avec Charlotte Duval-Lantoine, vice-présidente des opérations à Ottawa à l’Institut canadien des affaires mondiales, chercheuse et ancienne étudiante de l’Université McGill.

Un problème bien connu

Duval-Lantoine rappelle d’emblée que les difficultés de recrutement ne sont pas nouvelles. Un précédent rapport en 2016 issu de la même vérificatrice générale avait déjà souligné un sous-effectif et des dysfonctionnements dans le système de recrutement des Forces armées canadiennes.

Contrairement à une idée reçue, il ne s’agit pas d’un problème d’image. « Les Forces armées canadiennes n’ont aucun problème à attirer des candidats », précise Duval-Lantoine. Entre 2022 et 2025, plus de 192 000 personnes ont postulé pour rejoindre l’armée. Pourtant, à peine 14 000 ont effectivement été recrutées. « Ce n’est pas un problème d’attractivité, mais de conversion », résume-t-elle. Les données sont sans équivoque : seuls 6 % des dossiers ont été rejetés pour des enjeux concernant les compétences des candidats. Le véritable obstacle est administratif : le processus, censé durer 100 à 150 jours, en prend en réalité près du double, entre 245 et 271 jours.

Duval-Lantoine explique ces délais : « Le système informatique repose sur huit plateformes administratives distinctes, décuplant le travail des administrateurs. » Selon elle, les Forces armées canadiennes sont victimes de leur propre succès. Elles attirent mais ne parviennent pas à absorber la masse de candidatures.

Des causes culturelles et structurelles

Pour surmonter ces problèmes, la chercheuse prône une réforme structurelle : moderniser les systèmes informatiques, centraliser les processus et impliquer davantage le ministère de la Défense nationale dans les politiques de gestion du personnel.

Sur le plan culturel, elle déplore un « exceptionnalisme militaire » persistant : « Il existe une méfiance à l’égard de l’expertise civile. Les militaires estiment qu’ils gèrent mieux seuls. » Duval-Lantoine décrit une tendance à ne pas suivre les directions civiles et un rejet d’idées nouvelles.

En somme, le principal défi des Forces armées canadiennes est clair : parvenir à surmonter la déconnexion entre leurs besoins opérationnels et leurs capacités administratives. Ce problème transcende le seul recrutement, il se matérialise dans un dysfonctionnement structurel où l’institution se fait parfois sa propre ennemie.

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« Vous êtes les citoyens d’aujourd’hui et de demain » https://www.delitfrancais.com/2025/10/08/vous-etes-les-citoyens-daujourdhui-et-de-demain/ Wed, 08 Oct 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58939 Entrevue avec la sénatrice Marie-Françoise Mégie.

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Après près de dix ans au Sénat du Canada, la sénatrice Marie-Françoise Mégie, première femme d’origine haïtienne à y siéger, a pris sa retraite le 21 septembre 2025. Engagée sur des dossiers tels que l’aide médicale à mourir ou les langues officielles, elle revient sur son parcours et sur les valeurs qui ont guidé son engagement dans une entrevue avec Le Délit.

Le Délit (LD) : Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir sénatrice? Qu’est- ce que vous espériez accomplir?

Marie-Françoise Mégie (MM) : Je ne savais même pas que je pouvais devenir sénatrice – c’est quelque chose qui ne m’avait jamais, jamais effleuré l’esprit. En 2016, je sortais de ma vie médicale, je prenais ma retraite, et je comptais désormais me concentrer sur ma vie communautaire. Mais un ami m’a entendue parler de mon plan pour la retraite, et il m’a dit que les jeunes de la communauté noire avaient besoin de se sentir représentés dans les hauts espaces décisionnels. C’est cet argument qui m’a convaincue d’envoyer mon curriculum vitæ au comité décisionnel du Sénat. J’étais très contente d’être choisie.

« En ayant peur de « la politique », on ne fait que se freiner »

LD : Vous êtes la première sénatrice d’origine haïtienne – qu’est-ce que cela représente pour vous, personnellement et politiquement?

MM : On me demande souvent si je trouve ça lourd, d’être la première sénatrice d’origine haïtienne, si j’ai le sentiment d’avoir une redevance à la population. Mais j’étais déjà très impliquée au sein de la communauté haïtienne avant de devenir sénatrice. J’ai vu mon rôle au Sénat comme un cadeau pour poursuivre mon travail à plus grande échelle. Je sentais que j’avais la responsabilité de continuer d’aider les jeunes, de combattre la discrimination – mais ce n’est pas une responsabilité qui me pèse, pas du tout. Cette année, je prends ma retraite, et il faut que d’autres prennent la relève. Et quand on a défriché un terrain, c’est plus facile pour les plus jeunes de marcher sur nos traces.

LD : Quand vous regardez en arrière et que vous pensez à votre carrière au Sénat, de quoi êtes-vous le plus fière?

MM : J’ai déposé un projet de loi pour la commémoration du jour de la pandémie de COVID-19, qui a été adopté. Chaque année, le 11 mars, on se souvient désormais des personnes décédées dans des conditions effrayantes et des professionnels de la santé qui ont donné des soins aux malades et qui ont diminué la catastrophe. En plus de se souvenir, on se prépare à l’éventualité d’une nouvelle pandémie, pour mieux y réagir si ça devait se reproduire. Une autre initiative dont je suis fière est celle de l’exposition annuelle du Mois de l’histoire des Noirs au Sénat. Avec un groupe de sénateurs noirs, nous avons organisé des expositions sur les artistes noirs, les innovateurs noirs, les athlètes noirs… L’idée étant de mieux faire connaître aux sénateurs, mais aussi aux visiteurs du Sénat, l’histoire des Noirs. C’était la première fois qu’une telle initiative était organisée, et cela a inspiré d’autres sénateurs à organiser des expositions similaires.

LD : Que diriez-vous à un jeune qui hésite à s’engager politiquement, parce qu’il sent que la politique, ce n’est pas pour lui?

MM : Je lui dirais d’abord que, moi aussi, je pensais que la politique n’était pas pour moi. Mais tous les gestes sont politiques, même si on ne s’en rend pas toujours compte. En ayant peur de « la politique », on ne fait que se freiner. Je recommande à tous les jeunes de commencer à s’engager le plus près d’eux, au niveau municipal par exemple, pour comprendre comment fonctionne la machine électorale. On a besoin de la jeunesse, vous êtes les citoyens d’aujourd’hui et de demain. Le même conseil s’applique évidemment aux jeunes issus de communautés marginalisées – vous êtes chez vous, vous êtes nés au Canada Vous avez votre place, prenez-la!

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Le Canada encore en proie aux flammes https://www.delitfrancais.com/2025/09/10/le-canada-encore-en-proie-aux-flammes/ Wed, 10 Sep 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58342 Depuis plus de quatre mois, de terribles incendies ravagent le centre et l’ouest du pays.

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Depuis le début de l’année, une superficie égale à celle du Nouveau-Brunswick s’est embrasée. Seulement deux ans après l’année 2023 où les flammes avaient ravagé près de 18 millions d’hectares, le Canada connaît actuellement son deuxième été le plus destructeur de l’histoire. Près de 7 millions d’hectares ont brûlé pour l’instant d’après Radio-Canada, en attendant le décompte officiel en fin de saison.

Cette année, ce sont bien les feux de forêt précoces au Manitoba et en Saskatchewan qui ont fait la une des journaux. Dès le mois de mai, ces deux provinces ont déclaré un état d’urgence de trente jours pour lutter contre la propagation des feux dans leurs provinces. Mais ces dernières ne sont pas les seules touchées : la Colombie-Britannique et l’Ontario connaissent aussi une saison des feux particulièrement intense, qui a forcé le déplacement de milliers de personnes durant l’été. À ce jour, près de 600 feux sont encore actifs selon Radio-Canada, dont une majorité inquiétante qui n’est toujours pas maîtrisée.

Le Québec, plus grande province canadienne en termes de superficie, a été globalement épargné par les incendies de forêt qui ont ravagé le centre et l’ouest du pays. Selon la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU), 292 incendies de forêt ont été recensés dans la province depuis le 1er mars, soit 131 de moins que la moyenne sur dix ans. La cause? Des conditions météorologiques pluvieuses qui n’ont pas asséché les sols comme dans le passé. Karine Pelletier, conseillère à la prévention et à l’information à la SOPFEU, explique qu’il « a plu au Québec tous les trois jours cet été, ce qui explique pourquoi nous avons été particulièrement épargnés par les feux ». Une sorte d’accalmie, deux ans seulement après que le Québec a connu des incendies d’une ampleur inédite.

La sensibilisation aux incendies auprès de la population joue donc un grand rôle dans leur prévention. Karine Pelletier rappelle que « 80% des feux de forêt sont d’origine humaine, et 20% sont dus à des phénomènes naturels, comme la foudre ». Les jets de mégots, les feux de camp et le brûlage de rebuts contribuent tous au départ de feux de forêt, qu’ils soient d’origine accidentelle ou non.

Pour mieux combattre ces feux dont la fréquence et l’intensité s’amplifient depuis plusieurs années, la SOPFEU a mis en place des campagnes de prévention afin d’informer et de responsabiliser les populations en contact avec les massifs forestiers. Pour combattre le feu, la SOPFEU affirme aussi recevoir plus de financement de la part du gouvernement provincial, qui se traduit surtout par plus de moyens au sol, avec plus de personnel disponible pour combattre les départs d’incendies.

Malgré une légère hausse d’incendies d’origine humaine prévue au mois d’octobre au moment de la période de la chasse, « l’arrivée de journées plus courtes et de nuits plus fraîches va atténuer et éteindre les incendies de forêt », assure la SOPFEU. En attendant l’été prochain…

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Sans surprise, Pierre Poilievre de retour au Parlement https://www.delitfrancais.com/2025/09/01/sans-surprise-pierre-poilievre-de-retour-au-parlement/ Mon, 01 Sep 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58243 Le chef conservateur devra se contenter d’un pouvoir affaibli pour défier les libéraux.

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Presque quatre mois après la défaite du Parti conservateur aux élections fédérales, la droite canadienne peut enfin se réjouir d’une victoire. Pierre Poilievre, chef du parti, retrouve sa place au Parlement après avoir perdu la circonscription ontarienne de Carleton en avril dernier contre le libéral Bruce Fanjoy. Avec l’annonce de sa victoire écrasante le 19 août aux élections partielles dans Battle River-Crowfoot, dans l’est rural de l’Alberta, Poilievre s’apprête à défier Mark Carney et les libéraux, comme il l’avait fait face à Justin Trudeau. Pour autant, Poilievre n’est pas au bout de ses peines. Avec une présence libérale renforcée à Ottawa, il retrouve un parlement dans lequel les rapports de force ont été bouleversés par les élections du printemps dernier.

Retour au premier plan

La défaite électorale historique subie par les conservateurs a brièvement suscité un débat sur l’avenir du parti, et, par conséquent, sur celui de Pierre Poilievre. Certains conservateurs modérés, tels que le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, ou encore son homologue de l’Alberta, Jason Kenney, ont été considérés comme de possibles remplaçants de Poilievre. Aujourd’hui, la situation a évolué. Il semblerait que Poilievre ait retrouvé le soutien inconditionnel de son parti. La décision du parlementaire Damien Kurek de démissionner, qui a déclenché cette élection partielle, est d’ailleurs symbolique d’un parti uni derrière son chef. En effet, la circonscription de Battle River–Crowfoot est une victoire assurée pour les conservateurs, qui n’ont jamais récolté moins de 70% des voix depuis sa création en 2013. Le message est donc clair : Pierre Poilievre est bel et bien l’avenir du parti.

« Le Parti conservateur est maintenant confronté à un choix : se distancer de la rhétorique populiste portée lors de l’élection, ou la renforcer »

Il faudra encore confirmer cette légitimité fin janvier 2026, lors de la convention nationale du Parti conservateur, dont la constitution prévoit des élections obligatoires lorsque le chef du parti perd une élection.

Nouveau plan d’attaque?

Après une stratégie de campagne reposant sur le porte à porte dans une région agricole loin de la capitale, Poilievre retrouve un environnement politique qui lui est bien plus hostile. En plein affrontement avec l’administration Trump, la majorité parlementaire voit en Poilievre et ses partisans un parallèle avec le président américain et ses fidèles. Le Parti conservateur est maintenant confronté à un choix : se distancer de la rhétorique populiste portée lors de l’élection, ou la renforcer.

Selon Colin Scott, professeur de sciences politiques à l’Université Concordia, il y a différentes leçons à retenir vis-à-vis du succès de cette stratégie aux dernières élections : « D’un côté, cette stratégie a permis au parti de récolter plus de votes et de gagner de nombreux sièges, notamment au détriment du NPD (de 120 à 144). De l’autre, elle a été incapable de vaincre la stratégie libérale d’appel au bloc face à Trump. (tdlr) » Il explique cela par une recherche de « professionnalisme politique » des électeurs pour contraster le trumpisme ; un professionnalisme que Poilievre aurait visiblement du mal à incarner. Colin Scott explique alors que le défi du chef conservateur sera maintenant de « repenser la stratégie nationale pour qu’elle cesse d’exclure les plus modérés », gardant en tête les prochaines élections.

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Grève à Air Canada : résolution atteinte? https://www.delitfrancais.com/2025/09/01/greve-a-air-canada-resolution-atteinte/ Mon, 01 Sep 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58246 L’accord d'Air Canada « ne règle pas le fond du problème » selon les agents de bord.

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Si jamais les abeilles venaient à disparaître un jour, il faudrait au moins quelques années pourque le monde cesse de tourner. Dans le cas d’une grève chez Air Canada, il ne faut que quelques jours.

Comme toutes les grèves, celle-ci est naturellement née de la frustration et de l’indignation des employés de la compagnie aérienne – là, il s’agit de plus de 10 000 agents et agentes de bord, dont les revendications sont nombreuses. Il faut savoir qu’ils ne sont pas rémunérés dès leur arrivée à l’aéroport. En effet, ils doivent d’abord passer par la sécurité ; puis effectuer le contrôle de sécurité, accueillir les passagers à bord, placer les valises et les sacs dans les compartiments supérieurs, préparer les repas à l’arrière de l’avion et procéder à la séance d’information concernant une éventuelle évacuation. Mais ce n’est qu’à partir du moment où l’avion se dirige vers la piste (le pushback) que le personnel d’Air Canada commence à être rémunéré.

