Adèle Doat - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/a-doat/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 02 Apr 2025 16:13:24 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Arrêt des règles : faut-il s’inquiéter? https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/arret-des-regles-faut-il-sinquieter/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58083 Comprendre l’impact de l’alimentation sur l’équilibre hormonal.

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L’été précédant mon entrée au lycée, j’ai décidé de faire un régime, afin de faciliter mon intégration dans un nouveau cercle social et de me sentir bien dans mon corps. Pendant les deux années qui ont suivi, mes règles se sont arrêtées. En les perdant, j’ai également renoncé à une partie de ma féminité. Si j’étais alors d’avis que le sacrifice en valait la peine, je comprends aujourd’hui l’impact qu’un dérèglement du cycle menstruel peut avoir sur la santé. Il est temps de lever les tabous concernant la santé féminine et de clarifier le lien entre l’alimentation et le bon fonctionnement de nos hormones, car perdre ses règles n’est pas normal. Le désir de se conformer aux normes sociétales de beauté et d’apparence physique ne devrait jamais se faire au détriment de notre santé physique et mentale.

Les troubles alimentaires

Un sentiment de satisfaction m’a d’abord envahie lorsque j’ai commencé à perdre du poids. Jour après jour, alors que je me regardais dans le miroir, me pesais sur une balance, j’observais les effets rapides d’un régime alimentaire drastique sur mon corps. La sensation d’avoir un tel contrôle sur mon apparence physique me galvanisait. C’était donc si facile de sculpter mon corps comme de la pâte à modeler pour lui donner la forme que je voulais! Je me voyais déjà ressembler aux filles aux corps parfaits qui s’affichent sur les réseaux sociaux, mais à quel prix? Tous les soirs, alors que je me couchais, mon ventre poussait des cris de détresse. Je me suis vite habituée à ne plus voir arriver mes règles. Après tout, c’était moins incommodant au quotidien. Je me rends compte seulement aujourd’hui que j’ai été victime d’anorexie nerveuse. Cette maladie mentale fait partie de la famille des troubles alimentaires, qui contribuent à la diminution de la consommation alimentaire et peuvent perturber l’équilibre hormonal. Sandrine Geoffrion, diplômée d’une maîtrise à l’Université de Montréal en nutrition et membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec (ODNQ), m’a expliqué l’impact de ces troubles sur le cycle menstruel.

Selon elle, différents facteurs peuvent influencer nos menstruations : le stress, l’alcoolisme, le tabagisme, et l’alimentation. Elle explique que notre cycle menstruel est contrôlé par les fluctuations d’hormones progestérone et œstrogène. Ces dernières jouent aussi un rôle dans la régulation de l’appétit et de l’énergie. Afin d’assurer la synthèse et le bon fonctionnement des hormones menstruelles, plusieurs nutriments sont nécessaires. Ainsi, si l’on mange trop peu ou pas proportionnellement à notre activité sportive, « le corps se met comme dans un état de survie, et peut couper dans les fonctions les moins nécessaires » au détriment de la fonction reproductive. « C’est plus difficile de porter un enfant à terme quand on n’est pas capable d’avoir assez de nutriments pour couvrir ses propres besoins », observe-t-elle.

Le manque de calories peut ainsi conduire à l’absence des règles, que l’on appelle l’aménorrhée. Le DSM‑5 – le manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux – identifie trois catégories de troubles alimentaires : l’anorexie nerveuse, la boulimie, et l’hyperphagie boulimique. La nutritionniste explique que l’anorexie est caractérisée par « une peur intense de prendre du poids » et s’accompagne souvent d’une distorsion de l’image corporelle ou dysmorphie corporelle : « On ne va pas nécessairement voir son corps tel qu’il est. Malgré une maigreur extrême, quelqu’un peut se percevoir comme gros ou grosse. » Une personne atteinte d’anorexie nerveuse adopte une restriction alimentaire stricte, ce qui conduit à une réduction importante du nombre de calories consommées. La boulimie provoque des conséquences similaires, bien qu’elle prenne une tout autre forme. « Les personnes [atteintes de boulimie, ndlr] mangent de grosses quantités d’aliments dans de très courtes périodes, qui sont suivies par des comportements compensatoires tels que des régimes drastiques, jeûnes, vomissements et prise de médicaments provoquant la diarrhée », explique la nutritionniste. Enfin, l’hyperphagie boulimique se traduit par des compulsions alimentaires, mais sans les comportements compensatoires. La diététicienne précise qu’en plus d’avoir d’importantes conséquences sur la santé physique, ces trois troubles provoquent également des « émotions négatives, un sentiment de perte de contrôle, de la culpabilité et de la honte, ou encore un dégoût de soi-même ». Leurs conséquences sur la santé mentale sont ainsi tout aussi graves, pouvant même conduire à la mort.

Bien que n’importe qui soit susceptible de développer des troubles alimentaires, peu importe le genre, les femmes sont les plus concernées. Toutefois, la dysmorphie musculaire (ou bigorexie), une autre forme de trouble alimentaire, affecte plus particulièrement les hommes, qui les pousse à s’entraîner intensément pour être plus musclés, à instaurer des règles fixes par rapport à leur alimentation et parfois à prendre des suppléments. L’orthorexie, à savoir l’obsession de manger sainement, touche aussi bien les hommes que les femmes.

« C’est plus difficile de porter un enfant à terme quand on n’est pas capable d’avoir assez de nutriments pour couvrir ses propres besoins »

Sandrine Geoffrion, nutritionniste

La quête de la perfection

Selon la nutritionniste, les troubles alimentaires peuvent être accompagnés d’exercice physique excessif, qui favorise les carences alimentaires et la déficience en énergie ; facteurs propices à l’aménorrhée. Evonne, étudiante à McGill et coureuse assidue, témoigne du combat douloureux qu’elle a dû mener pour retrouver ses règles. « J’ai perdu mes règles, ou plutôt je ne les ai jamais eues jusqu’à ma première année d’université (tdlr) », raconte-t-elle. Alors qu’elle était encore au lycée, elle pensait que c’était normal, ayant entendu parler de personnes qui ne les ont eues que plus tard. Elle ne s’est donc pas inquiétée jusqu’au jour où son entourage a fini par remarquer son état de santé se détériorer. Ce n’est qu’à ce moment qu’elle a décidé de consulter un médecin. Les résultats de ses premières prises de sang étaient alarmants : « J’avais des niveaux d’œstrogènes comparables à ceux d’un garçon prépubère d’environ 13 ans, et mes taux d’hormones de croissance étaient catastrophiques.» Le peu d’énergie qui lui restait de ses entraînements de course à pied n’était pas suffisant pour lui permettre d’interagir socialement, affectant ainsi ses relations amicales.

Selon elle, ce n’est pas une coïncidence que son cycle menstruel se soit modifié lorsqu’elle a augmenté son kilométrage en course à pied. Elle est passée à un rythme de 70 à 80 kilomètres par semaine sans prendre de jours de repos. Ignorant les signes de détérioration de sa santé, elle a fait comme si de rien n’était, car, au fond d’elle, la perte des règles était synonyme d’accomplissement. « Parce que, dans le domaine de la course de fond, il existe une stigmatisation qui laisse entendre que si tu t’entraînes suffisamment dur, tu devrais perdre tes règles. Si ton pourcentage de masse grasse est bas au point que ton corps ne puisse plus avoir de règles, c’est une preuve de réussite », confesse-t-elle.

Et cela s’est révélé payant sur le court terme dans sa quête de performance, car elle a pu gagner des titres provinciaux et a été sur le point de rejoindre l’équipe nationale pour sa catégorie d’âge, ce qui a contribué à son bonheur.

Aujourd’hui, après avoir été éduquée sur les conséquences de l’aménorrhée, elle réalise à quel point elle a mis en danger sa santé. Elle analyse son comportement ainsi : « C’était un sentiment de fierté, j’avais l’impression de correspondre aux normes imposées. Mais en réalité, cela m’a seulement conduite à des problèmes de santé dont je ne suis pas fière. Cela a vraiment affecté mon bien-être et mes relations avec les autres. » Cette fierté de coureuse était une pièce fondatrice de sa personnalité et elle était prête à sacrifier sa santé pour la conserver. Un déclic s’est opéré lorsqu’elle est allée voir un spécialiste qui l’a mise en garde sur les conséquences que pouvait entraîner l’aménorrhée sur sa fertilité, pouvant l’empêcher de fonder une famille un jour : « Quand cette réalité m’a frappée, cela a été très difficile, et c’est là que j’ai eu peur. »

Si Evonne a sacrifié son équilibre hormonal dans sa quête de performance sportive, c’est bien la recherche de la perfection physique qui m’a conduite à négliger le mien. Moi non plus, je ne suis pas fière quand je regarde les photographies du temps de mon aménorrhée, me trouvant pâle, maladive, et laide. En voulant me rapprocher des standards de beauté, j’ai perdu ce que j’avais de plus précieux : ma féminité.