Détail à ne pas négliger : en 25 ans, les salaires des employés de la compagnie nationale canadienne n’ont augmenté qu’une seule fois, à hauteur de 10%. Une augmentation de 3 dollars par heure donc, ne faisant pas le poids face à une inflation qui bondit de 170%. « Les autorités refusent d’écouter. Elles préfèrent perdre 60 millions de dollars en seulement trois jours plutôt que de nous payer équitablement. Cela montre à quel point elles accordent peu d’importance aux personnes qui font tourner l’ensemble du système », s’exaspère Émilie*, une agente de bord d’Air Canada, que j’ai interrogée.

Grève et conséquences

Le 18 août, après trois jours de grève, le mouvement est déclaré « illégal » par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), qui ordonne au corps des agents de bord de reprendre le travail. Une injonction catégoriquement refusée par les grévistes, qui n’entendent pas se laisser intimider. Beaucoup dénoncent un conflit d’intérêts de la part des autorités : Maryse Tremblay, la patronne de la CCRI, a servi comme conseillère juridique chez Air Canada pendant près de 7 ans.

Cette grève impacte plus de 600 vols, bloquant des centaines de milliers de voyageurs aux quatre coins du monde. « Mon retour au Canada était prévu pour le 18 août, mais il a été annulé. Nous avons alors contacté Air Canada et ils nous ont reprogrammé un vol pour le 22 », témoigne, exaspéré, Alain*, un étudiant de McGill. Mais que pensent les agents de bord d’Air Canada de la frustration des voyageurs? « Sur le plan personnel, je me sens vraiment mal pour les passagers, beaucoup se rendaient à des événements importants. Mais à un moment, il faut savoir se défendre, sinon, on nous demandera simplement d’accepter en silence d’être sous-payés », explique Émilie. Tous ces rendez-vous ratés, ces vacances interrompues, ou, au contraire, prolongées, suscitent effectivement la colère et l’impatience des passagers d’Air Canada – mais pas tous. « J’arrive à comprendre d’une certaine manière les revendications des grévistes, malgré le fait que je sois affecté à un niveau personnel. Les travailleurs devraient être payés correctement et personne ne devrait être privé de ses droits », reconnaît Alain.

Objectifs « définitivement pas » atteints

Malgré la fin de la première grève en 40 ans des agents de bord, le 19 août dernier à la suite d’un accord entre Air Canada et le syndicat, la satisfaction est loin d’être partagée. Bien au contraire, elle est purement unilatérale. « Nous n’avons définitivement pas atteint les objectifs que nous nous étions fixés. Après avoir fait grève, on nous a proposé une augmentation salariale de 8% et une compensation de 38%, accompagnées d’avantages qui, en réalité, n’augmentent pas notre salaire. Ces avantages sont agréables, mais ils ne règlent pas le problème de fond : des salaires qui ne sont pas adaptés à l’augmentation du coût de la vie », s’indigne Émilie.

Pendant ces trois jours de grève, des années de frustration se sont libérées dans les rues et devant les aéroports. Le 19 août, les agents de bord d’Air Canada se sont mis en route vers l’aéroport, mais, cette fois, avec des uniformes repassés, des lacets serrés et des valises prêtes. Jusqu’à, sans doute, la prochaine grève, tant que l’équipage Air Canada ne sera pas satisfait…

*Noms fictifs.

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Aux urnes : élections fédérales 2025 https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/aux-urnes-elections-federales-2025/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58021 Un aperçu des chefs et des plateformes des principaux partis.

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L e 28 avril prochain, les Canadiens se rendront aux urnes pour élire leur 45e gouvernement fédéral. Cette élection fait suite à la dissolution du Parlement, annoncée le 23 mars par la gouverneure générale Mary Simon, à la demande du premier ministre Mark Carney. Depuis quelques semaines, la campagne électorale bat son plein : sur les réseaux sociaux et dans la rue, les partis politiques s’activent pour rallier le plus grand nombre d’électeurs à leur cause. Pour de nombreux étudiants de l’Université McGill, l’élection d’avril est une première occasion de participer au processus démocratique fédéral. Afin de vous accompagner dans votre réflexion et vous permettre de faire un choix éclairé, Le Délit propose un guide des plateformes des cinq principaux partis politiques en lice.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois (BQ)

Yves-François Blanchet est à la tête du Bloc québécois depuis 2019. Avant de faire le saut en politique fédérale, il a longtemps évolué sur la scène provinciale au sein du Parti Québécois, où il a notamment occupé le poste de ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Originaire de Drummondville, il représente la circonscription de Belœil-Chambly. Le Bloc québécois occupe une place particulière dans le paysage politique canadien, étant exclusivement implanté au Québec. Son objectif ultime demeure l’indépendance du Québec, mais il se veut aussi un porte-parole des Québécois à Ottawa, intervenant sur les dossiers qui touchent directement la province. Depuis son arrivée à la tête du parti, Blanchet martèle un message clair : « Si c’est bon pour le Québec, on va être pour, et si ce n’est pas bon, on va être contre. » À l’approche des élections de 2025, il mise sur cette même stratégie en appelant les Québécois à lui donner un mandat fort afin de mieux défendre leurs intérêts face au gouvernement fédéral.

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti Démocratique (NPD)

Jagmeet Singh, avocat de formation, cumule désormais 12 années de présence sur la colline du Parlement en tant que député du Nouveau Parti démocratique (NPD) et sept ans à la tête du parti. Il est le premier chef permanent d’un grand parti fédéral à être issu d’une minorité visible ; Singh est sikh et porte le kirpan. Sur le plan idéologique, le NPD se revendique comme un parti progressiste et social-démocrate. Singh se positionne comme un fervent défenseur des familles de la classe moyenne et des travailleurs. Parmi ses principales priorités figurent l’augmentation des investissements dans les services publics, en particulier la santé et l’éducation, ainsi que la mise en place d’un programme national d’assurance-médicaments et de soins dentaires. Il plaide également en faveur d’une transition écologique, misant sur les énergies renouvelables et la réduction des subventions accordées aux industries polluantes. Alors que les élections approchent, Singh cherche à convaincre les électeurs que son parti représente une alternative viable aux libéraux et aux conservateurs, en promettant un gouvernement qui place les citoyens ordinaires au cœur de ses priorités.

Stu Doré | Le Délit

Mark Carney, chef du Parti Libéral du Canada (PLC)

Mark Carney est le premier ministre sortant du Canada. Avant de succéder à Justin Trudeau le 9 mars 2025, il n’avait pas d’expérience en politique : s’il remporte la circonscription de Nepean, en Ontario, lors des prochaines élections, ce sera sa première victoire électorale officielle. Issu du milieu financier, Carney a bâti une carrière en tant que gouverneur de la Banque du Canada (2008–2013), où il a participé à la gestion de la crise financière mondiale. Il a ensuite dirigé la Banque d’Angleterre (2013–2020), devenant ainsi le premier étranger à occuper ce poste. Son expertise économique l’a également conduit à conseiller Justin Trudeau pendant la pandémie. À la tête du Parti libéral, Carney incarne une rupture avec la politique plus progressiste de Trudeau, adoptant une approche plus centriste, voire pragmatique, en matière d’économie. Dès son premier jour en fonction, il a aboli la taxe carbone et prévoit également d’éliminer la taxe sur les produits et services (TPS) sur l’achat de propriétés de plus d’un million de dollars. S’il est réélu, il compte faire de l’équilibre budgétaire sa priorité. À l’approche des élections, Carney cherche à convaincre les électeurs que son expérience en gestion économique et en gestion de crise fait de lui le premier ministre idéal pour assurer la stabilité du Canada dans un contexte mondial incertain.

Stu Doré | Le Délit

Pierre Poilievre, chef du Parti Conservateur du Canada (PCC)

Pierre Poilievre évolue dans le paysage politique canadien depuis 2004, année où il est élu député à la Chambre des communes pour la circonscription de Carleton, en Ontario. Reconnu pour son style percutant et parfois conflictuel, il s’est rapidement imposé comme une figure influente du Parti conservateur du Canada. En 2022, il accède à la tête du parti, devenant ainsi chef de l’opposition officielle. Sur le plan idéologique, Poilievre se positionne comme un fervent défenseur du conservatisme économique, plaidant pour une réduction des impôts et une approche axée sur la liberté individuelle. Le Parti conservateur, sous sa direction, met de l’avant l’accessibilité au logement, le redressement des finances publiques et la lutte contre la criminalité. Ses slogans, dont « Couper les taxes et impôts », « Bâtir des logements », « Réparer le budget » et « Stopper les crimes [sic] », incarnent sa vision d’un Canada plus prospère et sécuritaire. À travers ses prises de position tranchées, il cherche à séduire une base électorale préoccupée par le coût de la vie, la bureaucratie et la sécurité au Canada.

Stu Doré | Le Délit

Jonathan Pedneault et Elizabeth May, cochefs du Parti Vert du Canada (PVC)

Le Parti vert du Canada est actuellement dirigé par deux cochefs, Elizabeth May et Jonathan Pedneault. Si le parti remportait une majorité à la fin du mois, ce serait Pedneault qui deviendrait premier ministre. Ancien journaliste, il a couvert des conflits dans plusieurs pays d’Afrique avant de rejoindre Amnistie internationale. Il s’est lancé en politique en 2022 et a été élu cochef du Parti vert en 2025 aux côtés de May. La plateforme du Parti vert repose avant tout sur la protection de l’environnement, avec des engagements forts, tels que la responsabilisation des grands pollueurs et la suppression des subventions aux compagnies pétrolières et gazières. Le parti adopte également une position progressiste sur les enjeux sociaux, prônant une meilleure accessibilité aux services de santé et la protection des droits des minorités. À l’approche des élections, Pedneault tente de convaincre les électeurs que le Parti vert est prêt à gouverner en proposant une vision axée sur la justice climatique et sociale.

Stu Doré | Le Délit

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Les Canadiens de moins en moins heureux? https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/les-canadiens-de-moins-en-moins-heureux/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58058 Le Délit décrypte le rapport mondial sur le bonheur 2025.

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Ce jeudi 20 mars, l’édition 2025 du rapport mondial sur le bonheur (World Happiness Report 2025) a été publiée, offrant une analyse de référence sur la satisfaction mondiale. Cette année, le rapport s’est particulièrement concentré sur la perception des notions de bienveillance et de partage. Comme on pouvait s’y attendre, les pays du Nord figurent en tête : la Finlande, le Danemark, l’Islande et la Suède occupent les quatre premières places. Le Canada, en revanche, continue de chuter et se retrouve 18e, alors qu’il était 6e en 2013.

Le Délit s’est entretenu avec Christopher Barrington-Leigh, professeur spécialiste de l’« économie du bien-être » à McGill, qui analyse l’influence des liens sociaux sur le bonheur.

Quelle méthodologie?

Le rapport repose sur l’échelle de Cantril, un outil où les participants évaluent leur bien-être sur une échelle de 0 à 10. Les différences entre pays sont ensuite expliquées à l’aide de six variables : le PIB par habitant, l’espérance de vie en bonne santé, la générosité, l’absence de corruption, la liberté de faire des choix de vie et le fait d’avoir quelqu’un sur qui compter.

Si Barrington-Leigh reconnaît la valeur du rapport, il met en garde contre les conclusions hâtives sur le classement des pays. « Le classement est mis en avant parce qu’il est sensationnaliste et attire beaucoup l’attention chaque année. Les journalistes l’adorent. (tdlr) » Cependant, il est toujours compliqué de tirer des conclusions hâtives quant au rapport, notamment quand il mesure quelque chose d’aussi subjectif que le bonheur. Les intervalles entre pays peuvent également être très faibles, ce qui fait perdre en crédibilité aux résultats. Si deux pays sont éloignés de cinq places au classement, mais que les différences de bonheur entre eux et les pays les séparant sont très faibles, il serait probablement plus sensé de classer les pays en différents groupes plutôt qu’individuellement.

Le bonheur en déclin au Canada

Malgré les limites du classement, le professeur estime que la baisse du Canada reflète une tendance réelle. L’édition précédente du rapport avait mis en lumière une diminution marquée du bien-être des jeunes au cours de la dernière décennie. Le professeur estime que les réseaux sociaux – bien qu’il en reconnaisse les atouts – ont probablement leur rôle à jouer dans le déclin du bonheur chez les jeunes. Le professeur pointe l’impact négatif des réseaux sociaux sur le bien-être des jeunes et plaide pour des régulations sur la publicité ciblée, car « les réseaux ne visent pas à générer du bienêtre, mais du profit. Ils cherchent aussi à créer du conflit et de la polarisation, car c’est le meilleur moyen de créer de l’engagement. Il est nécessaire de protéger les gens face à ça ».

La clé du bonheur : la qualité des liens sociaux

L’impact des relations sociales sur le bonheur est un point central du rapport. Selon Barrington-Leigh, la richesse matérielle réduit le stress quotidien expliquant pourquoi les pays riches sont en moyenne plus heureux. Pourtant, cela n’explique pas tout. Comment expliquer qu’un pays comme le Mexique puisse se hisser devant le Canada au classement?

Barrington-Leigh maintient que la qualité et la diversité des relations sociales que nous entretenons sont les piliers de notre bonheur. Le professeur explique que les niveaux importants de bonheur dans certains pays d’Amérique latine et centrale sont une énigme depuis longtemps. La réponse résiderait dans des choses simples : selon le professeur, la musique et la danse ; selon le rapport, le temps consacré à partager des repas avec ceux qui nous sont chers. Ces sociétés baignent dans une culture riche qui met de l’avant les liens familiaux et communautaires, beaucoup plus que nos sociétés du Nord.

Rester optimiste

Les conclusions du rapport peuvent sembler décourageantes, mais des initiatives positives émergent. En 2022, Ottawa a adopté le Cadre de qualité de vie pour le Canada, intégrant des mesures de satisfaction à l’égard de la vie et du sentiment de sens. Le Canada est l’un des rares pays à placer explicitement le bien-être au centre de ses politiques publiques.

D’un point de vue plus local, Barrington-Leigh rappelle que le Québec est depuis peu la province la plus heureuse du pays. Une qualité des institutions et un système de protection sociale robuste pourraient expliquer cet écart avec le reste du Canada.

Si le bonheur canadien est en déclin, des leviers sont à explorer pour inverser la tendance. Miser sur les liens sociaux, changer le modèle qu’emploient les réseaux sociaux pour provoquer de l’engagement et repenser les priorités sociétales pourraient être des solutions à explorer.

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Le « couronnement » annoncé de Mark Carney https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/le-couronnement-annonce-de-mark-carney/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57641 Le point sur la course à la chefferie du Parti libéral du Canada.

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Il ne reste plus que 11 jours avant le dénouement de la course à la chefferie du Parti libéral du Canada. Le 9 mars, les membres du parti désigneront non seulement leur nouveau chef, mais aussi le futur premier ministre du pays, qui occupera ses fonctions jusqu’aux prochaines élections fédérales. Alors que la campagne touche à sa fin, faisons le point sur les enjeux et les dynamiques de la course.