« J’avais des niveaux d’œstrogènes comparables à ceux d’un garçon prépubère d’environ 13 ans, et mes taux d’hormones de croissance étaient catastrophiques »

Evonne, étudiante à McGill

Comment s’en sortir?

Maintenant, je me sens soulagée à chaque fois que j’ai mes règles, car cela signifie que je suis en bonne santé. Néanmoins, il m’arrive encore d’être hantée par mes anciens troubles alimentaires et d’être rattrapée par l’interruption de mes menstruations. Evonne admet aussi qu’aujourd’hui encore, son cycle menstruel traverse des fluctuations et qu’il est difficile de le stabiliser.

Toutefois, elle sait désormais comment réagir : « Si jamais il y a une période prolongée, de plus de deux ou trois mois, où je n’ai pas mes règles, je sais qu’il faut consulter un médecin. » Après avoir été suivie par une nutritionniste, elle a appris à adapter son régime alimentaire à son volume d’entraînement.

Sandrine Geoffrion rappelle : « La règle d’or, c’est qu’il faut avoir des apports énergétiques suffisants en général. Ce n’est peut-être pas facile dans notre société où règne la culture des diètes, mais on évite au maximum les régimes excessifs. » Avoir une alimentation équilibrée et variée permet de diminuer les risques de carence, sans développer de préoccupations excessives en lien avec l’alimentation. D’ailleurs, « il y a beaucoup de micronutriments qui sont importants pour nos hormones, comme le zinc, le calcium, le magnésium, ou le fer, dont on peut facilement combler le besoin en mangeant de façon diversifiée. Il ne faut donc pas sous-estimer l’importance de s’alimenter ». Elle ajoute que les besoins énergétiques sont différents pour chaque phase du cycle menstruel : « Les phases d’ovulation et lutéales, pendant lesquelles le corps se prépare aux prochains saignements, peuvent être caractérisées par des rages alimentaires. Notre corps est bien fait et nous envoie le message qu’il faut manger davantage au courant de la journée. » On peut adopter des collations qui intègrent des aliments faits de grains entiers et des fruits pour éviter d’avoir excessivement faim le soir. De plus, pendant la phase des saignements, il peut être important de consommer davantage d’aliments riches en fer, que l’on trouve dans la viande rouge ou les lentilles, par exemple, avec de la vitamine C, trouvée dans les fruits et légumes, qui permet de mieux l’absorber.

L’arrêt des menstruations a des conséquences profondes et graves sur la santé physique et mentale des femmes qui en souffrent et on ne peut plus les banaliser. Il est important de recourir à l’aide médicale lorsque l’on est concerné par l’aménorrhée ou par un trouble alimentaire. La nutritionniste recommande la ligne d’écoute et d’aide gratuite Aneb, qui offre un soutien aux personnes qui souffrent d’un trouble alimentaire.

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Manie ou TOC? https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/manie-ou-toc/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57941 Comprendre les troubles obsessionnels compulsifs pour moins les subir.

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La vie d’un étudiant est loin d’être de tout repos. Les sources d’anxiété sont aussi nombreuses que les tâches à accomplir et chacun adopte ses propres stratégies pour y faire face. Si certains préfèrent la méditation et le yoga, d’autres se rassurent grâce à leur routine et à certaines manies. Néanmoins, il arrive que nos habitudes deviennent envahissantes, au point d’être chronophages et d’alourdir notre charge mentale plutôt que la soulager. Vérifier une dizaine de fois que son réveil est bien programmé, s’assurer une fois, puis trois fois, que le four est bien éteint… À partir de quel moment peut-on parler de troubles obsessionnels compulsifs (TOC)?

Catherine Courtois-Ouellet, psychologue spécialisée en TOC à l’Institut Allan Memorial du Centre Universitaire de Santé de McGill (CUSM) démystifie ce problème de santé mentale et explique en quoi il se différencie d’une simple manie.

Obsessions et compulsions

Selon la psychologue, les TOCs se manifestent par la présence d’obsessions ou de compulsions, même si en général les deux vont de pair. Les obsessions sont « des pensées intrusives qui surviennent à notre esprit alors qu’on ne souhaite pas les avoir » et se traduisent souvent en doutes. Elle donne un exemple : « Est-ce que j’ai touché quelque chose qui était contaminé? ». Ces obsessions peuvent aussi se présenter sous la forme « d’images récurrentes et intrusives » qui s’imposent à l’esprit.

Les compulsions sont « des comportements répétitifs qui visent à évincer les obsessions et réduire la détresse qu’elles provoquent ». Elles agissent ainsi comme mécanisme de protection : « Par exemple, on peut se laver les mains à répétition pour s’assurer de ne pas être contaminé ou de ne pas contaminer les autres. » Ces compulsions ne sont pas toujours visibles. Elles peuvent également se faire mentalement, comme lorsqu’une personne « répète une série de chiffres pour empêcher qu’un malheur ne survienne aux gens qu’elle aime » ou lorsque l’« on se remémore le déroulement des évènements de la journée pour s’assurer que tout est sans risque ». Contrairement aux manies, à savoir des habitudes anodines, les TOCs peuvent avoir des répercussions graves sur ceux qui en souffrent. Si beaucoup trouvent du réconfort dans des rituels sans grande incidence sur leur quotidien, sommes-nous tous susceptibles de développer des TOCs aux conséquences plus néfastes?

Un problème de croyance

La psychologue explique que les symptômes du TOC se présentent sur un spectre et présentent différents degrés de sévérité. La pensée superstitieuse peut ainsi être une tendance moins sévère de TOC. Plus le TOC prend de la place dans notre vie, plus il est sérieux. « Pour être capable de poser un diagnostic de troubles obsessionnels compulsifs, il faut que les obsessions, les compulsions, prennent au moins une heure dans la journée de la personne, créent une interférence importante dans son fonctionnement ou entraînent une détresse significative », précise la psychologue.

D’après elle, un mélange de facteurs mène à l’apparition d’un TOC, même si les causes ne sont pas encore bien connues. D’un côté, il y a un aspect génétique et neurobiologique inhérent à la personne, de l’autre, des facteurs extrinsèques peuvent exacerber une fragilité préexistante à la suite d’événements de vie angoissants : la perte d’un être cher, la transition de l’adolescence à l’âge adulte… Cela explique pourquoi l’âge typique d’apparition d’un TOC est 19 ans, au début de l’âge adulte. Étant fortement influencé par le contexte, le TOC ne relève pas d’un trouble de la personnalité, mais est plutôt associé à un problème de croyance : « la personne avec le TOC fait trop confiance à son imaginaire, à défaut de faire confiance à son bon sens et à la réalité. »

Reprendre le contrôle

Vivre avec des TOCs sévères peut devenir très contraignant au quotidien. « Peut-être que le TOC va pousser la personne à ne plus vouloir quitter son domicile, ou à s’isoler pour différentes raisons », illustre la psychologue. La personne atteinte de TOC peut même éviter la présence de certaines personnes ou situations qui sont liées à ses obsessions, de peur de causer du tort. Cela peut limiter les choix en matière d’emploi ou dans la sphère privée, ainsi que rendre plus difficile l’entrée dans une relation amoureuse. Mais alors, est-il possible d’atténuer les conséquences négatives des TOCs?

« La personne avec le TOC fait trop confiance à son imaginaire, à défaut de faire confiance à son bon sens et à la réalité »

Catherine Courtois-Ouellet, psychologue

« Les compulsions sont une illusion de contrôle parce qu’elles reflètent des comportements qui n’ont pas d’incidence réelle », observe la psychologue. Finalement, elles représentent une perte de temps et amènent le TOC à avoir le contrôle sur nous. Toutefois, il est possible de retrouver notre liberté d’action via différentes thérapies. L’une d’entre elles, nommée la thérapie d’exposition et de prévention de la réponse (EPR), consiste à s’exposer à nos peurs sans faire les compulsions. Il s’agit donc d’apprendre à tolérer les situations qui donnent naissance à nos obsessions ainsi que l’anxiété qui en découle. L’ajout de notions issues de la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) à l’EPR peut enrichir cette approche en aidant la personne à développer une nouvelle relation avec ses pensées intrusives et ses émotions difficiles. Plutôt que de lutter contre les obsessions ou de chercher à réduire l’anxiété à tout prix, l’ACT encourage à reconnaître ces expériences comme passagères et à rediriger l’énergie vers des actions alignées avec ses valeurs. Une autre approche complémentaire, la thérapie cognitive comportementale basée sur les inférences (TCC‑I), se concentre sur la manière dont les obsessions émergent, en mettant l’accent sur les processus de raisonnement plutôt que sur l’anxiété. Selon cette approche, les obsessions ne proviennent pas d’une hyperactivation de l’anxiété, mais plutôt d’une confusion entre imagination et réalité. La TCC‑I aide ainsi le patient à remettre en question les inférences erronées à l’origine de ses obsessions et à reconstruire une perception des situations redoutées qui est plus juste et ancrée dans l’ici et maintenant.

Bien qu’il soit possible que le TOC ne disparaisse pas entièrement pour certains, il peut perdre de son emprise et devenir plus gérable au quotidien, jusqu’à s’apparenter davantage à une habitude intrusive ou à une fragilité plutôt qu’à une source majeure de détresse.

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La barrière de la langue https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/la-barriere-de-la-langue/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57740 Quand participer est source d’anxiété.

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S ’il y a une chose dont j’ai toujours été fière pendant mes années de collège et de lycée, c’est ma participation spontanée et régulière en cours. Telle Hermione Granger, à chaque question d’un professeur, je brandissais mon doigt le plus haut possible, parfois même incapable d’attendre d’être interrogée pour donner la bonne réponse. On ne peut pas dire que ce soit encore le cas dans mes cours à McGill. Désormais, la note de participation, au lieu d’être un bonus, est devenue un véritable frein à ma note finale. Que s’est-il donc passé? Je sais que j’ai beaucoup changé ces dernières années, mais je me sens aujourd’hui bien plus sociable que je ne l’étais auparavant. Le niveau d’excellence à McGill m’intimiderait-il au point de me faire renoncer à prendre la parole en public? À vrai dire, il me semble que le principal obstacle à ma participation est la barrière de la langue.

Et si on ne comprenait pas ce que je disais? Ou que mon accent était si ridicule que l’on se moque de moi? Pour ne pas prendre de risque, mieux vaut ne pas prendre la parole, de toute façon un anglophone saura exprimer mon idée bien mieux que je ne pourrais jamais le faire. Voilà le raisonnement derrière mon silence auto-imposé. En discutant avec des étudiants francophones, je me suis vite rendue compte que je n’étais pas la seule à avoir ce sentiment.

Syndrome de l’imposteur

« C’est un peu mon échec de McGill de ne pas réussir à participer », admet Zoé, étudiante française à McGill. Selon elle, sa réticence à prendre la parole en anglais a déjà influencé sa note de participation : « En première année, je n’osais jamais m’exprimer en conférence. » Elle décrit avoir ressenti le syndrome de l’imposteur : « Ce n’était pas que l’anglais, mais aussi le fait d’être plus timide et d’avoir l’impression que je n’avais pas quelque chose de très intéressant à dire. » Chloé, également étudiante française, confie qu’elle avait « peur que les professeurs ne comprennent pas ce qu’ [elle] dise, la forçant à répéter devant tout le monde, provoquant ainsi une situation gênante ». L’appréhension de la langue amplifie l’anxiété provoquée par la mise à nue volontaire lorsque l’on prend la parole en public. Chloé explique que la crainte de ne pas se faire comprendre « était aussi accompagnée d’une peur de dire quelque chose de faux ».

« L’appréhension de la langue amplifie l’anxiété provoquée par la mise à nue volontaire lorsque l’on prend la parole en public »

Une stratégie pour donner la réponse la plus claire possible, est de préparer ses phrases en anglais à l’avance dans sa tête, mais cela prend parfois du temps. Selon Zoé, son incapacité à participer n’était pas due à l’appréhension des moqueries que pourraient susciter son accent, mais au manque de temps pour comprendre les questions et y réfléchir : « Je ne levais pas la main assez vite. Le temps que je trouve l’information dans mes notes et que je sache quoi dire, il était déjà trop tard. » Pour Maïa, étudiante luxembourgeoise, l’accent non plus n’est pas un obstacle : « C’est quand même un environnement où l’anglais n’est pas la première langue de beaucoup de personnes et je n’ai donc pas peur de me faire juger. » Néanmoins, elle admet que le manque de maîtrise de la langue limite sa participation, car cela l’empêche de trouver les mots pour exprimer ses pensées clairement et la fait bégayer. Ainsi, comme en témoigne Maïa, la note de participation pour une francophone est « un défi et n’est pas un A facile ».

En tête-à-tête

Au-delà de la barrière de la langue, l’intimidation causée par un grand groupe contribue à renforcer la peur de prendre la parole lors des conférences ou dans un cours magistral en amphithéâtre. En présence de 400 élèves, ou d’une trentaine pour certaines conférences, il est difficile de se forcer à participer. Zoé est partie en échange à Édimbourg le semestre dernier, ce qui lui a permis de se débloquer. « On était dans de beaucoup plus petits groupes et j’ai davantage pris la parole en public. J’ai dû faire pas mal de présentations et des travaux de groupe », raconte-t-elle. Ainsi, réduire l’effectif des conférences et des classes pourrait faciliter la participation des élèves non-anglophones à McGill.

Une autre manière de participer est de se rendre aux heures de bureau des professeurs pour leur poser des questions seul à seul ou soumettre ses idées dans un contexte plus privé. Gabrielle, étudiante québécoise, a l’habitude d’aller voir le professeur à la fin du cours pour compenser son manque de participation et qu’il se souvienne mieux d’elle. Zoé, quant à elle, n’a aucun problème à rencontrer individuellement les professeurs ou les auxiliaires d’enseignement (TA). Néanmoins, elle exprime sa frustration de ne pas toujours réussir à retranscrire ce qu’elle veut dire en anglais quand ses idées ne sont déjà pas claires dans son esprit. C’est pourquoi, « quand les TA et les professeurs sont francophones, je suis moins anxieuse d’aller les voir, et je suis plus à l’aise, car je peux leur parler en français ».

J’ai toujours trouvé les rencontres individuelles avec les professeurs encore plus anxiogènes qu’une salle de classe et j’ai toujours été terrorisée à l’idée de me rendre aux heures de bureau de mes professeurs. Maïa partage la même crainte et en attribue la responsabilité à sa timidité. Elle remarque toutefois qu’« il y a beaucoup de professeurs dont l’anglais n’est pas la première langue », il n’y a donc pas de honte à avoir un accent prononcé.

Prendre confiance

Ayant conscience de l’irrationalité de sa peur, Gabrielle reconnaît tout de même qu’il lui faut « prendre son courage à deux mains pour y aller la première fois sachant que le premier contact est toujours le plus bizarre ». Au fur et à mesure de ses rencontres avec les professeurs, elle prend davantage confiance en elle et est plus à l’aise à s’exprimer en anglais.

Une chose est sûre, cela ne fait que s’améliorer avec le temps, bien qu’on ait tous besoin de différents temps d’adaptation. Si en première année Zoé connaissait le syndrome de l’imposteur, alors qu’elle s’apprête à graduer, elle se sent pleinement appartenir à la communauté mcgilloise. D’ailleurs, elle s’est rendue compte que souvent dans les conférences, les étudiants prennent la parole pour ne pas dire grand chose, mais obtiennent quand même leurs points de participation. Il n’y a donc rien à perdre à essayer, mais au contraire tout à gagner.

« J’ai toujours essayé de me faire violence pour surmonter ma peur », affirme Chloé. Elle explique qu’aujourd’hui, elle a pris confiance en son niveau académique et se sent beaucoup plus à l’aise avec l’anglais, notamment grâce à la pratique de la langue dans des contextes informels. Habitant avec des colocataires américaines et canadiennes depuis deux ans, je m’identifie à son vécu. Zoé souligne par exemple l’aide que lui ont apporté les expériences qu’elle a eues en dehors des cours en tant que bénévole à la Radio CKUT et à Model UN pour améliorer son anglais parlé.