À l’heure actuelle, les sondages placent l’ex-gouverneur des banques du Canada et de l’Angleterre, Mark Carney, en tête, loin devant l’ancienne vice-première ministre de Justin Trudeau, Chrystia Freeland, l’ancienne leader du gouvernement à la Chambre des communes, Karina Gould, et l’ancien élu montréalais, Frank Baylis. Carney réussirait même à combler l’écart qui sépare les libéraux et les conservateurs dans l’opinion publique, avec un taux de popularité estimé à 39%, qui suit de très près les 40% du chef conservateur Pierre Poilièvre.

Liberal McGill, l’association officielle du Parti libéral du Canada à McGill, a choisi de soutenir la candidature de Mark Carney, qui aurait reçu « un appui massif de la part des membres (tdlr) », selon Quinn Porter, président de l’association. Ce dernier a expliqué au Délit que l’association a eu l’opportunité de rencontrer Carney, Freeland et Gould, « une expérience formidable qui a attiré de nouveaux membres et nous a permis d’aborder différentes idées ». Rowan Watchmaker, membre de Liberal McGill, explique que l’objectif principal de l’association est de « veiller à ce que les étudiants libéraux sachent quand et comment voter, tout en s’assurant qu’ils disposent de suffisamment d’informations sur tous les candidats pour faire un choix éclairé, en accord avec leurs valeurs personnelles ».

« Il faudrait vraiment un drame ou une catastrophe pour qu’il ne devienne pas le leader du Parti libéral du Canada le 9 mars »

Daniel Béland, professeur de science politique

Les candidats à la chefferie du Parti libéral

Afin d’éclaircir les enjeux de la course à la chefferie, le Délit s’est entretenu avec Daniel Béland, professeur de science politique canadienne à l’Université McGill et directeur de l’Institut d’études canadiennes à McGill (IÉCM). Le professeur Béland explique que le public a une image très favorable de Mark Carney, un candidat nouveau en matière de politique qu’on a tendance à voir comme un « grand technocrate, un économiste, un expert ».

Par rapport aux autres candidats, Carney a « plus de soutien populaire, plus de soutien de l’élite de son parti et plus de soutien financier. Il faudrait vraiment un drame ou une catastrophe pour qu’il ne devienne pas le leader du Parti libéral du Canada le 9 mars. »

La situation n’est pas la même pour le reste des candidats. Chrystia Freeland, ancienne vice-première ministre dont la démission en décembre a précipité celle de Justin Trudeau, peinerait d’après Béland à sortir de l’ombre du premier ministre. « Pendant neuf ans, elle a été ministre dans le cabinet de Justin Trudeau. C’est difficile pour elle de créer une distance entre elle et l’héritage Trudeau, parce qu’elle en fait directement partie », explique-t-il.

Quant aux candidats moins populaires, à savoir Karina Gould et Frank Baylis, le professeur rappelle que « les gens se lancent dans des courses électorales pour des raisons différentes. Il y en a qui se lancent dans une course à la chefferie pour gagner », comme Freeland et Carney, et d’autres qui se lancent plutôt pour gagner en visibilité. Gould, à l’âge de 37 ans, est encore considérée très jeune dans le milieu politique. En se présentant pour la course à la chefferie, elle se positionne pour un avenir en politique, elle « fait passer son message et elle se met de l’avant ». Il en va de même pour Baylis, le seul candidat québécois à la chefferie du parti.

Par ailleurs, la candidate Ruby Dhalla a été disqualifiée de la campagne le 21 février, en raison de « violations graves » des règles relatives à la campagne. Elle est notamment accusée d’avoir reçu des dons dépassant la limite individuelle autorisée, une allégation qu’elle nie catégoriquement. Dhalla a appris sa disqualification alors qu’elle était en pleine entrevue télévisée avec CBC.

« Le nouveau chef du Parti libéral devra rapidement s’imposer, car une lutte politique intense pourrait s’amorcer dès son élection »

Carney pas au bout de ses peines

Il est très probable que le candidat élu le 9 mars soit amené à représenter son parti lors d’élections générales anticipées. Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique, a en effet affirmé vouloir déclencher des élections dès le 10 mars si Mark Carney est choisi. Cette éventuelle élection, qui plane au-dessus du gouvernement canadien, s’accompagnerait d’enjeux bien différents de ceux de la course à la chefferie.

Selon le professeur Béland, « on va lancer des grenades à Mark Carney pendant la campagne. Et Carney n’a jamais fait de campagne électorale, pas même comme aspirant député. On ne l’a pas encore vu tellement en action ; et l’action, pour les politiciens, c’est une campagne électorale. C’est ce qui est le plus important ».

Dans ce contexte d’incertitude électorale, le Parti libéral du Canada cherche à ajuster sa position. Béland indique que « le plus important pour les libéraux, c’est de gagner, de rester au pouvoir ou d’obtenir le pouvoir. Je pense qu’il y a de plus en plus de consensus au sein du parti, qu’on se dirige vers un réalignement vers le centre, ou peut-être même dans certains domaines, vers le centre droit. Pour affronter Poilièvre, mais aussi parce qu’il y a la situation fiscale, la situation économique ». Quoi qu’il en soit, le nouveau chef du Parti libéral devra rapidement s’imposer, car une lutte politique intense pourrait s’amorcer dès son élection.

Poilièvre ne sait plus sur quel pied danser

Pierre Poilièvre, chef du Parti conservateur du Canada, se prépare déjà à affronter Mark Carney au cours des prochaines élections. Sur les réseaux sociaux, il enchaîne les attaques personnelles et politiques ponctuées de slogans. Le 20 février, il écrit sur la plateforme X : « Déjà vu. Carney imite la promesse du “petit déficit” de trois ans de Justin Trudeau […] Carbon Tax Carney est Just Like Justin. »

Selon le professeur Béland, le Parti conservateur a véritablement peur de la nouveauté qu’incarne Mark Carney. « Les conservateurs n’ont pas encore réussi à vraiment trouver la faille, le talon d’Achille de Carney. On l’appelle en anglais, “Carbon Tax Carney.” C’est un peu niaiseux. Ils n’ont pas l’air de trouver exactement le bon ton pour l’attaquer », explique-t-il.

Le Parti conservateur doit également s’adapter à un changement d’enjeux dans les prochaines élections présidentielles. Alors qu’il s’attendait à des débats centrés sur le coût de la vie et la taxe carbone, Poilièvre doit désormais composer avec un Canada profondément touché par la guerre tarifaire avec les ÉtatsUnis et une résurgence du sentiment patriotique. Béland affirme que Poilièvre « est en train de pivoter, mais c’est difficile pour lui parce que beaucoup de ses partisans aiment ou aimaient Trump. Poilièvre doit défendre le Canada, mais ne peut pas trop attaquer le président américain non plus ».

À quelques jours du vote, l’issue de la course semble presque scellée, mais l’avenir du Parti libéral et du paysage politique canadien reste incertain.

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Le rideau tombe pour Justin Trudeau https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/le-rideau-tombe-pour-justin-trudeau/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56814 Près d’une décennie à la tête du Canada.

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Ce lundi 6 janvier, Justin Trudeau a annoncé qu’il quitterait ses fonctions de premier ministre du Canada à la suite de près de 10 ans à la tête du pays. Toutefois, il continuera d’assumer son rôle de premier ministre et de chef du Parti libéral jusqu’à ce que son successeur soit désigné, à l’issue d’une course à la chefferie qui se conclura le 9 mars. Entre-temps, Trudeau a réussi à obtenir de la gouverneure générale Mary Simon une prorogation de la session parlementaire jusqu’au 24 mars. Cette décision met un terme à la session parlementaire en cours, suspendant les travaux de la Chambre et du Sénat jusqu’au mois de mars. Selon Trudeau, cette pause permettra au Parti libéral de se réorganiser et de recentrer ses priorités.

« Dès la fin de son premier mandat, on a senti un essoufflement. L’esprit de changement qu’il incarnait s’est vite dissipé »
Éric Bélanger, professeur de science politique à McGill

Dans son discours de démission, il a exprimé son regret de devoir quitter ses fonctions, mais a aussi souligné l’importance d’offrir un « choix clair et réel » aux Canadiens lors des prochaines élections. « Depuis 2015, je me suis battu pour ce pays, pour vous. Pour renforcer la classe moyenne. Pour faire progresser la réconciliation. Pour défendre le libre-échange. Pour notre soutien inébranlable à l’Ukraine. Pour lutter contre les changements climatiques », a‑t-il déclaré.

Liberal McGill, l’association officielle du Parti libéral du Canada à McGill, a salué le premier ministre pour son engagement et les actions menées en faveur de la jeunesse. Quinn Porter, président de l’association, a qualifié l’élection d’un nouveau chef du parti de « formidable opportunité pour les membres de Liberal McGill (tdlr) ». Une réunion ouverte a d’ailleurs été organisée pour permettre aux membres de débattre des enjeux de cette course à la chefferie.

Un bilan mitigé

Justin Trudeau, fils de l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, a fait ses débuts en politique en octobre 2008, en remportant un siège de député dans la circonscription de Papineau, à Montréal. Rapidement, il a gravi les échelons au sein du Parti libéral du Canada (PLC). En 2011, dans un contexte où le parti venait de vivre une défaite historique, Trudeau s’est lancé dans la course à la chefferie. Il a remporté celle-ci en 2013 avec une majorité écrasante. Deux ans plus tard, en 2015, il accédait au poste de 23e premier ministre du Canada, amorçant ainsi un premier mandat marqué par de grandes promesses de changement.

Au début de sa carrière, Justin Trudeau jouit d’une grande popularité, particulièrement auprès des jeunes générations. Les magazines Vogue et Rolling Stone lui consacrent des couvertures, et son style décontracté allié à son ouverture d’esprit séduisent la population canadienne. « Il a su tirer parti des réseaux sociaux dès 2015, un outil que ses adversaires n’avaient pas pleinement intégré dans leurs stratégies », souligne Éric Bélanger, professeur de science politique et spécialiste du Canada à l’Université McGill. Cette maîtrise des nouveaux moyens de communication renforce son image de leader moderne et accessible.

« Alors que le Parti libéral s’apprête à lancer un processus d’élection pour choisir son prochain chef, la tâche s’annonce ardue pour celui ou celle qui héritera de la direction du parti »

Cependant, sa popularité s’est progressivement érodée au fil des années. Selon l’Institut Angus Reid, alors que son taux d’approbation s’élevait à 63% en décembre 2015, celui-ci a chuté à 41% en avril 2021 et à 22%
fin 2024. Bien que son premier mandat ait été marqué par des réussites notables, telles que la légalisation du cannabis ou encore une approche progressiste sur la scène internationale, le désenchantement a commencé à s’installer. « Dès la fin de son premier mandat, on a senti un essoufflement. L’esprit de changement qu’il incarnait s’est vite dissipé », explique Bélanger. Plusieurs promesses électorales clés, comme la réforme du mode de scrutin, sont restées lettre morte, affectant la crédibilité de Trudeau auprès de nombreux Canadiens. Cette promesse a d’ailleurs été relevée dans le discours de démission du premier ministre comme étant son plus grand regret. Réélu en 2019 et en 2021, il a néanmoins dû composer avec des gouvernements minoritaires, une situation qui limitait sa marge de manœuvre. Son bilan, après trois mandats, demeure mitigé. S’il est souvent crédité de réussites marquantes, telles que la renégociation de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ou sa gestion de la pandémie, son héritage divise toujours l’opinion publique.

Un dirigeant usé?

La démission de Justin Trudeau intervient après plusieurs mois de tensions politiques à Ottawa. La situation a pris un tournant décisif le 16 décembre 2024, lorsque la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a annoncé son départ, une décision perçue comme un point de non-retour pour le gouvernement. « J’ai l’impression qu’il se croyait encore capable de renverser la vapeur lors des prochaines élections », note Bélanger. « Il l’avait déjà fait en 2015 : il était troisième dans les sondages au début de la campagne, mais il avait réussi à décrocher un gouvernement majoritaire. » Cependant, la situation politique actuelle est bien différente de celle de 2015. Depuis plusieurs mois, les signes d’une crise profonde sont visibles, notamment au sein d’un Parlement paralysé par les affrontements partisans. Dans son discours de démission, Trudeau a pointé du doigt l’impasse institutionnelle dans laquelle se trouvait son gouvernement. « Le Parlement ne fonctionne plus depuis plusieurs mois. Il y a des motions d’obstruction constantes, et on a pu accomplir très peu pendant les derniers mois. Le Parlement a besoin d’un reset, a besoin de se calmer un peu les pompons […] », a‑t-il déclaré.

Par ailleurs, Trudeau se heurte à un phénomène plus large : l’usure du pouvoir. Après plus de neuf ans à la tête du Canada, une part importante de la population est désireuse de changement. « La population constate que le gouvernement qui a été élu il y a une dizaine d’années a accompli certaines choses, mais pas tout. On veut donner la chance à l’opposition d’essayer de faire mieux », explique Éric Bélanger.

Un avenir politique incertain

Alors que le Parti libéral s’apprête à lancer un processus d’élection pour choisir son prochain chef, la tâche s’annonce ardue pour celui ou celle qui héritera de la direction du parti. Selon Éric Bélanger, le défi est de taille : « Cela ne laisse pas beaucoup de temps à son successeur pour se définir vis-à-vis de la population canadienne et se positionner comme une véritable alternative à Pierre Poilievre. »

Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a su imposer sa présence sur la scène politique ces derniers mois, galvanisant son électorat tout en attirant une partie des Canadiens désenchantés par le gouvernement libéral. Face à une telle opposition, le futur chef libéral devra non seulement restaurer la confiance des électeurs traditionnels du parti, mais aussi séduire les indécis et contrer l’élan des conservateurs.

Alors que le Parti libéral amorce cette transition, une question demeure : son prochain dirigeant parviendra-t-il à rétablir l’élan du parti en cette période charnière ou sera-t-il confronté à une opposition trop forte pour inverser la tendance? Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir politique du Parti libéral.

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Choisir entre prospérité et sécurité https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/choisir-entre-prosperite-et-securite/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56320 Les relations Inde-Canada dégénèrent.

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Le 14 octobre, la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, annonce que des avis d’expulsion du territoire canadien ont été envoyés à six diplomates indiens, incluant le haut-commissaire. Quelques heures plus tard, le gouvernement indien riposte, faisant de même avec le haut-commissaire canadien à New Delhi, et cinq autres diplomates canadiens. Ces développements représentent l’aboutissement de tensions croissantes entre l’Inde et le Canada, et remettent en question la solidité de la relation entre les deux pays du Commonwealth.

Résumé des tensions

Le 18 juin 2023, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) retrouve Hardeep Singh Nijjar, un Canadien Sikh impliqué dans le mouvement indépendantiste du Khalistan, fatalement atteint de balles tirées depuis un véhicule à Surrey, en Colombie-Britannique. Le 18 septembre 2023, Justin Trudeau annonce à la Chambre des communes que les agences de sécurité canadiennes auraient démontré l’implication d’agents du gouvernement indien dans l’assassinat de M. Nijjar. Le refus du gouvernement indien de coopérer dans l’enquête mène à l’expulsion d’un de ses diplomates du territoire canadien. Cette décision du gouvernement canadien reste controversée, considérant l’absence de preuves divulguées au public pour soutenir une telle accusation. Bien que l’Inde continue de nier toute implication dans l’affaire, le Canada retire le deux tiers de ses diplomates et leurs dépendants de l’Inde en octobre 2023.

Le 3 mai 2024, la GRC procède à l’arrestation de trois ressortissants indiens impliqués dans le meurtre de M. Nijjar. Le 11 mai 2024, un quatrième ressortissant est arrêté en lien avec l’affaire. Le 14 octobre 2024, le gouvernement Trudeau publie une déclaration concernant plusieurs enquêtes menées sur le meurtre de M. Nijjar. Selon le bureau du premier ministre, « la GRC dispose de preuves claires et convaincantes que des agents du gouvernement indien se sont livrés, et continuent de se livrer, à des activités qui constituent une menace importante pour la sécurité publique ». Ces activités inclueraient des « techniques de collecte d’informations clandestines, des actes coercitifs visant des Canadiens d’origine sud-asiatique, et la participation à plus d’une douzaine d’actes violents et menaçants, incluant le meurtre ». Ces accusations mènent donc à l’expulsion mutuelle de diplomates du 14 octobre 2024, annoncée par la ministre Joly.

« Le Canada a été confronté à un choix difficile entre la sécurité des Canadiens et sa propre prospérité économique »

Quelques jours avant, selon le Globe and Mail, David Morrison, sous-ministre délégué des Affaires étrangères, ainsi que Nathalie Drouin, conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, se seraient entretenus avec le Washington Post. Lors de cet entretien, les deux fonctionnaires auraient divulgué à la publication américaine des informations sensibles concernant l’implication possible du gouvernement indien dans le meurtre d’un deuxième leader sikh canadien, Sukhdool Singh Gill. Cette information devait être divulguée par Mike Duheme, commissaire de la GRC, lors d’une conférence de presse, et les deux fonctionnaires fédéraux affirment que cette information n’était pas classifiée. Le 14 octobre, Duheme a affirmé que des agents du gouvernement indien avaient joué un rôle dans des actes de violence « répandus » au Canada, incluant des homicides. Cependant, il n’a pas spécifié si l’affaire Gill faisait partie de ces actes de violence, et les circonstances et la nature de l’information divulguée lors de l’entretien entre Morrison, Drouin et le Washington Post, ainsi que le déroulement même du breffage, restent incertains.

Risques pour l’économie

L’effet de ces tensions diplomatiques sur les relations économiques entre les deux pays n’est pas encore clair. L’Inde représente le dixième partenaire commercial du Canada, faisant d’elle un marché prioritaire, selon Affaires mondiales Canada. L’importance des relations économiques est illustrée par l’Accord de partenariat économique global Canada-Inde (ou l’APEG), renégocié pour la dernière fois en 2017. On peut aussi citer à l’appui les partenariats entre les deux pays dans le domaine de l’éducation, avec 41% des étudiants internationaux au Canada étant originaires de l’Inde.

« Dans ce cas-ci, il est clair que le Canada a décidé de mettre au devant son discours sur la souveraineté de l’État et la lutte contre l’ingérence étrangère »

Mais le Canada peut-il se permettre de mettre fin à ses relations économiques avec l’Inde? Le Délit s’est entretenu à ce sujet avec Catherine Viens, professeure associée à l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire de l’UQAM et chercheuse postdoctorale des Fonds de recherche du Québec – Société et culture.

Selon elle, « d’un point de vue économique et géopolitique, le Canada a beaucoup à perdre » en rompant ses liens avec l’Inde. Les allégations émises par Justin Trudeau en septembre 2023 ont notamment interrompu les négociations en cours de l’APEG, et qui auraient permis « d’accroître le commerce bilatéral de 8,8 milliards de dollars par an, augmentant le PIB annuel de 0,25% d’ici 2035 ». Cependant, Viens note que malgré l’importance de l’Inde pour l’économie, le risque posé à la souveraineté canadienne par cette situation est assez conséquent « pour voir dans la position du Canada une tentative de remettre au premier plan son refus de se faire piler sur les pieds ».

Une situation sans précédent

Bien que le Canada ait mis fin à des relations diplomatiques auparavant, cette situation, selon Viens, est sans précédent. Elle explique que l’élément surprenant de cette affaire concerne sa nature publique. En effet, il est très inhabituel que la GRC rende publiques des accusations lorsqu’une enquête est toujours en cours. C’est cependant ce qu’elle a fait avec l’affaire du meurtre de M. Singh Nijjar. Selon Viens, ceci démontrerait le sérieux des allégations faites par la GRC, qui soutient avoir pour but de « défaire le réseau qui s’est mis en place par le gouvernement indien pour orchestrer des activités criminelles en sol canadien ».

Il semble que l’inhabituel de la situation s’étende au-delà de la question de la sécurité. Comme Viens le souligne, « ce qui est aussi surprenant et assez rare pour un pays qui souhaite accroître ses liens économiques comme le Canada, c’est de prendre une décision diplomatique de ce genre, en sachant très bien qu’elle affectera ses liens diplomatiques de manière importante et drastique ».

Un choix difficile

Viens affirme : « Le Canada est surtout tiraillé entre poursuivre des allégations publiques, ou coopérer avec l’Inde, malgré les circonstances. » En d’autres mots, le Canada a été confronté à un choix difficile entre la sécurité des Canadiens et sa propre prospérité économique. D’une part, s’abstenir d’accuser l’Inde d’avoir enfreint à la souveraineté canadienne aurait établi un précédent dangereux quant à la sécurité des Canadiens sur leur territoire. D’une autre, accuser l’Inde et mener des enquêtes publiques sur son implication dans le meurtre de M. Nijjar met à risque d’importants liens diplomatiques et économiques. Viens soutient que « dans ce cas-ci, il est clair que le Canada a décidé de mettre au devant son discours sur la souveraineté de l’État et la lutte contre l’ingérence étrangère ».

Dénouements

La possibilité d’un dénouement des tensions diplomatiques entre les deux pays est intrinsèquement liée au rôle d’autres acteurs internationaux. « L’une des seules manières par laquelle le Canada pourra s’extirper de cette fracture diplomatique, c’est s’ il réussit à avoir le soutien d’autres pays occidentaux, dont les pays des Five Eyes [une alliance des services de renseignements de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni, et des États-Unis, ndlr]. » Toutefois, comme le précise Viens, le soutien de ces pays risque d’être étroitement lié à la menace directe que leur pose l’Inde. Le résultat des enquêtes menées aux États-Unis concernant un assassinat similaire en territoire américain sera donc décisif quant aux relations diplomatiques Inde-Canada.

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Incertitude pour les libéraux https://www.delitfrancais.com/2024/09/18/incertitude-pour-les-liberaux/ Wed, 18 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55846 La fin de l’entente entre les libéraux et le NPD marque un retour à la normale.

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Le 4 septembre dernier, Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), met fin à son entente de soutien sans participation avec le Parti libéral du Canada (PLC). Ceci marque, d’une part, un retour à la normale marqué par l’incertitude caractéristique d’un gouvernement minoritaire, et ouvre, d’autre part, la possibilité d’une élection prématurée. En mars 2022, le NPD accordait au PLC une entente de soutien sans participation. Cette entente représentait un accord de confiance entre le NPD et les libéraux, élus en gouvernement minoritaire. Grâce à ce soutien, le Parti libéral a pu agir comme un parti majoritaire en coalition avec le NPD. Cela signifie qu’au cours des deux dernières années, les libéraux ont pu obtenir aisément les votes de confiance des membres du Parlement, sans avoir à négocier chaque vote avec les partis d’opposition, tel qu’il est courant de le faire pour un gouvernement minoritaire.

« Il existait des tensions [entre le NPD et les libéraux], par exemple, autour de projets sur l’assurance médicament, dont la mise en œuvre tardait »

Daniel Béland, professeur de sciences politiques à McGill

Fin de l’entente : Pourquoi ?

J’ai pu m’entretenir avec Daniel Béland, professeur au Département de sciences politiques de l’Université McGill, afin d’obtenir des réponses à la suite de la fin de l’entente entre le NPD et le PLC. Une première explication concerne des divergences sur des dossiers clés : « Il existait des tensions [entre le NPD et les libéraux, ndlr], par exemple, autour de projets sur l’assurance médicament, dont la mise en œuvre tardait. Je pense qu’un aspect important a été la décision du gouvernement libéral concernant la grève dans le secteur des chemins de fer, alors que les travailleurs en grève ont été forcés à retourner au travail », explique le professeur. Cependant, un autre enjeu plus stratégique a sans doute aussi influencé la rupture de l’entente entre les partis : « Je pense que sur le plan politique, le NPD est trop étroitement associé aux libéraux, et ces derniers sont en baisse dans les sondages depuis plus d’un an », constate Professeur Béland. « Le NPD est associé directement au gouvernement libéral, ce qui nuit à sa popularité. Certains députés du NPD sont insatisfaits de cette entente, et leur association directe à Justin Trudeau et à son gouvernement leur déplaît fortement. »

Cette mise à terme de l’entente de soutien sans participation survient une semaine après l’annonce de Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, dans laquelle il encourageait le NPD à mettre fin à l’entente. Poilievre souhaite maintenant obtenir le soutien du NPD et du Bloc québécois lors d’un éventuel vote de confiance durant lequel il voterait en défaveur des libéraux. Dans l’éventualité où ces derniers n’obtiendraient pas de soutien d’un parti de l’opposition, une élection fédérale prématurée serait envisageable.

« Selon le Professeur Béland, […] les probabilités d’une élection générale prématurée sont maigres. En effet, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, le NPD et le Bloc québécois détiennent un certain pouvoir de négociation »

Élection fédérale : un risque réel ?

Depuis l’annonce de la dissolution de l’entente entre le NPD et les libéraux, une question se pose : une élection prématurée serait-elle possible? Certains affirment que oui, évoquant l’annonce de Poilievre durant laquelle il annonce que « Justin Trudeau ne va pas démissionner. Il faut le congédier ». Cependant, selon le professeur Béland, les probabilités d’une élection générale prématurée sont minces. En effet, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, le NPD et le Bloc québécois détiennent un certain pouvoir de négociation. Ceci dit, si une élection devait se tenir cet automne, les sondages prédisent une victoire majoritaire des conservateurs, retirant aux NPD et au Bloc une grande part de leur influence au Parlement. Le Professeur Béland affirme que : « Pour le Bloc et surtout pour le NPD, il serait préférable de maintenir les libéraux au pouvoir au moins jusqu’au printemps. Effectuer le vote de confiance après le prochain budget, ce serait peut-être une meilleure occasion de faire tomber le gouvernement pour déclencher des élections vers la fin du printemps 2025. Cela dit, si les libéraux réussissent à se négocier des ententes, ils pourraient survivre jusqu’à la fin de leur mandat, soit jusqu’à la fin de l’année 2025. »

Il faudra donc attendre une journée d’opposition [journée durant laquelle les partis d’opposition peuvent choisir la motion à débattre, ndlr] pour découvrir si une élection aura lieu.

Retour à la normale

Selon le Professeur Béland, ce qui est normal dans un contexte de minorité au sein d’un gouvernement, c’est l’incertitude du parti au pouvoir, qui le contraint donc à négocier et faire des concessions avec les autres membres du Parlement, comme dans le cas de l’entente entre les néo-démocrates et les libéraux.

La rupture entre le NPD et le PLC représente donc un retour aux négociations pour tout ce que le gouvernement souhaite entreprendre. Il est à noter que même en tant que gouvernement minoritaire, le Parti libéral reste relativement fort parce qu’il ne requiert le soutien que d’un seul autre parti d’opposition pour mener à bien ses projets. Comme note professeur Béland, les libéraux risquent donc de se tourner vers le Bloc québécois, ce qui pourrait leur garantir une certaine capacité d’action.

« Si on écoute le discours politique d’Yves-François Blanchet [chef du Bloc québécois, ndlr], et de d’autres députés du bloc, il est évident que le parti voit maintenant son influence grandir », affirme le Professeur Béland. « Ça ne veut pas nécessairement dire que le Bloc votera en faveur des libéraux et leur offrira un soutien inconditionnel, mais il est évident que les libéraux ont maintenant les yeux tournés vers le Bloc, et non le NPD. Par contre, c’est un jeu dangereux pour les libéraux étant donné que le Bloc québécois n’est pas actif ailleurs qu’au Québec, et que c’est un parti souverainiste : s’allier avec eux pourrait poser des risques politiques. » La seule certitude pour les libéraux semble donc être l’incertitude de leur avenir politique, au vu de leur retour à un statut minoritaire.

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74 jours d’occupation https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/74-jours-doccupation/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55489 Une chronologie du campement pro-palestinien à McGill.

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Le Délit revient sur les faits concernant le campement pro-palestinien, en vous offrant une chronologie non-exhaustive des événements qui se sont déroulés au cours de ces 74 jours d’occupation. 

27 avril - Début du campement sur la partie inférieure du campus de l’Université, notamment mené par les organismes Solidarity for Palestinian and Human Rights (SPHR), et SPHR Concordia. Les groupes, qui s’identifient comme mouvements d’étudiants issus des universités McGill et Concordia, déclarent le campe ment « zone libérée », en y installant des tentes et des grillages en guise de délimitation. Leurs revendications sont claires : le désinvestissement des fonds des deux universités envers les compagnies « financant le génocide et l’apartheid en Israël (tdlr) » et la fin de toute relation académique entre les universités et Israël. 

27 avril - Le campement fait appel au soutien de la communauté, demandant à ceux et celles qui peuvent se le permettre d’apporter de l’eau, de la nourriture, et du matériel. Les membres du campement incitent également les étudiants à se joindre à eux pour accroître leur présence sur le campus. Ces appels font augmenter le campement d’une vingtaine de tentes, à plus d’une cinquantaine d’entre elles. Dès les premiers jours du campement, la présence policière augmente sur le campus. 