« J’ai toujours essayé de me faire violence pour surmonter ma peur »

Chloé, étudiante française à McGill

Ces dernières années, certains cours ont lancé de nouvelles initiatives pour faciliter l’intégration des élèves francophones à l’enseignement en anglais à McGill.

Le cours d’introduction aux relations internationales en science politique (POLI 244) offrait par exemple une section en français enseignée par Vincent Pouliot. Chloé, qui a pris le cours lors de son premier semestre à McGill, en souligne les avantages : « Le fait de prendre un cours sur cinq en français m’a sûrement aidée à davantage concentrer mon attention sur la compréhension des quatre autres. Je pense que c’était vraiment une bonne initiative ». Il arrive aussi parfois que certaines conférences soient offertes en français, ce qui peut faciliter la participation en laissant le temps de s’adapter à l’anglais comme langue académique.

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Un rêve éveillé? https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/un-reve-eveille/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57595 Ce que les rêves peuvent nous apprendre sur nous-mêmes.

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A vez-vous déjà essayé de tenir un journal de rêve? Cela consiste, chaque matin, au réveil, à retranscrire sur papier les aventures et péripéties mentales qui nous sont arrivées au cours de notre sommeil. C’est un véritable effort cognitif que de se remémorer les images qu’a produites notre esprit pendant la nuit et ainsi reformer le casse-tête de nos rêves. Il s’agit de reconstituer une histoire sans queue ni tête et de comprendre comment on est passé d’une traversée du désert à dos de chameau, à une salle d’examen face à une copie blanche avant de se réveiller en sursaut. Mais pour s’initier à cet exercice, encore faut-il se souvenir de ses rêves, ce qui n’est pas toujours chose facile.

Je me suis entretenue avec le professeur Roger Godbout, professeur émérite au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal, spécialiste du sommeil, afin de démystifier les rêves et de comprendre ce qu’ils révèlent sur notre santé mentale.

Théories des rêves

Selon le professeur, les rêves désignent « toute activité mentale qui a lieu pendant qu’on dort ». Aussi se distinguent-ils des rêveries et pensées floues que l’on peut avoir à l’état d’éveil. « Si tout le monde rêve, ce n’est pas tout le monde qui s’en rappelle », explique-t-il. En général, environ « un tiers des gens vont dire qu’ils rêvent fréquemment, un autre tiers qu’ils rêvent plus ou moins régulièrement, et un dernier tiers va déclarer ne jamais rêver ou très rarement ». Alors pourquoi certains se souviennent-ils mieux de leurs rêves que d’autres?

Le professeur Roger Godbout explique qu’il existe deux écoles de pensée par rapport aux rêves. Selon la pensée freudienne, les rêves permettent de laisser passer les messages de notre inconscient vers le conscient à travers un filtre, qui masque nos pulsions inavouables en les déguisant sous la forme de symboles. Si certains se rappellent moins leurs rêves, c’est que les mécanismes de défense psychologique qui censurent les messages de l’inconscient sont très présents. Dans les années 1970, les psychiatres Allan Hobson et Robert McCarley ont développé une nouvelle théorie du rêve s’opposant à celle de Freud : le modèle d’activation-synthèse. Selon cette théorie, les rêves sont le produit du travail de synthèse opéré par notre cerveau, qui, particulièrement actif pendant la phase de sommeil paradoxal (Rapid Eye Movement (REM) Sleep), ravive des souvenirs, des émotions et des sensations et les intègre sous forme de récit de rêve qui se produit quatre ou cinq fois par nuit. Le cerveau est également capable de traiter les signaux extérieurs et les conjugue à nos souvenirs lointains ou récents pour en faire un récit. La phase de sommeil paradoxal la plus longue se produit au petit matin, c’est donc surtout de notre dernier rêve dont on se souviendra le mieux.

« Quand le rêve devient tellement émotif, tellement dangereux, surtout pour soi, l’instinct de survie fait en sorte qu’on se réveille »

Roger Godbout, psychologue

Par ailleurs, « plus les rêves sont émotifs, plus on risque de se les rappeler », ajoute le professeur. Si l’on suit la logique de Freud, c’est parce que les émotions sont arrivées à un niveau plus acceptable et que l’on peut les laisser pénétrer le conscient. Cependant, « quand le rêve devient tellement émotif, tellement dangereux, surtout pour soi, l’instinct de survie fait en sorte qu’on se réveille », explique le professeur Godbout. C’est ce même instinct de survie qui nous empêche de ressentir de la douleur physique pendant un rêve.

Donner un sens

La mémoire onirique est comme un muscle que l’on peut renforcer en l’exerçant. À force de consigner nos souvenirs de rêve dans un journal le matin au réveil, on finit par se remémorer nos rêves de plus en plus précisément. « Au fur et à mesure qu’on le fait, les récits vont être de plus en plus longs », indique le professeur. Il est plus facile d’évoquer d’abord la fin du rêve, car plus frais à notre mémoire, d’après l’effet de récence. Par automatisme, notre prochain souvenir est le début du rêve ; c’est l’effet de primauté. « Après ça, il est plus facile de dérouler le récit, pas besoin d’être logique, pas besoin d’être séquentiel, pas besoin d’être exact », rassure le psychologue.

Lorsqu’on connaît le récit de son rêve, on peut commencer à interpréter ses symboles et comprendre ce qu’il révèle sur notre état de santé mentale et nos pensées profondes. À première vue, il est difficile de véritablement donner un sens à nos rêves. Ponctués de personnages et d’objets parfois farfelus, ils révélent une créativité et un pouvoir d’imagination dont on ne pensait même pas être doté. Selon le professeur, si un camion capable de parler ne nous étonne pas lorsqu’on rêve, c’est parce que la région cérébrale du jugement ne fonctionne pas pendant le sommeil paradoxal. Toutefois, les rêves sont aussi affectés par notre niveau d’anxiété : « Si je me couche en étant préoccupé par les contraintes que j’ai eues pendant la journée, je risque de faire des rêves qui ont un rapport à ça », explique-t-il.

Un cercle vicieux

La qualité du sommeil est, elle aussi, influencée par les rêves et la réciproque est vraie. « Si je fais des cauchemars, je ne dors pas bien, mais si je ne dors pas bien parce que je suis très préoccupé, je risque de faire des cauchemars », illustre le psychologue, mettant en évidence le cercle vicieux qui peut se répéter à l’infini. Parmi les facteurs qui peuvent affecter la qualité du sommeil et ainsi nos rêves, on retrouve les stimuli de l’environnement : « s’il fait froid ou que j’ai mal quelque part, mon rêve va être déplaisant », observe le professeur.

« 80% des émotions qu’on a dans nos rêves sont des émotions négatives »

Roger Godbout, psychologue

Certains cauchemars peuvent être provoqués par une expérience traumatique qui nous hante ou des pensées qui nous angoissent. Pour mettre fin au cycle infernal et soulager son anxiété, il est parfois nécessaire de suivre une thérapie, qui vise à modifier le rêve afin qu’il aboutisse de façon plus agréable. Ainsi, corriger ses cauchemars peut permettre un meilleur sommeil et ultimement une meilleure santé physique et mentale. Mais a‑t-on vraiment un quelconque contrôle sur nos rêves?

D’abord, le professeur rappelle que « 80% des émotions qu’on a dans nos rêves sont des émotions négatives ». Ainsi, « les rêves où ça va mal, c’est normal, c’est souvent comme ça » et il ne faut donc pas trop s’inquiéter, car de cette manière, « le rêve nous sert à faire face à l’adversité ». Cela ne nous empêche tout de même pas d’essayer de modifier nos rêves pour leur donner un meilleur contour. Bien qu’il n’y ait que 10% des gens qui font des rêves lucides, dans lesquels ils se rendent compte qu’ils sont en train de rêver, chacun peut travailler sur ses rêves après les avoir eus, en les reformulant de manière plus positive. Ainsi, si j’ai eu l’impression de tomber pendant mon rêve, je peux me dire plutôt que j’ai appris à voler. Changer le scénario d’un rêve, que ce soit par le dessin ou l’écriture, permet de mieux y être préparé lorsqu’il se reproduit et de ne plus le subir.

Enfin, le professeur rejette l’existence de rêves prémonitoires. Néanmoins, un rêve peut mettre en lumière des éléments essentiels à la solution d’un problème qui nous préoccupe, auxquels on n’avait pas pensé. Finalement, tenir un journal de rêve peut s’avérer une expérience agréable et utile.

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Parler de sexualité en toute sérénité https://www.delitfrancais.com/2025/02/20/parler-de-sexualite-en-toute-serenite/ Thu, 20 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57484 Le service de sexologie disponible pour les étudiant·e·s de McGill.

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L a Saint-Valentin, qui célèbre l’amour le 14 février, sert de prétexte idéal pour un dîner en amoureux·ses, une soirée pyjama entre ami·e·s, ou encore un moment privilégié pour se consacrer à soi. Néanmoins, cette fête apporte aussi son lot d’angoisses liées aux nombreuses attentes sociales qui lui sont associées. Quand on est en couple, l’organisation de la soirée s’avère une tâche complexe : choisir un restaurant, préparer une activité, acheter un cadeau… D’ailleurs, les conventions sociales ne s’arrêtent pas là et pénètrent même la sphère intime, une fois qu’arrive l’heure de se glisser dans les draps. Et si je suis trop fatigué·e pour faire l’amour ce soir? Pour certain·e·s étudiant·e·s, cette date fatidique marque l’anniversaire d’une nouvelle année de célibat, et peut raviver la frustration de ne pas avoir encore connu leur première fois ; il est parfois difficile de faire abstraction du discours dominant et de l’injonction au couple et à la sexualité.

« L’Université McGill a ainsi été la première université canadienne à proposer un soutien sexologique à ses étudiant·e·s »

À l’occasion de la Saint-Valentin, le Pôle bien-être étudiant de McGill a organisé un atelier de conversation, animé par deux sexologues, Maga-Li Monteilhet-Labossière et Gabrielle Petrucci, pour répondre aux questions des étudiant·e·s sur la sexualité, « une expérience humaine commune, dont on parle peu (tdlr) », selon Monteilhet-Labossière.

Parler d’intimité

Au troisième étage du Pavillon Brown, situé sur la rue McTavish, The Healthy Living Annex est un refuge chaleureux sur le campus. Assis·e·s en cercle autour d’une table jonchée de crayons feutres et de cartes de Saint-Valentin à colorier, enveloppées par les vapeurs échappant des tasses de thé, c’est avec timidité et curiosité que quelques étudiant·e·s sont venu·e·s participer à l’atelier. Sur une seconde table, des jouets sexuels ont été disposés à côté d’une ancienne boîte de biscuits désormais remplie de morceaux de papier comportant diverses questions pour amorcer la discussion.

Le service de sexologie de McGill a été créé en 2021 à l’initiative des sexologues Maga-Li Monteilhet- Labossière et Julie Marceau. L’Université McGill a ainsi été la première université canadienne à proposer un soutien sexologique à ses étudiant·e·s. Depuis sa création, la demande n’a cessé d’augmenter, démontrant le caractère indispensable d’un tel service, alors que de nombreux·ses étudiant·e·s ont besoin de consulter un·e professionnel·le pour parler de leur intimité. Les raisons qui peuvent pousser à prendre un rendez-vous avec une sexologue sont multiples : discuter des questionnements sur son orientation sexuelle ou son identité de genre, parler d’une expérience de violence sexuelle, évoquer des problèmes liés à la sexualité, comme les infections sexuellement transmissibles, ou aborder tout autre sujet en lien aux rapports intimes.

Une étudiante pioche un premier papier dans la boîte ronde qui révèle le mot « affection ». Qu’est-ce que cela évoque? La discussion débouche sur les langages de l’amour et comment faire face aux défis que peuvent entraîner une différence de langage affectif entre deux partenaires. Les tirages s’enchaînent et de nombreux thèmes sont abordés : comment naviguer le consentement pendant un rapport sexuel? Comment partager ses préférences érotiques avec son·sa partenaire? Qu’est-ce que la vulnérabilité? Tous ces sujets peuvent sembler intimidants pour ceux·celles qui nagent encore dans l’inconnu, mais le rôle des sexologues est précisément d’accompagner les étudiant·e·s dans la découverte de leur sexualité et de répondre à toutes leurs questions, sans tabous.

Défaire les mythes

Les minutes défilent et de nouvelles personnes rejoignent la conversation ; les cartes auparavant vierges affichent maintenant une palette de couleurs. Julie Marceau, avec qui j’ai pu m’entretenir dans son cabinet, m’a confié recevoir des étudiant·e·s de tous genres. Le plus souvent, les personnes qui la consultent souffrent d’anxiété, provoquée par le sentiment de ne pas correspondre à la norme. « Certains sont inquiets de ne pas avoir d’expérience, d’autres d’en avoir trop à leur âge », m’a expliqué la sexologue.

« Y a‑t-il un âge pour la première fois? » dévoile un nouveau papier de la boîte à biscuit. Les animatrices de l’atelier insistent sur l’importance de déconstruire les nombreux mythes qui entourent la sexualité et s’interrogent sur la définition même de la « première fois ». Celle-ci varie en fonction de chacun·e, tout comme les besoins en matière de sexualité sont différents pour tous·toutes. Il n’y a pas d’âge pour avoir ses premiers rapports sexuels et chacun doit suivre son propre rythme.

« Les mythes entourant la sexualité ont pour conséquence de générer une pression de performance lors d’un rapport intime, qui empêche de vivre pleinement le moment »

De nombreuses idées fausses sont renforcées par les images véhiculées par les films et la culture populaire. Julie Marceau en souligne quelques-unes : l’obligation d’avoir des rapports sexuels à une fréquence pré-établie quand on est en couple, devoir endurer de la douleur lors de la première relation sexuelle, ou encore se sentir obligé·e·s d’avoir des relations sexuelles pénétratives. Pourtant, les études démontrent que « seulement 17% des femmes ont des orgasmes de cette façon. » De la même manière, le désir n’est pas forcément physique, mais peut également être émotionnel. Il fluctue au cours du temps, et peut être absent pendant des périodes de stress et de fatigue, par exemple. Les mythes entourant la sexualité ont pour conséquence de générer une pression de performance lors d’un rapport intime, qui empêche de vivre pleinement le moment. Pourtant, « il y a quelque chose de très ancrant dans le toucher physique », remarque Monteilhet-Labossière, « qui permet de se sentir dans l’instant présent. »

Communiquer

Le service de sexologie offert par McGill permet aussi de combler le manque d’éducation sexuelle, notamment pour les étudiant·e·s qui viennent de pays étrangers aux normes et cultures différentes. Une des étudiantes participant à l’atelier explique que dans son pays d’origine au Moyen-Orient, on ne reçoit aucune éducation sexuelle et exprimer son désir n’est pas accepté. Julie Marceau m’a raconté avoir souvent été confrontée à des étudiant·e·s internationaux·les en proie à des dilemmes moraux déclenchés par le décalage entre les normes de leur pays d’origine et celles qu’ils·elles découvrent au Québec. Dans certains pays, les rapports sexuels ne sont pas autorisés avant le mariage. Ainsi, les étudiant·e·s ont recours à son aide pour apprendre à gérer leur désir et rester fidèles à leurs valeurs. D’autres sont inquiet·ète·s de devoir se réadapter à la culture sexuelle de leur pays d’origine après l’obtention de leur diplôme.

Toutefois, même si l’on a reçu une bonne éducation sexuelle, cela ne nous empêche pas d’avoir de nombreuses choses à apprendre et à découvrir sur nous-mêmes en matière de sexualité. Les sexologues peuvent ainsi nous aider à comprendre quels sont nos désirs, et nous donner des pistes pour explorer notre corps. Les sexologues rappellent également que la sexualité est une danse à deux. C’est pourquoi, pour tout rapport intime, la clé est de bien communiquer avec son·sa partenaire, bien que cela ne soit pas toujours facile.

Après deux heures de discussion animées et des cartes de Saint-Valentin bien décorées, l’atelier d’éducation sexuelle prend fin. Monteilhet-Labossière conclut que les questions qui y ont été abordées sont universelles, et qu’il n’y a pas de honte à se les poser. Alors si la sexualité vous rend anxieux·se, n’hésitez pas à prendre un rendez-vous au Pôle bien-être étudiant de McGill pour rencontrer une sexologue. En attendant, pour toute question urgente en lien à ce sujet, vous pouvez consulter le site Sex & U, recommandé par la sexologue Julie Marceau.