29 avril - Dans un courriel adressé à la communauté mcgilloise, Deep Saini, président et vice-chancelier de l’Université McGill, déplore le comportement des manifestants, citant des commentaires antisémites et affirmant que leur présence sur les terrains privés de l’Université enfreint non seulement a ses politiques, mais également la loi. Saini affirme également avoir essayé d’établir une entente en dialoguant avec les représentants étudiants du mouvement, sans succès. 

1er mai - L’administration de McGill propose aux manifestants de les convier à un forum pour discuter de leurs demandes, à la condition qu’ils abandonnent le campement de manière permanente. 

2 mai - Une manifestation pro-Israël s’organise devant le portail Roddick, pour contester le campement. Les manifestants remplissent la rue Sherbrooke, tandis que des contre-manifestants pro-palestiniens s’organisent de l’autre côté du grillage. Une présence policière importante sur le campus et dans les rues environnantes se fait remarquer dès le début des rassemblements, et les tensions augmentent au cours de la journée. Les manifestants sont séparés non seulement par le grillage et par les policiers, mais aussi par des bénévoles du campement, identifiés par des dossards jaunes. Les manifestations restent pacifiques, et les foules se dispersent en soirée. 

Ysandre Beaulieu | Le Délit

10 mai - McGill annonce son intention de déposer une injonction demandant le droit de démanteler le campement, et d’obtenir, si nécessaire, l’assistance du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour ce faire. L’Université cite plusieurs raisons, dont des inquiétudes vis-à-vis la santé et la sécurité publique, des tensions grandissantes, et le dérangement causé par la présence des manifestants. 

15 mai - La demande d’injonction provisoire se rend jusqu’à la Cour supérieure du Québec, qui décide de rejeter la demande de McGill, citant l’absence d’incident violent depuis le début de sa mise en place. Le juge, Marc St-Pierre, justifie cette décision en expliquant qu’une injonction ne peut être préventive et que les risques à la santé et à la sécurité publique cités par l’Université ne se sont pas matérialisés. 

26 mai - Au cours d’un événement pro-palestinien sur le campus lors duquel s’est mobilisé le SPVM, un portrait d’un politicien israélien « vêtu d’un vêtement à rayures évoquant un uniforme de prisonnier » est suspendu, comme l’explique un courriel du recteur à la communauté mcgilloise. L’incident est rapporté au SPVM, qui n’intervient pas

29 mai - Dans un courriel, Deep Saini dénonce des méthodes qu’il qualifie de « coercitives et discriminatoires ». À l’appui, il mentionne l’incident du 26 mai et associe le vêtement à rayures à l’uniforme revêtu par des millions de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. D’autres incidents sont décrits. Parmi eux, le harcèlement de certains membres du personnel de l’administration et des graffitis « blasphématoires » sur des murs des bureaux de l’Université. 

6 juin - Occupation du bâtiment James McGill. Vers 16h00, un groupe pénètre dans le bâtiment, s’y barricade, et dessine des graffitis sur les murs. Près d’une heure plus tard, c’est l’arrivée d’une présence policière, qui, vers 19h30, disperse la foule qui bloque l’accès à l’entrée du bâtiment. 

10 juin - L’Université McGill émet une nouvelle proposition, qui est refusée par les manifestants. Celle-ci inclut quatre éléments : un examen de la possibilité de désinvestir dans des entreprises de fabrication d’armes ; une divulgation de tous les placements de l’Université (incluant ceux inférieurs à 500 000 dollars) ; une prise en compte accrue des institutions et des intellectuels palestiniens et une offre de soutien, notamment financier, aux universitaires déplacés sous les auspices du réseau Scholars at Risk, ainsi qu’une amnistie pour les personnes qui occupent le campement. 

14 juin - Selon une porte parole du campement, l’Université refuse de répondre à l’appel des manifestants et de poursuivre les négociations. 

17 juin - Dans un courriel destiné aux étudiants de McGill, Deep Saini dénonce le programme d’été révolutionnaire de la SPHR, citant l’imagerie violente utilisée sur ses tracts (un individu portant un fusil automatique). Il demande également à l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) de dénoncer le programme, et de rompre tout lien avec la SPHR qui est inclus dans sa liste de clubs affiliés, le cas échéant étant interprété par l’Université comme support de la SPHR.

2 juillet - Sur leurs réseaux sociaux, le mouvement SPHR dénonce le manque de volonté de l’Université de répondre à leurs demandes, et déplore sa décision de cesser toute négociation.  

5 juillet - Des manifestants commettent des actes de vandalisme, « fracassant des vitres et les tapissant de graffitis où l’on pouvait lire slogans et obscénités », menant à l’arrestation d’un individu. 

9 juillet - SPHR émet un communiqué de presse dénonçant la réaction de McGill face à la mobilisation étudiante, notamment leurs négociations menées « de mauvaise foi » avec les représentants du campement et leurs tentatives de diviser l’intifada.  

Ysandre Beaulieu

10 juillet - Le campement pro-palestinien reste en place jusqu’au 10 juillet, lorsqu’une firme de sécurité privée, engagée par l’Université, initie son démantèlement. Dans un courriel diffusé à l’ensemble de la communauté mcgilloise, le recteur de l’Université, Deep Saini, annonce le démantèlement du campement situé sur la partie inférieure du campus, citant « de nombreux graffitis haineux et menaçants » et « des risques importants en matière d’hygiène, de sécurité et d’incendie ».

À la suite au démantèlement du campement, le campus est partiellement fermé avec une réouverture graduelle au cours de laquelle les points d’entrée sont limités aux individus détenant une permission. À partir du 5 août, le campus est accessible à tout le monde entre 6h et 22h, ainsi qu’aux membres du personnelet aux étudiants détenant une carte d’identité de l’Université en dehors de ces heures.

Malgré le démantèlement du campement, les tensions persistent sur le campus. Il est difficile de prédire les formes qu’elles prendront une fois les cours commencés. Cependant il est clair que des efforts importants de la part de la communauté mcgilloise seront nécessaires pour rétablir la stabilité.

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Plonger dans l’esprit des Jeux Paralympiques https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/plonger-dans-lesprit-des-jeux-paralympiques/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55502 Entretien avec la nageuse paralympique canadienne Sabrina Duchesne.

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Après les Jeux Olympiques de Paris 2024, le spectacle continue ce 28 août avec la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, qui auront lieu jusqu’au 8 septembre prochain. Moins suivis que les Jeux Olympiques, cet événement sera organisé pour la première fois dans la capitale française et s’annonce déjà historique : 4400 athlètes, 22 sports et pas moins de 168 délégations, soit quatre de plus que lors des Jeux de Tokyo 2020. Les sites Paralympiques compteront des monuments parisiens iconiques, tels que le Grand Palais et le Château de Versailles. Par ailleurs, la cérémonie d’ouverture promet un spectacle grandiose, entre la place de la Concorde et les Champs-Elysées.

Le Canada espère se démarquer suite à ses performances admirables aux Jeux Olympiques, lors desquels il s’est emparé de 27 médailles, dont neuf en or, un record.

Le Délit s’est entretenu avec Sabrina Duchesne, nageuse paralympique de l’équipe canadienne ayant participé aux Jeux de Rio 2016 et Tokyo 2020. Lors de ces derniers, Sabrina Duchesne a offert une performance remarquable, obtenant une médaille de bronze lors du relais 4x100 mètres nage libre avec ses coéquipières canadiennes. Individuellement, elle a terminé cinquième au 400 mètres nage libre. En 2023, elle a remporté le bronze aux championnats du monde de para-natation lors du 400 mètres nage libre, une performance inédite dans sa carrière. Duchesne est originaire de la ville de Québec et étudie actuellement la criminologie à l’Université Laval, où elle performe également au sein du club de natation de l’Université.

L’athlète est atteinte de dyparésie spastique, une forme particulière de paralysie cérébrale qui affecte ses membres inférieurs depuis sa naissance : « Je marche avec la jambe gauche orientée vers l’intérieur. C’est vraiment une question de démarche : mon équilibre n’est pas optimal, il arrive que je le perde. Je suis tout de même capable de marcher, de me tenir debout, et de me déplacer sans problème. Dans l’eau, je nage avec le haut de mon corps. Mes jambes, je m’en sers seulement pour garder une certaine stabilité. Je fais des mouvements légers pour les garder à la surface. »

« Quand tu es introduit au monde des Jeux, ou de la para-natation en général, cela représente énormément, tu te rends compte que tu n’es pas seule »

Sabrina Duchesne, Nageuse paralympique canadienne

Que signifient les Jeux Paralympiques ?

Les Jeux Paralympiques comptent beaucoup pour Duchesne sur le plan personnel. Elle raconte que les Jeux ont suscité chez elle des émotions jamais ressenties : « Quand tu es introduit au monde des Jeux, ou de la para-natation en général, cela représente énormément, tu te rends compte que tu n’es pas seule. Ça suscite un petit peu un sentiment d’appartenance à un autre monde. Parce que quand on arrive dans le village paralympique, on n’est pas une minorité, on est une majorité. Tout le monde a un handicap. La minorité, ce sont ceux qui n’en ont pas, les bénévoles par exemple. C’est réconfortant, d’une certaine manière. » Les Jeux l’ont aussi aidée à faire des rencontres marquantes qui perdurent depuis son arrivée au sein de l’équipe canadienne en 2015 : « J’ai créé de fortes amitiés en étant dans l’équipe paralympique canadienne. J’y ai connu mes meilleurs amis. »

Duchesne décrypte également le rôle particulier de l’handicap dans le développement de relations interpersonnelles et dans le milieu sportif : « Entre personnes qui ont un handicap, on se comprend mieux. Il est clair que si je parle à ma famille, ils comprennent le fait que j’ai un handicap. Mais c’est différent d’entretenir une relation avec quelqu’un qui nous connait bien mais qui est également dans la même situation que nous. Les liens créés sont très forts. »

Jade Lê | Le Délit

Les Jeux Paralympiques : un manque de reconnaissance ?

Duchesne estime que les Jeux Paralympiques sont toujours victimes d’une méconnaissance importante de la part de son auditoire : « Je pense qu’il y a beaucoup de monde qui ne savent même pas ce que signifie le mot “paralympique”. C’est évident qu’il y a beaucoup d’éducation à faire à ce propos. Beaucoup de gens ne connaissent même pas le logo des Jeux Paralympiques (les trois petites vagues). » En outre, Duchesne reste sceptique quant aux conséquences des décisions organisationnelles pour les Jeux, notamment concernant les dates de l’événement. Elle considère que le fait que les Paralympiques soient organisés un mois après les Jeux Olympiques contribue à la perte de la ferveur olympique estivale. Les spectateurs sont souvent moins énergiques et résolus lorsqu’il s’agit de soutenir les para-athlètes. Par ailleurs, le fait que le début des Jeux Paralympique coïncide avec la fin des vacances d’été et donc la reprise des cours s’avère un obstacle supplémentaire qui nuit à la visibilité des Jeux : « Il est clair que les Paralympiques n’ont pas la visibilité qu’ils méritent. Pendant l’été, les gens sont tellement dans l’esprit des Jeux Olympiques, ils les regardent, ils passent de très bons moments. Les Paralympiques, c’est en début de session d’école, en début de reprise du travail, ça complique les choses. »

Selon les comités d’organisation, le choix d’organiser les Jeux Paralympiques suite aux Jeux Olympiques semble avant tout avoir été fait dans une volonté de respecter les athlètes paralympiques afin de permettre une plus grande médiatisation de ces Jeux. Paris 2024 déclare également que des raisons logistiques expliquent ce choix, puisque les installations de logement et les infrastructures de sport devraient tout simplement voir leurs capacités doubler. Cité dans un article du site des Jeux de Paris 2024, Andrew Parsons, président du comité international paralympique, explique que « les Jeux Paralympiques sont un moment unique de célébration des athlètes paralympiques. C’est leur moment! Faire un évènement unique banaliserait ou noierait les performances exceptionnelles de ces athlètes qui méritent toute notre attention ». Cependant, selon Duchesne, la couverture médiatique des Jeux est un autre élément important qui explique leur moindre popularité, puisque les médias, notamment les chaînes de télévision, semblent être moins attirés par les Paralympiques que par les Olympiques.

Il est néanmoins important de reconnaître que les choses changent progressivement : Paris 2024 a annoncé un nombre record de diffuseurs pour couvrir les Jeux Paralympiques cette année, et a également proclamé que l’organisation des Jeux serait la première de leur histoire à proposer une couverture en direct de chacun des 22 sports. Ce nombre s’élevait à 15 à Rio et à 19 à Tokyo. En outre, Duchesne évoque la survie du tabou lié aux handicaps, qui expliquerait en partie la réticence persistante à médiatiser les Jeux Paralympiques comme ils le méritent, évoquant des « problèmes de société » qui s’enracinent plus profondément dans les perceptions populaires liées à la différence avec autrui, dans ce cas-ci celle de l’handicap.

Quels objectifs pour Paris ?

Bien que Duchesne révèle avoir un objectif de médaille, elle reste pragmatique et avoue vouloir par-dessus tout profiter de ces Jeux au maximum : « C’est sûr qu’une médaille, en individuel, au 400 mètres nage libre, c’est un gros objectif. Mais je ne veux pas me mettre cette pression. Je veux juste me dire que je vais passer de bons moments. Honnêtement, c’est quand je m’amuse que je performe le mieux. Je ne sais pas si ce seront mes derniers Jeux ou pas. Tout ce que je veux, c’est profiter de l’expérience, y prendre plaisir, et savoir qu’après mon épreuve, je pourrai me dire : “OK j’ai fait tout ce que je pouvais, j’ai performé au maximum.” »

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Baisse drastique des permis d’études https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/baisse-drastique-des-permis-detudes/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54754 Le Ministre de l’immigration annonce une baisse de 35% des visas étudiants

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Ce 22 janvier 2024, l’Honorable Marc Miller, ministre de l’Immigration, a déclaré dans un communiqué de presse un plafond sur deux ans limitant le nombre de visas octroyés aux étudiants étrangers. Le gouvernement a prévu l’approbation d’environ 360 000 permis d’études en 2024, soit une baisse de 35% en comparaison aux 500 000 délivrés l’année précédente. Miller a souligné que ces mesures ne concerneraient pas les étudiants à la maîtrise ou au doctorat, ni les détenteurs actuels de permis d’études.

Le ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) répartira le plafond de demandes de permis entre les provinces et les territoires proportionnellement à leurs populations, qui alloueront à leur tour ce quota à leurs établissements d’enseignement choisis, selon le communiqué de presse du ministre Miller. À compter de l’annonce du gouvernement fédéral, chaque demande de permis d’études présentée à IRCC devra être accompagnée d’une lettre d’attestation de la province ou du territoire concerné.