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Tous en cuisine! https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/tous-en-cuisine/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57347 Comment améliorer son alimentation pour être en meilleure santé?

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Toasts au beurre d’arachides, hamburger-frites de A&W, conserve de petits pois, voilà à quoi ressemblent les repas des étudiants en semaine lorsqu’il leur manque le temps et l’énergie pour enfiler le tablier et se mettre à cuisiner. En quittant le foyer familial pour aller à l’université, beaucoup d’étudiants qui avaient l’habitude de mettre les pieds sous la table après une journée d’école, se retrouvent à devoir faire les courses et cuisiner, ce qui prend du temps. Manquant d’expérience, ou avec un budget limité, les repas peuvent devenir un vrai casse-tête, une charge mentale additionnelle, et sont souvent relégués au second plan ; certains étudiants préfèrent sauter des repas parce que le frigo est vide ou pour ne pas perdre une heure de révision. Or, bien s’alimenter est fondamental pour pouvoir se concentrer et être plus efficace dans son travail. Alors, comment combiner alimentation saine et régulière avec le quotidien contraignant d’un étudiant?

Sandrine Geoffrion, diplômée d’une maîtrise à l’Université de Montréal en nutrition et membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec (ODNQ), a accepté de répondre à mes questions. Elle est également la fondatrice du Club Sandwitch, un site internet qui vise à aider les jeunes (et moins jeunes) à trouver la motivation nécessaire pour adopter une alimentation équilibrée.

Un besoin vital

Dès notre plus jeune âge, on apprend à l’école les mathématiques, le français, la science, et même le sport, mais on ne reçoit que rarement une éducation sur la nourriture et l’impact de son régime alimentaire sur la santé physique et mentale. Or, sans nourriture, aucune activité humaine ne serait possible. Beaucoup d’étudiants négligent leur alimentation, ce qui peut avoir des conséquences importantes sur leur capacité à effectuer des tâches au quotidien et menacer leur bien-être. Alors pourquoi est-il primordial de savoir bien manger?

Lorsqu’on saute un repas, « c’est comme si on partait faire un voyage de Montréal jusqu’à Québec, sans faire le plein avant de partir : ce sera difficile de se rendre jusqu’au bout ». Par cette métaphore, Sandrine Geoffrion nous rappelle le rôle essentiel que joue la nourriture comme carburant qu’« on met dans notre corps et qui va nous permettre d’accomplir nos activités de la journée. » Bien que l’on puisse avoir l’impression à court terme d’avoir plus d’énergie si on saute un repas, les effets du manque de nourriture apparaissent brutalement plus tard dans la journée. Le cerveau, qui n’est plus alimenté, subit un « crash » et on perd toute notre concentration. La diététiste explique qu’il peut arriver qu’« on ne se rende pas compte qu’on a faim pendant la journée si on est habitué à étouffer nos signaux de faim puis de satiété, ce qui peut mener à des rages alimentaires en fin de journée ». En effet, quand on a excessivement faim, « on veut manger là tout de suite, alors on se tourne vers des aliments gras, sucrés, riches en énergie, souvent ultra-transformés, et moins intéressants d’un point de vue nutritif ».

En outre, les bénéfices d’une bonne alimentation sont multiples. En plus d’avoir un effet positif sur notre santé physique et mentale, les repas sont des moments de partage conviviaux, qu’ils soient utilisés comme prétexte pour une réunion entre amis, de pause au travail avec les collègues ou de retrouvailles familiales lors des fêtes de fin d’année. Ils permettent également de découvrir d’autres cultures à travers leurs spécialités culinaires. Par ailleurs, les repas rythment nos journées et participent à une routine réconfortante, c’est le moment idéal pour s’aérer l’esprit et se consacrer au plaisir de savourer la nourriture.

Selon la nutritionniste, il est crucial d’apprendre à bien s’alimenter le plus tôt possible, particulièrement lorsqu’on est étudiant, pour « construire de bonnes habitudes sur le long terme ». Arrivé à l’âge adulte, si l’on s’est accoutumé à sauter des repas régulièrement, cela peut causer « des problèmes de santé comme des maladies chroniques, le diabète de type 2, la dyslipidémie [anomalie dans la répartition des lipides, ndlr], ou des problèmes de cholestérol ».

Pas de règles

Vous est-il déjà arrivé d’être réveillé à deux heures du matin parce que votre colocataire avait décidé d’utiliser le mixeur pour préparer son dîner? Vous êtes-vous alors demandés s’il était vraiment raisonnable de manger à des horaires pareils? Sandrine Geoffrion explique qu’en nutrition, il n’y a pas de règles fixes, « parce qu’on n’est pas des robots ». Tout comme les besoins en calories varient d’une personne à une autre, en fonction de notre sexe, notre âge, notre taille ou encore notre niveau d’activité physique, notre emploi du temps ne nous permet pas toujours de manger à des horaires fixes, et vouloir s’y tenir à tout prix peut même se révéler être une mauvaise idée. Selon la diététiste, il faut savoir adapter l’heure de ses repas à ses contraintes professionnelles ou scolaires et on peut consulter un nutritionniste qui pourra nous guider au besoin. Trop vouloir contrôler son alimentation peut aussi s’avérer néfaste pour sa santé mentale. Bien qu’il existe des calculs indiquant nos besoins énergétiques quotidiens, il n’est pas toujours pertinent de le savoir, car « cela peut mener à une envie de compter nos calories. Puis cela enlève le côté amusant de l’alimentation et peut l’amener à prendre de plus en plus de place dans notre tête ». Lorsque la nourriture devient obsessionnelle, elle peut générer des troubles alimentaires aux conséquences graves.

« En nutrition, il n’y a pas de règles fixes, « parce qu’on n’est pas des robots » »

Sandrine Geoffrion, nutritionniste

Sandrine Geoffrion met en garde contre les nombreux mythes et la désinformation qui circulent dans le domaine de la nutrition tels que : « ne mange pas après 20 heures, tu vas grossir. » Elle signale l’importance de « toujours s’assurer que l’information qu’on consomme provient de professionnels de la santé », ainsi que de « développer son esprit critique à ce sujet ». Finalement, la seule « règle» valable est que « si tu as faim, il faut que tu manges ». Il faut se fier à nos signaux de satiété. La faim est un mécanisme naturel du corps qui demande de la nourriture pour fonctionner. Certains utilisent l’alimentation intuitive qui consiste à écouter son corps plutôt que de suivre un régime drastique. Néanmoins, la nutritionniste reconnaît les bienfaits de respecter l’adage de trois repas par jour et de collations au besoin entre les repas, qui peut nous servir comme guide à adapter en fonction des particularités de notre rythme de vie et de nos préférences. Ce modèle peut donc être suivi avec flexibilité, car si on n’a pas faim le matin, mieux vaut ne pas se forcer mais prendre un petite casse-croûte plus tard dans la journée.

L’assiette équilibrée

On est tous d’accord pour reconnaître que les repas que l’on mange en restauration rapide ne sont pas bons pour notre santé. Mais alors à quoi ressemble le repas idéal pour faire le plein d’énergie? Le site du gouvernement canadien propose l’assiette équilibrée comme outil de référence. La moitié de l’assiette doit contenir une part de fruits, mais surtout des légumes, puis un quart est occupé d’aliments à grains entiers du type riz, pâtes, pain. Enfin, le dernier quart devrait être composé de protéines, qu’elles soient végétales ou animales. Sandrine Geoffrion indique qu’il s’agit « d’une base que l’on accompagne avec de l’eau ». Cela ne nous empêche pas de nous en écarter, par exemple certains préférant diviser l’assiette en trois tiers égaux. Cette assiette reste selon elle un bon indicateur pour s’assurer « qu’on comble tous nos besoins en différents macro et micronutriments, sans trop se compliquer la vie ».

Toscane Ralaimongo | Le Délit

Beaucoup d’étudiants sont réticents à consommer des légumes. Souvent parce qu’ils trouvent que ces derniers coûtent trop cher et que cela ne semble pas rassasiant. D’autres fois, c’est simplement parce qu’ils ne savent pas comment les cuisiner ou qu’ils y vouent une aversion impérissable du temps de leur enfance lorsqu’ils étaient forcés à en manger. La nutritionniste rappelle leur rôle essentiel : « C’est sûr que ce n’est pas les légumes qui vont combler une grande faim, puisqu’ils sont peu caloriques en raison de leur faible teneur en macronutriments (ces derniers fournissent de l’énergie comme les glucides, les lipides, les protéines). Mais il y a bien d’autres bonnes raisons de consommer des légumes : ils apportent des vitamines, des minéraux et des fibres, qui eux contribuent au bon fonctionnement de notre corps, mais aussi de la texture, de la saveur, du croquant et de la couleur qui contribuent au plaisir de manger. » Ils sont également riches en eau et participent à sublimer les plats gastronomiques. Ils contiennent d’autres molécules essentielles à la santé, dont certaines dont nous n’avons pas encore connaissance. Les légumes permettent de diversifier notre alimentation et ainsi d’éviter les carences alimentaires.

« Dans le meilleur des mondes, on cuisinerait tout nous-mêmes. Mais on n’est pas dans un monde idéal, on est des étudiants, et notre priorité, c’est d’étudier »

Sandrine Geoffrion, nutritionniste

Il faut également se rappeller qu’avoir une alimentation équilibrée ne se mesure pas seulement sur un repas mais à l’échelle de la semaine. Ainsi, ce n’est pas grave de dévier du modèle recommandé de temps en temps tant que la moyenne reste saine. « Notre corps a quand même un métabolisme assez adaptatif. Si jamais on a des repas qui sont moins équilibrés, ce n’est pas la fin du monde non plus » rassure la diététiste. Il est néamoins possible d’améliorer ses collations pour les rendre plus saines. Il vaut mieux privilégier des aliments riches en protéines que l’on peut trouver dans le yaourt ou les noix par exemple, et en glucides comme les fruits et les crudités. Une telle collation peut permettre d’assurer une continuité d’énergie lorsque nos repas sont très espacés.

Petit à petit

« Dans le meilleur des mondes, on cuisinerait tout nous-mêmes. Mais on n’est pas dans un monde idéal, on est des étudiants, et notre priorité, c’est d’étudier » remarque Sandrine Geoffrion. Cela ne nous empêche toutefois pas de faire des efforts pour contourner l’alimentation ultra-transformée et intégrer davantage de vert et de frais à nos repas. Modifier son alimentation se fait par étapes. Il faut «commencer en prenant quelque chose qui est facile pour nous, comme des petites carottes qui sont déjà coupées dans un sac, que l’on peut accompagner avec des trempettes, » suggère la nutritionniste. Mettre en évidence des fruits « prêt-à-consommer » comme des pommes, des bananes ou des clémentines dans un saladier ou des légumes qu’on a déjà portionnés dans le frigo peut les rendre plus attrayants et facilement accessibles. On peut aussi passer en revue les aliments ultra-transformés que l’on achète en magasin et réfléchir à comment les remplacer ou les faire maison. En prenant l’exemple des barres tendres, « on peut comparer les options disponibles sur le marché ». Certaines marques proposent des produits plus intéressants sur le plan nutritif. Lorsqu’on hésite entre différents produits en magasin, il peut être utile de comparer leur teneur en sucres ajoutés, sel, et gras saturés ou de choisir des options avec une courte liste d’ingrédients.

Il existe des ressources pour les étudiants qui manquent d’idées pour diversifier leur alimentation. L’Université de Montréal a développé le guide alimentaire Viens manger et sa version végétarienne, que l’on peut consulter gratuitement en ligne. Sandrine Geoffrion conseille aussi d’autres livres de recettes : La bible des collations, La croûte cassée, ou encore Beau bon pas cher. On peut aussi s’inspirer des comptes culinaires sur les réseaux sociaux comme celui de Geneviève O’Gleman ou du site internet Ricardo. Il n’est jamais trop tard pour prendre des bonnes habitudes, et prendre soin de soi commence par ce que l’on met dans notre assiette!

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Overthinking : la tourmente des étudiants https://www.delitfrancais.com/2025/01/29/overthinking-la-tourmente-des-etudiants/ Wed, 29 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57158 Peut-on faire taire ses pensées négatives?

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Que ce soit les notifications Outlook de myCourses, celles d’un message Instagram ou d’une nouvelle publication sur LinkedIn, les avertissements sonores nous rappelant nos obligations et préoccupations sont omniprésents. Toutefois, il arrive qu’un brouillard tapageur, encore plus désagréable, les recouvre tous pour envahir notre esprit trop souvent stimulé. Ce bourdonnement est provoqué par la rumination de nos pensées, impossibles à faire taire, qui nous rongent de l’intérieur.

Il m’a fallu des années pour finalement réussir à plonger dans une piscine. Chaque été, alors que je me retrouvais face à l’eau, prête à m’élancer, fléchissant les jambes pour me propulser, je coupais soudainement mon élan, assaillie par un flot de pensées paralysant. Et si je me cognais contre le fond de la piscine? Ou que je faisais un plat? En proie au doute, je finissais toujours par faire un saut en bouteille. Ce n’est qu’une fois où j’ai décidé de me précipiter du plongeoir sans réfléchir que j’ai réussi à effectuer mon premier plongeon. Dans la vie, la rumination mentale nous empêche parfois de faire le premier pas lorsqu’on est amoureux, ou d’oser saisir les opportunités quand elles se présentent, laissant place au regret. Et si trop penser nuisait à notre santé mentale?

Pour mieux comprendre le fonctionnement de la rumination mentale, aussi connue sous le terme anglais overthinking, et ses effets sur les étudiants, je me suis entretenue avec la psychologue Mélanie Bourdette, membre de l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ).

Performer à tout prix

« Penser, c’est plutôt une bonne chose », rappelle Mélanie Bourdette, car « cela signifie que notre cerveau fonctionne bien ». Néanmoins, si la rumination mentale a un côté désagréable, c’est qu’elle prend la forme d’une « pensée à connotation négative qui va tourner en boucle et se répéter ».

Michaela, étudiante à McGill, m’a avoué ruminer constamment : « À propos de l’école, pas vraiment des relations. Juste la performance académique (tdlr) ». Son témoignage confirme les observations de Mélanie, qui a constaté parmi sa clientèle étudiante la prévalence de pensées négatives reliées à la performance, telles que : « Je ne vais pas y arriver, je ne suis pas assez bonne. »

Christina, une autre étudiante mcgilloise, remarque qu’il lui arrive souvent de ruminer par rapport au passé ou à ses choix de vie. La psychologue explique que les pensées négatives sont souvent disproportionnées par rapport à la situation actuelle, lorsqu’elles sont associées à un sentiment de regret ou de culpabilité, par exemple : « On n’a pas de machine à remonter dans le temps. Or, on continue à penser à une situation qui s’est produite il y a une heure ou trois ans, alors même qu’on ne peut pas y revenir ».

Qu’est-ce qui provoque la rumination?

« La rumination est associée à l’anxiété », explique la psychologue, « ainsi, tous les facteurs déclencheurs de l’anxiété peuvent favoriser ou nous rendre beaucoup plus sensibles au fait de ruminer ». Ce sentiment, qui apparaît dans le nouveau volet du film d’animation Sens dessus dessous (ou Vice-versa), est bien connu des étudiants. En effet, pendant les périodes d’examen, leurs nerfs sont mis à rude épreuve. L’anxiété est alimentée par diverses peurs : « la peur de s’être trompé, la peur qu’il y ait des conséquences, la peur de ne pas performer. » L’anxiété est également corrélée à l’humeur, c’est pourquoi Mélanie Bourdette explique que « parfois, lorsqu’on a une humeur un peu plus basse, typiquement lors des déprimes saisonnières, les circonstances sont plus propices à ruminer ». Christina l’a remarqué, car bien qu’il lui arrive de ressasser des pensées négatives à n’importe quelle période de l’année, elle est toujours surprise « quand le printemps arrive et que le soleil sort, je me sens comme, “wow” », alors qu’elle se rend compte combien l’hiver l’a rendue morose.

« Ce qui cause de l’anxiété et amène à ruminer, c’est lorsque l’image que l’on a de soi s’est détériorée »

La fatigue peut aussi être une cause indirecte de la rumination : « Bien qu’un manque de fer ne génère pas de la rumination, il entraîne de la fatigue physique, donc une sensibilité plus accrue aux émotions, notamment la peur qui provoque l’anxiété », indique la psychologue. La fatigue rend plus difficile la gestion de nos émotions, d’où l’importance de maintenir une alimentation saine et équilibrée, un bon sommeil, et la pratique d’une activité physique, non seulement pour se sentir bien dans son corps, mais aussi dans sa tête.