« L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu’à soutenir une croissance démographique durable au Canada »

Marc Miller

« L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus, ainsi qu’à soutenir une croissance démographique durable au Canada (tdlr) », a énoncé le ministre Miller en conférence de presse le 22 janvier. Le ministre Miller déplore la prolifération d’établissements « bidons », qui abusent du système d’immigration et contribuent à l’accroissement de la population étudiante qui exerce de fortes pressions sur la demande de logement et des services de santé. Ces « institutions monnayeuse de diplômes » prennent avantage des droits de scolarités exorbitants payés par les étudiants internationaux en opérant sur des campus inadaptés.

« Ces mesures ne sont pas dirigées contre les étudiants étrangers, je pense qu’il est très important de le souligner », a voulu clarifier le ministre dans une conférence pour les médias étudiants canadiens le 2 février, organisée par IRCC. « Elles visent à garantir que les futurs étudiants arrivant au Canada recevront la qualité d’éducation pour laquelle ils se sont engagés, qui leur a été promise et pour laquelle ils ont payé. Permettre aux mauvais acteurs de poursuivre leurs activités serait une injustice à tous les établissements qui s’enorgueillissent d’offrir une expérience universitaire de premier ordre ». Les étudiants internationaux sont une source de revenu non négligeable dans les provinces. Ceux-ci paient des droits de scolarité jusqu’à cinq fois plus élevés que les résidents canadiens permanents. En 2018, les étudiants de provenance étrangère contribuaient près de 22,3 milliards de dollars au PIB Canadien, tout en soutenant plus de 218 000 emplois selon des données gouvernementales.

L’explosion récente du nombre de ces étudiants, comptés à 900 000 en 2023 contre un peu moins de 240 000 en 2011, atteste l’engouement des établissements universitaires autour de l’accueil d’étudiants internationaux. Cette augmentation de la population étudiante est souvent pointée du doigt comme contribuant à la crise du logement au Canada. Miller s’est exprimé sur l’incidence: « La diminution du volume [d’étudiants, ndlr] va avoir un impact sur les loyers, principalement, mais ce n’est pas le cas que du jour au lendemain, le prix et l’abordabilité vont être réglés à cause du fait qu’on a réglé ou qu’on a diminué le nombre d’étudiants internationaux qui s’en viennent au Canada. C’est un élément, ça a un impact, mais l’impact et le motif principal aujourd’hui, c’est d’enrayer un système qui a perdu le contrôle » a‑t-il déclaré.

Frédérique Mazerolle, agente des communications avec les médias de McGill, a commenté sur le futur de la place des internationaux au sein de l’université à la suite de l’annonce ministérielle dans un email. « Le nombre d’étudiants étrangers inscrits à McGill est resté stable au cours de la dernière décennie, soit environ 12 000 étudiants, ce qui représente 30% de l’ensemble de la population étudiante de l’Université. », écrit Mazerolle. « Nous ne nous attendons pas à ce que les nouvelles mesures entraînent un changement significatif. » L’Université McGill estime donc que la nouvelle réglementation ne devrait pas bouleverser le fonctionnement de l’université, en contraste avec la récente législation provinciale mandatant la hausse des frais de scolarité pour les étudiants non-québécois, annoncée en octobre dernier.

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Regard critique sur le Mois de l’histoire des Noir·e·s https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/regard-critique-sur-le-mois-de-lhistoire-des-noir%c2%b7e%c2%b7s/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54513 Entretien avec Rosemary Sadlier, ancienne présidente de l’Ontario Black History Society.

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Le 1er février a marqué le début du Mois de l’histoire des Noir·e·s. Afin de souligner l’occasion, l’Université McGill, en coopération avec Le Bureau de l’équité de L’Université McGill, organise une série d’événements mettant de l’avant l’excellence des personnes noires au sein de l’Université. Cependant, sa longue histoire de discrimination et d’exclusion raciale, décrite par Suzanne Morton dans l’un de ses récents travaux, soulève plusieurs questions sur la manière dont l’Université McGill aborde ce mois.

Pour contextualiser la célébration du Mois de l’histoire des Noir·e·s en 2024, Le Délit s’est entretenu avec Rosemary Sadlier, ancienne présidente de l’Ontario Black History Society (OBHS), qui a joué un rôle fondamental dans sa mise en place.

Le Mois de l’histoire des Noir·e·s au Canada

Le mois de février est reconnu en 1995 au niveau fédéral comme le Mois de l’histoire des Noir·e·s, grâce aux efforts de Sadlier et de la députée parlementaire Jean Augustine. Ce mois est plus communément associé aux États-Unis, où il est officialisé 19 ans plus tôt. Ce retard, selon elle, est dû à la tendance canadienne à se considérer moins raciste que son voisin du sud, et même à ignorer sa propre histoire d’esclavage.

Sadlier explique avoir consacré 20 ans de sa carrière à l’instauration du 1er août comme Jour de l’émancipation, combat qui a finalement abouti en 2021 à la Chambre des communes. En effet, comme les discours soulignant l’inclusivité et la tolérance des Canadiens dominent, Sadlier explique qu’ils « rendent le travail de personnes comme moi très compliqué et difficile (tdlr) ». Elle identifie un manque d’éducation sur l’histoire des personnes noir·e·s dans le pays, ce qui « rend difficile la pensée critique chez les étudiants », et accorde donc aux institutions éducatives un rôle fondamental pendant le Mois de l’histoire des Noir·e·s.

Cette éducation commence par l’inventaire du contenu disponible au sujet de l’histoire des personnes noires au Canada. Sadlier explique que les manquements potentiels dans cette histoire posent problème aux étudiant·e·s de tous les niveaux. Bien que cette éducation soit cruciale pour tous·tes, plusieurs étudiant·e·s noir·e·s se voient sous-représenté·e·s dans le curriculum pendant leur scolarité. Mais le problème ne s’arrête pas là. Un·e étudiant·e noir·e qui arrive au niveau universitaire fait encore face à de nombreux obstacles : « Je connais un étudiant noir qui voulait faire son doctorat sur un chapitre de l’Histoire des personnes noires, qui a été rejeté sous prétexte qu’il n’y avait pas assez de contenu. »

McGill dans l’équation

Selon Sadlier, le Mois de l’histoire des Noir·e·s a pour mission de faire ressortir la vérité. Ceci requiert en première partie l’avancement des points de vue des personnes noires dans les milieux universitaires. Elle explique : « Si le rôle de l’université est d’élargir les horizons de ses étudiants, de promouvoir la diversité, d’enseigner la pensée critique, il est important de considérer la contribution des personnes noires. » Dans le contexte universitaire, comme elle le fait remarquer, ceci requiert aussi l’honnêteté de la direction et de l’administration de McGill par rapport à leur propre histoire de discrimination : « La plupart des universités au Canada ont une connexion à l’esclavage des personnes noires et autochtones. » Sadlier conclut que plusieurs d’entre elles ont tendance à filtrer et même omettre certains épisodes peu glorieux de leur passé colonial.

« Si le rôle de l’université est d’élargir les horizons de ses étudiants, de promouvoir la diversité, d’enseigner la pensée critique, il est important de considérer la contribution des personnes noires »

Rosemary Sadlier

McGill ne fait pas exception à la règle. En effet, le dernier projet ayant pour but de rapporter une histoire exhaustive de McGill a été publié en 1980, et omet entièrement le statut de propriétaire d’esclaves de son fondateur James McGill. D’après Sadlier, il est donc important de garder un esprit critique et de se questionner sur ce qui est pris pour acquis. Elle explique : « La vérité doit prendre le dessus sur les non-vérités. Elle fera éventuellement surface, et quand ce sera le cas, il sera difficile de l’aborder. Il est donc important pour les institutions universitaires d’être proactives dans leur approche. »

Cependant, l’Université McGill n’est pas restée entièrement inactive, et a publié un Plan de lutte contre le racisme anti-noir en 2020. Le document souligne les connexions historiques de l’Université avec la traite transatlantique d’esclaves, et établit un plan d’action et des cibles ancrées dans les expériences et les espaces étudiants, la recherche et l’action communautaire. Depuis, des rapports annuels ont été publiés par l’Université, décrivant ses progrès vers les cibles établies dans le plan, le dernier étant sorti en 2023.

Échapper à la responsabilité

Une ambiguïté persiste autour de la commémoration du Mois de l’histoire des Noir·e·s dans les universités en 2024. Sadlier elle-même éprouve une certaine ambivalence envers cet événement. « Est-ce un système parfait? Non, évidemment pas. (…) Moi-même, j’en ai fait la promotion [du Mois de l’histoire des Noir·e·s, ndlr] en faisant des présentations dans 2000 écoles, mais c’était parce qu’il n’y avait rien. Il n’existait aucune base pour l’enseignement de l’histoire des Noir·e·s. » Le manque de ressources disponibles pour la promotion de l’histoire des Noir·e·s faisait des victoires autrement superficielles de bons points de départ.

Bien que la commémoration du Mois de l’histoire des Noir·e·s constitue une avancée de la part de l’Université, Sadlier clarifie que cette stratégie s’avère souvent performative. « Quand une université souligne le Mois de l’histoire des Noir·e·s, elle n’a pas à faire autre chose, à faire des changements substantiels. Ce n’est pas dans son intérêt de le faire. »

Il est donc d’autant plus important de situer le Mois de l’histoire des Noir·e·s dans un plus grand contexte de décolonisation, un mouvement qui favorise l’action concrète aux avancées symboliques. Sadlier affirme que les obstacles auxquels les personnes noires font face sont similaires à ceux des personnes autochtones, surtout au sein du milieu universitaire. « Les Premières Nations étaient “l’Autre”, comme les personnes noires, elles ont été traitées de la même manière ». « L’Autre » correspond à n’importe quelle personne perçue comme n’étant pas blanche. « La doctrine de la découverte a été appliquée sur les terres autochtones, comme sur les terres africaines. Ces deux groupes et leurs luttes sont donc unis », conclut-elle.

La reconnaissance attribuée à McGill pour sa commémoration du Mois de l’histoire des Noir·e·s et même son plan contre le racisme anti-noir est à relativiser, considérant son traitement des groupes autochtones. Le projet d’expansion du campus de McGill illustre cette ambiguïté. En effet, une entente conclue mettait les Mères Mohawk à la tête du projet, mais l’Université aurait ignoré plusieurs recommandations du panel indépendant d’archéologues mandaté par la Cour Supérieure du Québec. Conséquemment, plusieurs sont d’avis que McGill réduit intentionnellement au silence les voix autochtones.

Sadlier fait remarquer que « si une institution opprime un groupe et manque de respect à leur histoire et à leurs voix, cette même institution traitera n’importe quel autre groupe minoritaire de la même manière ». Il est donc important de garder un œil critique sur l’usage du Mois de l’histoire des Noir·e·s comme représentatif d’universités comme McGill, et de situer leurs actions dans un plus grand contexte.

« Si une institution opprime un groupe et manque de respect à leur histoire et à leurs voix, cette même institution traitera n’importe quel autre groupe minoritaire de la même manière »

Rosemary Sadlier

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Un Nazi ovationné à l’Assemblée https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/un-nazi-ovationne-par-la-chambre-des-communes/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52638 Le président de la Chambre des communes du Canada démissionne.

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Le 22 septembre dernier, lors de la visite d’État du président ukrainien Volodymyr Zelensky, la chambre des communes du Canada a ovationné Yaroslav Hunka, alors présenté comme un vétéran ayant combattu pour l’indépendance de l’Ukraine contre la Russie pendant la seconde guerre mondiale. Lors de l’ovation, l’ensemble des députés et Volodymyr Zelensky se sont levés pour applaudir l’homme. Cette décision d’ovationner l’ancien combattant avait été prise par Anthony Rota, président de la Chambre des communes depuis 2019, et député libéral de la circonscription de Nipissing-Timiskaming (Ontario). À la suite de cette ovation, des découvertes sur le passé de Yaroslav Hunka ont troublé la classe politique et choqué la société canadienne.

Un ancien soldat SS?

Rapidement après cette ovation, plusieurs médias et de nombreuses associations, comme le journal Forward, ont dévoilé
la réelle identité de Yaroslav Hunka. En effet, plusieurs preuves montrent que ce dernier a combattu pour la 14e Division Waffen Grenadier de la SS. Créée en 1943 par l’administration militaire nazie, cette division était essentiellement composée de recrues et volontaires ukrainiens de la région de Galicie (ce qui lui vaudra le nom « SS Galicie »), située dans l’ouest de l’Ukraine. Cette unité avait pour but de combler les pertes parmi les troupes nazies, qui s’affaiblissaient dans un conflit enlisé à Stalingrad.

Bien qu’elle ait été formée à la fin de la guerre, la division n’a pas été exemptée de commettre des crimes. Il est à noter que la SS Galicie a tout de même fait partie de la Waffen SS, la branche militaire principalement utilisée par le troisième Reich pour commettre des crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l’humanité durant la seconde guerre mondiale.

L’association Les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les Études de l’Holocaust (ACSW), une association consacrée à la mémoire de la Shoah, a considéré cet événement comme « choquant ». Et à travers un communiqué adressé le 24 septembre, l’association a voulu rappeler que « cette unité [la SS-Galicie, ndlr] a été responsable du meurtre de masse de civils innocents, d’un degré de brutalité et de malice inimaginable (tdlr) ».

Des excuses à la démission

Le 25 septembre, le lendemain de la révélation, le président de la Chambre des communes a présenté ses premières excuses. Malgré cela, l’embarras provoqué ne s’est pas dissipé et les premiers appels à la démission d’Anthony Rota ont commencé.
Le Nouveau Parti Démocrate et le Bloc Québécois ont premièrement réclamé cette démission, avant d’être rejoints par des membres de la même famille politique que le président (Parti Libéral du Canada). Mélanie Joly par exemple, la ministre des affaires étrangères du Canada, a affirmé le 26 septembre : « Ce qui s’est passé vendredi était inacceptable, embarrassant pour la Chambre et pour les Canadiens. Je pense que le président devrait écouter les membres de la chambre, et résigner. » De son côté, l’association ACSW a appelé Rota à résigner « pour la crédibilité des institutions du parlement ».

Finalement, le 26 septembre, quatre jours après l’ovation, Anthony Rota a présenté sa démission du poste de président de la Chambre des communes, en affirmant qu’il assumait « la responsabilité totale » de ses actions. Plusieurs partis ont réagi, comme le NDP, affirmant qu’ils « ne s’en réjouissaient pas » mais que c’était la « bonne décision à prendre ».

« Bien que la polémique semble toucher à sa fin, les conséquences de voir Volodymyr Zelensky applaudir un ex-soldat nazi vont marquer l’image de ce dernier encore quelques temps. »

À la suite de cette démission, Le Délit a interrogé une source anonyme, membre du Parti Libéral du Canada. Selon cette source, « lorsqu’on a un rôle aussi important, on est responsable même de ce dont on n’est pas au courant ». La source a par la suite ajouté que « c’est triste parce que c’est quelqu’un [Anthony Rota, ndlr] qui est sincèrement dédié aux institutions, par contre une erreur très grave a été commise, donc il était de son devoir de quitter ».

Bien que la polémique semble toucher à sa fin, les conséquences de voir Volodymyr Zelensky applaudir un ex-soldat nazi vont marquer l’image de ce dernier encore quelques temps. En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement de Vladimir Poutine a mené une propagande massive caractérisant le président ukrainien de Nazi. Cette erreur de la part de Mr. Rota, faisant paraître la Chambre de communes et M. Zelensky comme gratifiant un Nazi, ne va donc que conforter Poutine dans l’établissement de sa propagande.

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Les tensions entre l’Inde et le Canada https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/les-tensions-entre-linde-et-le-canada/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52626 Le Délit s’est entretenu avec le Professeur Daniel Béland.

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Le 18 septembre dernier, le premier ministre canadien, Justin Trudeau déclarait devant la Chambre des communes du Canada être en possession d’« éléments crédibles selon lesquels il existerait un lien possible entre les agents du gouvernement de l’Inde et le meurtre de Hardeep Singh Nijjar [un leader sikh, ndlr], citoyen canadien (tdlr) ». Cette déclaration, qualifiée d’« absurde » par le gouvernement indien a déclenché une crise diplomatique menant à la suspension de la délivrance de visas par l’Inde aux ressortissants canadiens. Afin de mieux comprendre les origines et les implications de cette escalade diplomatique, Le Délit s’est entretenu avec Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill (IÉCM).

Des tensions en filigranes

Le 18 juin dernier, Hardeep Singh Nijjar a été assassiné en Colombie-Britannique. Militant pour la création d’un état sikh indépendant, le Khalistan, Nijjar était considéré comme un terroriste par le gouvernement indien depuis 2020.

Nijjar était une figure importante de la diaspora sikh canadienne, la plus large au monde, représentant 2% de la population totale du Canada. Pr Béland nous l’a précisé lors d’une entrevue : « Beaucoup de Sikhs sont arrivés dans les années 1980, dont la personne qui a été assassinée, alors que le mouvement nationaliste sikh était très actif au Punjab [un état indien, ndlr]. Mais cette cause est aujourd’hui moins mobilisatrice et moins présente. Au sein de la communauté sikh canadienne, il y a donc des éléments qui sont plus indépendantistes ou plus nationalistes que ce qu’on voit en moyenne aujourd’hui au Punjab. »

Nijjar était actif depuis le Canada dans l’organisation de référendums non officiels pour la création du Khalistan, avec l’organisation Sikh for Justice. L’un d’eux, organisé en juin dernier, avait fait parler de lui. Dans un défilé organisé dans le cadre d’un référendum à Brampton, en Ontario, on pouvait voir un tank allégorique célébrant l’assassinat de la première ministre Indira Gandhi par ses gardes du corps sikhs en 1984. Le ministre indien des affaires étrangères avait alors adressé des critiques au gouvernement Trudeau, déclarant qu’il « existait un problème [au Canada, ndlr][…] concernant l’espace accordé aux séparatistes, aux extrémistes et à ceux qui prônent la violence ».

Interrogé sur les tensions historiques entre le Canada et l’Inde au sujet de la diaspora sikh, Pr Béland nous a confié : « Il y a toujours eu des tensions en filigrane sur ce sujet, mais pas nécessairement à l’avant scène. Le gouvernement canadien est conscient depuis des décennies des préoccupations du gouvernement indien sur la présence de nationalistes sikhs sur son sol. Mais avec Modi [le premier ministre indien, ndlr], l’Inde a adopté une approche plus pugnace, plus revendicatrice sur la question. » Cependant, il a souligné : « Il ne faut pas oublier qu’il y a des rapports forts entre l’Inde et le Canada, commerciaux et interpersonnels. 4% de la population est d’origine indienne, dont la moitié sont sikhs. Beaucoup voyagent en Inde et il y a un grand nombre d’étudiants étrangers indiens qui sont au Canada. Avec le débat sur les ingérences étrangères chinoises, le Canada a investi davantage dans sa relation avec l’Inde. »

« Il y a toujours eu des tensions en filigrane sur ce sujet, mais pas nécessairement à l’avant scène. »

Professeur Béland

L’escalade diplomatique

Si la déclaration de Trudeau devant la Chambre des communes le 18 septembre dernier a été qualifiée d’improvisée par de nombreux médias, le premier ministre était acculé, comme nous l’a confié Pr Béland. « Est-ce qu’il avait vraiment le choix? Non, parce que le Globe and Mail allait sortir la nouvelle. Et donc, comme Trudeau était accusé de ne pas avoir fait assez pour contrer l’influence étrangère chinoise, il a décidé d’être transparent au sujet de la situation indienne. »

Dans la foulée de cette déclaration, le gouvernement indien a rejeté les accusations, puis les deux pays ont entamé des représailles en expulsant chacun un diplomate de leur territoire. Le 20 septembre dernier, le ministère des affaires étrangères indienne avait invité « tous les ressortissants indiens présents sur place et ceux qui envisagent de voyager au Canada à faire preuve de la plus grande prudence ». Les tensions ont atteint leur paroxysme le lendemain, lorsque l’Inde a annoncé suspendre le traitement des visas des ressortissants canadiens, avant de connaître un début de désescalade le 26 septembre dernier. En déplacement à New York à l’occasion de l’assemblée générale des Nations Unies, le chef de la diplomatie indienne a déclaré que « s’il y a un incident qui pose problème et que quelqu’un me donne des informations précises en tant que gouvernement, bien entendu que j’examinerais la question ».

Interrogé sur ce début de désescalade, Pr Béland nous a affirmé : « Je pense que nos alliés, certainement les États-Unis, se sont probablement appliqués à essayer de calmer le jeu et à faire pression sur l’Inde. C’est possible que certaines des informations qu’on a obtenues des services secrets proviennent de la CIA. Les Américains étaient probablement au courant de l’ingérence indienne. Le Canada et l’Inde, je ne dirais pas que c’est David et Goliath, mais ce ne sont certainement pas des puissances du même ordre. Je pense que le Canada a besoin de ses alliés dans ce dossier-là, surtout des États-Unis. Parce que Modi n’écoutera probablement pas Trudeau, mais peut-être Biden. » Trudeau se retrouve désormais isolé sur la scène internationale, et ce depuis le G20 qui s’est clôturé à New Delhi, en Inde, le 10 septembre dernier. Le premier ministre canadien avait dû subir les remontrances publiques de Narendra Modi sur l’approche laxiste du Canada envers les extrémistes sikhs sur son sol. Interrogé sur l’isolement du gouvernement Trudeau, Pr Béland a tenu à préciser : « Ce n’est pas un isolement total. Les États-Unis ont quand même apporté un appui, bien que nuancé. Mais je pense que Trudeau espérait avoir plus de soutien sur la scène internationale. Cependant, il faut faire la différence entre ce qui est dit en public, et ce qui se fait derrière les portes closes. »

Les implications domestiques

L’escalade diplomatique entre les deux pays a aussi eu des conséquences au Canada. Au-delà des implications commerciales, cet événement a ravivé les tensions au sein de la communauté indienne. Pr Béland nous a précisé : « Ça a un coût économique certain : le Canada était en pleine négociation sur une entente de libre échange avec l’Inde, qui est désormais suspendue. Mais il y a aussi un coût pour la diaspora indienne. Il ne faut pas oublier les divisions internes au sein de la communauté indienne au Canada. Ce n’est pas une communauté homogène. La moitié sont sikhs, mais il y a aussi beaucoup d’hindous, qui soutiennent le gouvernement Modi. »

L’Université McGill, contactée par Le Délit et interrogée sur l’impact des tensions diplomatiques sur la communauté mcgilloise, nous a répondu : « Nous comprenons que les tensions diplomatiques actuelles entre le Canada et l’Inde peuvent avoir un impact réel sur la vie quotidienne de nos étudiants indiens et de ceux d’origine indienne, leur causant de l’incertitude et de la détresse. Nos étudiants apportent sur nos campus et dans nos salles de classe une grande diversité de langues, de points de vue et de parcours. L’Université continuera de favoriser une atmosphère d’ouverture où tous sont les bienvenus et encouragés à participer à l’échange enthousiaste d’idées. »

« Ça a un coût économique certain : le Canada était en pleine négociation sur une entente de libre échange avec l’Inde, qui est désormais suspendue. »

Professeur Béland

Si les tensions avec l’Inde ont rapidement été éclipsées par l’ovation d’un ex-nazi à la Chambre des communes et par la démission de son président, le retour à la normale prendra du temps. Pr Béland nous a assuré : « Je suis optimiste, mais de façon prudente. On a changé d’agenda politique, mais les relations avec l’Inde, ça va prendre des mois et des mois, sinon des années à revenir à la normale. »

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Tirez sur les ballons! https://www.delitfrancais.com/2023/02/22/tirez-sur-les-ballons/ Wed, 22 Feb 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51003 Quatre objets volants ont été abattus au-dessus du territoire nord-américain ces dernières semaines.

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Le 4 février dernier, après plusieurs jours d’observation, un ballon chinois survolant le territoire américain a été abattu par les États-Unis au-dessus de la Caroline du Sud. Selon la Maison Blanche, ce dernier aurait été utilisé à des fins d’espionnage. La Chine a nié toutes les accusations et a à son tour accusé les États-Unis. Trois autres objets volants non identifiés ont depuis été détectés et abattus au-dessus du territoire nord-américain. Le Délit s’est entretenu avec Mark R. Brawley, professeur de relations internationales à McGill afin de comprendre la situation.

La crise du ballon chinois

Après plusieurs jours d’observation et de débats au sein de la classe politique américaine, le président américain Joe Biden a donné l’ordre, contre les recommandations du Pentagone, d’abattre le ballon chinois qui avait pénétré le territoire américain le 28 janvier dernier. L’aérostat d’environ 60 mètres de hauteur, porteur d’une nacelle de plus d’une tonne recouverte de panneaux solaires, serait, selon la Maison Blanche, « probablement capable de collecter et géolocaliser des communications (tdlr) » et aurait été envoyé dans le but d’espionner les infrastructures militaires américaines.

« L’aérostat […] aurait été envoyé dans le but d’espionner les infrastructures militaires américaines »

Dans la foulée, Washington a accusé Pékin d’opérer une « flotte » d’aéronefs espions sur les cinq continents et a placé une branche de l’entreprise d’état chinoise China Electronics Technology Group Corporation (CETC) sur la liste noire des restrictions à l’exportation vers les États-Unis. En réponse à l’incident, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a aussi décidé de reprogrammer sa visite en Chine lorsque « les conditions le permettront ».

De son côté, la Chine maintient que ce ballon était un « aéronef civil, utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques » qui avait dévié de sa route. Par la suite, Pékin a à son tour accusé les États-Unis d’avoir violé l’espace aérien chinois « plus de 10 fois » depuis mai 2022, selon le porte-parole du ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Wenbin. Ces allégations ont été contestées par les États-Unis.

Samedi dernier, au cours de la conférence sur la sécurité de Munich réunissant des experts et dirigeants internationaux, Wang Li, chef de la diplomatie chinoise, a dénoncé une réaction « absurde et hystérique » de la part des États-Unis. M. Li a accusé Washington de chercher à « détourner l’attention de (ses, ndlrproblèmes intérieurs ».

Contacté par Le Délit, Mark R. Brawley, professeur de relations internationales à McGill, a accepté de nous éclairer sur la montée des tensions entre les deux pays. Selon lui, « il y a bien une hystérie (vis-à-vis de la Chine, ndlr), mais il y a surtout une pression croissante due aux critiques que les républicains ont fait de l’administration Biden sur ce sujet ». En effet, les tensions sino-américaines des dernières semaines sur les soi-disant ballons espions ont constitué un terrain propice aux critiques républicaines. Après les hésitations de l’administration Biden à abattre le ballon, le sénateur républicain du Mississippi Roger Wicker a dénoncé « une preuve accablante de faiblesse de la part de la Maison Blanche ».

« Si la provenance du premier engin abattu le 4 février ne fait pas de doute, celle des trois autres objets descendus au-dessus des territoires canadien et américain le 10, 11 et 12 février est pour l’heure inconnue »

Les trois autres aéronefs, des « ballons publicitaires »?

Si la provenance du premier engin abattu le 4 février ne fait pas de doute, celle des trois autres objets descendus au-dessus des territoires canadien et américain le 10, 11 et 12 février est pour l’heure inconnue. John F. Kirby, porte-parole pour le conseil de sécurité nationale américain, a reconnu que ces objets volants sont probablement « simplement liés à des entités commerciales ou de recherche et donc inoffensifs », hormis pour des risques de collisions ou de perturbation du trafic aérien. Ces objets, plus petits que le ballon chinois abattu plus tôt dans le mois, ont pu être repérés par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) après un recalibrage des capteurs et des systèmes radar, permettant de localiser des engins plus petits dans des zones normalement réservées au trafic aérien. Ce recalibrage a entraîné une prolifération de nouveaux objets jusqu’alors non détectés sur les écrans radar de la NORAD.

Le Délit a interrogé le professeur Brawley sur la décision des États-Unis d’abattre ces trois objets volants non identifiés. Selon lui, « il semble de plus en plus probable que ce soit des ballons publicitaires ou quelque chose de similaire, et ce n’est pas parce que des ballons publicitaires s’échappent que vous devez dépenser des centaines de milliers de dollars au minimum pour les abattre ». Le professeur Brawley a questionné la réaction des États-Unis : « Ils ont peut-être eu la gâchette un peu facile. » Il avance que « généralement, vous attendez d’évaluer si (l’objet volant non-identifié, ndlrreprésente une menace avant de le détruire ».

« Ils ont peut-être eu la gâchette un peu facile »

Mark R. Brawley

L’impact sur les relations sino-américaines

Alors que la Chine et les États-Unis s’accusent mutuellement de violations de souveraineté territoriale et d’espionnage, cette nouvelle crise entre les deux pays vient jeter un nouveau froid sur des relations déjà au plus bas.

De nombreux différends opposent Washington et Pékin : la situation de Hong Kong, les relations avec Taïwan, les droits de l’homme, une rivalité commerciale et technologique. Le déplacement de la visite officielle d’Antony Blinken après l’incident du ballon chinois aurait été le premier d’un secrétaire d’État américain en Chine depuis 2018 et repousse ainsi une occasion de renouer un dialogue entamé par Xi Jinping et Joe Biden lors du sommet du G20 en novembre dernier. Malgré la montée des tensions entre les deux pays, Washington a réitéré sa volonté de garder « les lignes de communications ouvertes ». De son côté, Pékin juge que l’incident a « gravement affecté et endommagé » les relations sino-américaines.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a rencontré Wang Yi en marge de la conférence de Munich sur la sécurité samedi dernier. Cette rencontre est le premier face-à-face entre les deux pays depuis que les États-Unis ont abattu un ballon chinois survolant le territoire américain le 4 février dernier. 

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McKinsey visé par une enquête du fédéral https://www.delitfrancais.com/2023/01/25/mckinsey-vise-par-une-enquete-du-federal/ Wed, 25 Jan 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50603 McKinsey, «un gouvernement fantôme»?

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Mercredi 18 janvier, une enquête en comité parlementaire a été lancée pour faire lumière sur les 101,4 millions de dollars de contrats octroyés par le gouvernement Trudeau au cabinet de conseil multinational McKinsey depuis 2015. Le Délit s’est entretenu avec Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill (IÉCM), pour mieux comprendre les enjeux de cette enquête.

La consultocratie

La montée des consultants dans le domaine de l’administration publique date des années 1980–1990. Elle coïncide avec ce que l’on a appelé la nouvelle administration publique (New public management) : la modernisation de l’État par l’introduction de stratégies et d’approches empruntées au secteur privé. Visant l’efficacité et la responsabilisation des hauts fonctionnaires, ces nouvelles méthodes ont démocratisé le recours aux consultants privés au sein de l’administration publique. L’expertise et le prestige de ces derniers ont servi à légitimer et appuyer les décisions d’acteurs publics.

Selon le professeur Daniel Béland, l’emploi de plus en plus fréquent de consultants externes dans le secteur public est lié à «l’idée que l’État ne peut pas toujours se fonder sur l’expertise interne des fonctionnaires». «De plus en plus, on a fait appel à des consultants pour aider l’État à gérer des crises ou à réformer certains secteurs», souligne-t-il. Cette pratique soulève selon lui plusieurs questions notamment «au niveau de la sécurité nationale, mais aussi sur le plan fiscal».

L’enquête en comité parlementaire

Face à un gouvernement libéral minoritaire, les trois partis d’opposition, le Nouveau Parti démocratique, le Parti conservateur et le Bloc Québécois, se sont entendus pour forcer une enquête en comité parlementaire sur l’octroi, la gestion, et le fonctionnement des contrats accordés par le gouvernement fédéral au cabinet de conseil McKinsey. En présentant sa motion commissionnant la tenue d’une enquête, adoptée le mercredi 18 janvier dernier, la députée conservatrice Stéphanie Kusie a qualifié McKinsey de «gouvernement fantôme » avant de demander : «Qui dirige véritablement le Canada?» Au cours de l’enquête en comité parlementaire, sept ministres devront répondre aux questions des élus du comité, ainsi qu’un haut directeur de McKinsey Canada et Dominique Barton, ancien directeur de la multinationale et ambassadeur du Canada en Chine de 2019 à 2021. Les membres du comité parlementaire se pencheront sur l’efficacité, la gestion et le fonctionnement des contrats octroyés à McKinsey depuis 2011. Au total, 23 contrats totalisant 101,4 millions de dollars auraient été donnés à la multinationale sous le gouvernement Trudeau depuis 2015. Sur ces 23 contrats attribués, seuls trois l’ont été dans le cadre d’un processus concurrentiel, représentant cependant plus de la moitié de la valeur totale des contrats octroyés à McKinsey.

«Il y a des théories du complot qui entourent McKinsey. Politiquement parlant, le nom McKinsey est source de controverses» 

Daniel Béland

Un cabinet de conseil controversé

Le 4 janvier dernier, Radio-Canada révélait dans une enquête l’influence croissante de McKinsey sur la politique d’immigration canadienne. 24,5 millions de dollars canadiens en contrats ont été octroyés à la firme américaine par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) depuis 2015, sans pour autant préciser la nature de ces conseils. Le pouvoir de suggestion de McKinsey sur l’immigration canadienne ne s’arrête pas à ces contrats. L’enquête de Radio-Canada révèle aussi l’influence probable de la firme américaine sur le plan d’immigration du gouvernement annoncé en novembre dernier. Les objectifs et propos de ce dernier reprenaient en effet de manière quasi-similaire les recommandations d’un comité économique dirigé par Dominique Barton, alors directeur de McKinsey. L’influence de la firme américaine de conseil en politique a aussi fait scandale récemment en France, où un rapport du Sénat publié en mars 2022 concluait à un «phénomène tentaculaire» du recours aux consultants et soulevait la question de la «bonne utilisation des deniers publics» et de la «vision de l’État et de sa souveraineté face aux cabinets privés.» Trois enquêtes ont également été ouvertes en novembre dernier par la justice française sur l’implication de McKinsey dans les campagnes électorales d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022. Interrogé sur ces scandales, le professeur Daniel Béland confie : «Il y a des théories du complot qui entourent McKinsey. Politiquement parlant, le nom McKinsey est source de controverses. […] On met l’accent sur McKinsey à cause de ce qu’il s’est passé à l’international, notamment en France». Cependant, le professeur s’est montré sceptique face aux théories selon lesquelles McKinsey agirait comme un «gouvernement fantôme » selon les mots de la députée conservatrice Stéphanie Kusie. «Est-ce qu’il y a une idéologie derrière ces firmes de conseil? McKinsey me semble être très pragmatique, mais en même temps, ça peut être dangereux aussi. » Selon lui, «les consultants suivent les orientations de base du gouvernement et l’aident à atteindre ses objectifs. Mais si les objectifs du gouvernement sont de tromper la population, McKinsey va sans doute les aider. Ils sont payés pour servir le gouvernement».

«Si c’est seulement une enquête partisane dans un comité parlementaire, on fait une erreur, parce qu’on met l’accent sur un acteur seulement alors qu’il y en a plusieurs»

Daniel Béland

«McKinsey n’est que la pointe de l’iceberg»

Alors que Radio-Canada révélait que McKinsey avait été utilisé trente fois plus sous le gouvernement Trudeau que sous celui de Harper, le professeur Daniel Béland relativise la situation : «McKinsey est utilisé davantage par les libéraux que par les conservateurs de Stephen Harper, c’est certain. […] Mais est-ce que les conservateurs avaient d’autres consultants?»

En effet, McKinsey n’est qu’un cabinet de conseil parmi d’autres opérant au niveau fédéral, avec notamment Deloitte, PricewaterhouseCoopers (PwC) et Accenture. Dans un communiqué de presse publié peu après que les partis d’opposition aient annoncé leur décision de lancer une enquête, McKinsey se défendait, soutenant «être un acteur relativement modeste», ne détenant que 5% des parts du marché.

Selon le Pr Béland, McKinsey ne représente que «la pointe de l’iceberg» : «Je pense que ça (le recours aux consultants, ndlr) pose un risque en matière d’espionnage, de sécurité nationale, donc je pense que ça devrait être mieux encadré en général, pas seulement McKinsey.»

L’enquête actuelle représente selon lui l’occasion de remettre en cause une «pratique qui existe depuis des décennies». «Si c’est seulement une enquête partisane dans un comité parlementaire, on fait une erreur, parce qu’on met l’accent sur un acteur seulement alors qu’il y en a plusieurs», soutient-il. Pour le professeur Béland, le véritable enjeu de cette enquête sera de dépasser les divisions partisanes pour mieux encadrer le recours aux consultants privés en général. 

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Les non-Canadiens interdits d’investir dans l’immobilier pendant deux ans https://www.delitfrancais.com/2023/01/18/les-non-canadiens-interdits-dinvestir-dans-limmobilier-pendant-deux-ans/ Wed, 18 Jan 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50464 Entretien avec le professeur David Wachsmuth.

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La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, sanctionnée par le gouvernement fédéral en juin 2022, est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Les non-Canadiens (autres que citoyens ou résidents permanents canadiens), se voient désormais interdits l’achat de propriétés résidentielles pour une période de deux ans, alors que le Canada connaît une crise du logement. Le Délit s’est entretenu avec le professeur David Wachsmuth, titulaire de la chaire de recherche du Canada en gouvernance urbaine à l’Université McGill afin de mieux comprendre les enjeux de cette loi.

La crise du logement

La crise immobilière que connaît le Canada n’est pas nouvelle : une étude de la Banque Scotia publiée en 2021 pointait du doigt «un déséquilibre sans précédent entre l’offre et la demande de logements» avant la pandémie de la Covid-19. Ce déséquilibre structurel a été accentué lors de la pandémie par des taux d’intérêts et hypothécaires proches de zéro pourcent, accroissant la demande pour les logements. La reprise économique post-pandémie et plus spécifiquement l’accélération de l’immigration risque de mettre de nouvelles pressions sur la demande de logements alors que l’écart entre offre et demande se creuse depuis 2016.

Selon le Pr Wachsmuth, ce décalage entre l’offre et la demande de logements est dû en grande partie à des taux d’intérêt très bas jusqu’à la récente intervention de la banque centrale : «Au cours des dernières années, les taux d’intérêt étaient très proches de zéro. Il était donc avantageux d’emprunter de l’argent. Les prix des logements ont vraiment explosé, car les gens ne se soucient pas du prix réel d’une propriété : ce qui les intéresse, c’est ce qu’ils payent chaque mois. Et lorsque le taux d’intérêt était proche de zéro, vous pouviez vous permettre d’emprunter plus d’argent tout en payant à peu près le même montant chaque mois. (tdlr) » Cet excès dans la demande de logements a entraîné une hausse des prix : au premier trimestre 2022, le prix de l’immobilier au Canada a connu un bond de 25 pourcents par rapport à la même période en 2021.

«La crise immobilière que connaît le Canada n’est pas nouvelle : une étude de la Banque Scotia publiée en 2021 pointait du doigt ‘‘un déséquilibre sans précédent entre l’offre et la demande de logements’’ avant la pandémie de la Covid-19»

Interrogé sur l’urgence de la situation immobilière au Canada, Pr Wachsmuth nous a confié : «Ce n’est pas nouveau pour les personnes qui se trouvent en bas de l’échelle des revenus et qui sont confrontées à des problèmes d’accessibilité du logement depuis des décennies. La nouveauté, c’est que le coût élevé du logement affecte maintenant la classe moyenne. Il y a donc une pression politique croissante pour s’attaquer à ce problème.»

Dans un rapport publié en juin dernier, la Société Canadienne de l’hypothèque et du logement (SCHL) qualifiait la situation de la pénurie de logements de «crise», particulièrement pour l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Après avoir refusé pendant plusieurs mois d’employer ce terme, le gouvernement québécois s’est ainsi vu contraint par les projections de la SCHL de reconnaître « une situation de crise du logement », selon les mots de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.

La réponse du fédéral

Pressé de répondre à la crise immobilière, le gouvernement fédéral s’est attaqué au problème de l’offre au cours de ces dernières années. Dans son budget 2021, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement de 2,5 milliards de dollars et la réaffectation de 1,3 milliard de dollars de fonds existants pour «accélérer la construction, la réparation ou le soutien de 35 000 unités d’habitations abordables». La réponse du fédéral s’inscrit dans l’initiative plus large de la Stratégie nationale sur le logement promulguée en 2020, proposant un plan de 72 milliards de dollars sur 10 ans pour construire 160 000 nouveaux logements.

La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens s’attaque, elle, au problème de la demande. À compter du 1er janvier dernier, les non-Canadiens se sont vus dans l’interdiction d’acheter une propriété au Canada pour deux ans, sanctionné d’une amende de 10 000 dollars pour les contrevenants. Les travailleurs étrangers et les étudiants internationaux qui suivent une démarche d’obtention de résidence permanente ne sont pas concernés par cette interdiction. Selon le Pr Wachsmuth, cette mesure vise principalement les investissements chinois : «La motivation était l’investissement chinois dans le logement canadien. C’est une question politique importante, particulièrement en Colombie-Britannique depuis une dizaine d’années.» En 2015, un tiers des logements vendus à Vancouver ont été achetés par des investisseurs chinois.

Selon le Pr Wachsmuth, l’immobilier canadien représente pour eux «un endroit stable où placer leur argent, hors de contrôle du gouvernement chinois». Seulement ces investissements massifs ne sont pas sans conséquence pour l’offre et l’accessibilité aux logements, ce qui avait poussé la Colombie-Britannique à prendre une série de mesures en 2018 visant à limiter les investissements étrangers et la spéculation immobilière. L’interdiction aux non-Canadiens d’acheter un logement pour deux ans s’inscrit dans la continuité des mesures mises en place par la Colombie-Britannique.

Le Pr Wachsmuth a cependant émis des réserves quant à l’impact réel de cette loi : «Les chiffres ne sont pas très précis et il n’y a pas de collecte systématique de ces informations au Canada, mais nous parlons probablement de moins de 1% des ventes de maisons neuves. Je pense qu’il est raisonnable d’être assez sceptique quant à l’impact de ces règles, simplement parce que les principaux facteurs qui influencent les prix des logements sont le nombre de logements disponibles et le nombre de logements construits, ainsi que les conditions économiques générales, en particulier les taux d’intérêt.»

« Nous parlons probablement de moins de 1 % des ventes de maisons neuves. Je pense qu’il est raisonnable d’être assez sceptique quant à l’impact de ces règles »

Pr Wachsmuth

Une mesure symbolique?

Il s’agit pour le Pr Wachsmuth d’une mesure plus symbolique que concrète pour lutter contre la crise du logement, dont il sera compliqué de dégager l’effet. «Il sera très difficile de détecter l’impact d’une telle mesure. Dans la situation économique globale, les taux d’intérêt ont été rehaussés, réduisant la demande pour les logements. Cette baisse va se produire, que cette loi soit entrée en vigueur ou non».

Pr Wachsmuth nous a indiqué que la réponse du gouvernement fédéral à la crise du logement sera déterminée par la réussite ou l’échec de la Stratégie nationale sur le logement : «Les mesures moins symboliques sont celles qui ont été annoncées au cours des deux dernières années et qui visent davantage à soutenir la construction de nouveaux logements, ce dont nous avons besoin. Le problème qui persiste, c’est que l’offre ne suit pas le rythme de la demande de logements, et il est difficile d’y répondre du côté de la demande.»

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