On pourrait penser qu’un manque de confiance en soi puisse faciliter le développement de pensées négatives, mais c’est plutôt l’estime de soi qui influence la rumination. Mélanie Bourdette explique la différence entre les deux termes : « En psychologie, on différencie la confiance en soi de l’estime de soi. Parce que la confiance en soi, c’est notre capacité à faire quelque chose. J’ai confiance en moi, ça veut dire que je sais que je peux faire quelque chose. L’estime de soi correspond à l’image que l’on a de soi, qui est différent de notre capacité de faire. » Ce qui cause de l’anxiété et amène à ruminer, c’est lorsque l’image que l’on a de soi s’est détériorée. « Parce que si on sait qu’on ne sait pas faire, on ne va pas ruminer. Je sais que je ne sais pas piloter, donc je n’ai aucune confiance en ma capacité à piloter un avion », illustre-t-elle. Mélanie Bourdette explique que le rôle du cerveau est d’enregistrer des informations et de les répéter en boucle pour qu’on les retienne. Ainsi, un environnement académique stimulant, combiné à des attentes personnelles ambitieuses, nourrit parfois la rumination.

Modeler plutôt que contrôler

« Je ne dirais jamais que cela m’empêche vraiment de me mettre en avant. C’est juste que j’ai l’impression que c’est un obstacle mental », reconnaît Michaela sur la rumination. Selon Mélanie Bourdette, la rumination mentale peut créer « une réelle souffrance ». Elle continue : « Lorsqu’on est trop stressé par quelque chose, on perd en performance, on n’est plus capable de faire les choses. »

« Il est impossible d’arrêter de penser parce qu’il n’y a qu’une seule situation où on arrête de penser, c’est lorsqu’on est mort »

La rumination mentale touche aussi bien les hommes que les femmes. Toutefois, la psychologue observe que « les femmes ont plus tendance à extérioriser l’anxiété et la rumination, contrairement aux hommes qui, même pour plein d’autres troubles mentaux, vont plutôt l’intérioriser ». Alors, peut-on contrôler ses pensées négatives? Selon Mélanie, il est plus juste de dire que l’on peut gérer ses pensées plutôt que les contrôler : « Contrôler une émotion, c’est lui mettre des barrières et pouvoir la faire taire. » Or, il est impossible d’arrêter de penser « parce qu’il n’y a qu’une seule situation où on arrête de penser, c’est lorsqu’on est mort ». En revanche, en thérapie de psychologie, « on essaye plutôt de reformuler nos phrases avec une structure positive ». Aussi, on remplace « je ne suis pas compétente » par « je suis compétente sur un élément, mais peut-être que je pourrais m’améliorer sur autre chose ». Lorsque l’on se force à ne pas penser à un ours blanc pendant vingt secondes, ce dernier s’impose à notre esprit. Cela montre que notre cerveau ne « comprend pas la négation » et qu’il vaut mieux « lui dire ce qu’on a envie de penser ».

Cependant, il est parfois difficile de croire en de belles phrases positives pour s’échapper des pensées négatives. Une autre stratégie pour extérioriser nos pensées consiste à leur associer un aspect comportemental, comme en les mettant par écrit. C’est une méthode d’évitement positif contrairement aux distractions qui font culpabiliser comme lorsque l’on fait défiler son fil d’actualités sur Instagram. Christina nous partage son astuce : « Je pense qu’il faut mettre les choses en perspective, se rendre compte que ce n’est pas la fin du monde, quelle que soit la décision prise. » Après tout, elle n’a pas tort, mieux vaut se jeter dans le bain que d’avoir des regrets.

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Comment faire face à l’éco-anxiété? https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/comment-faire-face-a-leco-anxiete/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56972 Au Délit, nous tenons nos promesses envers nos lecteur·rice·s. Bien que la section Environnement appartienne désormais au passé, et que la nouvelle section Bien-être fasse son entrée, quoi de mieux qu’un article sur l’éco-anxiété pour les relier. Être étudiant·e à l’Université McGill n’est pas de tout repos et les sources d’anxiété sont nombreuses. Que ce… Lire la suite »Comment faire face à l’éco-anxiété?

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Au Délit, nous tenons nos promesses envers nos lecteur·rice·s. Bien que la section Environnement appartienne désormais au passé, et que la nouvelle section Bien-être fasse son entrée, quoi de mieux qu’un article sur l’éco-anxiété pour les relier.

Être étudiant·e à l’Université McGill n’est pas de tout repos et les sources d’anxiété sont nombreuses. Que ce soit le stress généré par la charge de travail académique, l’incertitude quant au choix d’une maîtrise, les contraintes d’un travail étudiant chronophage, ou encore l’anxiété sociale lors des prises de parole en public et des soirées étudiantes, il est parfois difficile de ne pas se laisser submerger par les pensées négatives. À toutes ces angoisses s’ajoute celle de l’éco-anxiété, définie comme un sentiment d’appréhension ressenti par une personne devant les bouleversements causés par les changements climatiques et leurs conséquences. Si ce sentiment est souvent associé aux jeunes générations, j’ai cherché à mieux comprendre comment il affectait la communauté étudiante de McGill.

Dans son livre, Under the Sky We Make, Kimberly Nicholas, professeure à l’Université de Lund en Suède, décrit cinq étapes de sentiments climatiques : l’ignorance (ignorance), l’évitement (avoidance), le pessimisme (doom), tous les sentiments (all the feels), la raison d’être (purpose). J’ai interrogé plusieurs étudiant·e·s, afin de voir si cette évolution élaborée par la scientifique du climat pouvait réellement s’appliquer aux expériences vécues par la communauté mcgilloise.

« Agir, c’est donner un sens à son existence et se sentir maître de son avenir plutôt que de le subir »

Faire l’autruche

Selon Nicholas, la première étape du processus d’éco-anxiété consiste à ignorer l’existence du réchauffement climatique et de ses conséquences sur nos sociétés. À l’ère de l’hypermédiatisation et des réseaux sociaux, il semble pourtant impossible de ne pas être conscient·e du dérèglement du climat, qui donne lieu à des images spectaculaires et toujours plus effrayantes des catastrophes naturelles extrêmes qu’il provoque. C’est pourquoi cette catégorie me semble désormais dépassée. Toutefois, il existe encore de nombreuses personnes qui décident de fuir la réalité et préfèrent ne pas en entendre parler. Anna*, étudiante que j’ai rencontrée dans un couloir du bâtiment McConnell, m’a confessé « faire l’autruche (tdlr) » quand il est question du sujet climatique.

« On m’a diagnostiqué un trouble d’anxiété, alors je suis anxieuse à propos de tout », m’a‑t-elle expliqué. Ce qu’elle lit dans les nouvelles ne l’aide pas à calmer son angoisse : « Chaque année, les catastrophes mondiales semblent s’aggraver. En ce moment, la Californie est en feu, comme c’est le cas depuis quelques années à beaucoup d’autres endroits. Il y a beaucoup plus d’ouragans. »

Elle n’est pas la seule à partager ces craintes ; Gabrielle, étudiante en psychologie, reconnaît être souvent en proie à ce sentiment : « Ça fait peur de voir les désastres naturels qui se déroulent en ce moment, et ce, de plus en plus souvent. C’est encore plus inquiétant de voir comment les politiciens à travers le monde ne font vraiment, mais vraiment pas assez pour prévenir et réduire les conséquences des changements climatiques. » Pour Anna aussi, le manque d’initiative politique laisse peu d’espoir : « Donald Trump vient d’être réélu, et je sais très bien que le changement climatique ne sera pas l’une de ses priorités. »

D’autres étudiant·e·s déplorent la passivité générale et l’attitude de certain·e·s qui préfèrent faire comme si de rien n’était. Pour Sean, étudiant en sciences politiques, « c’est un peu inquiétant de voir à quel point on est tous “cool” et détendus, comme si chaque jour n’était qu’un nouveau jour comme les autres et qu’on continuait simplement d’aller de l’avant. » Shreya, une autre étudiante en arts, reconnaît se sentir de temps en temps éco-anxieuse : « Parce que notre monde est en train de mourir lentement et qu’on ne fait rien de concret pour vraiment y remédier ».

Du pessimisme à l’action

Si certain·e·s préfèrent éviter le doom scrolling (le fait de faire défiler de manière compulsive des publications au caractère négatif sur un fil d’actualité) ou se couper entièrement des médias, d’autres considèrent que s’informer sur ce sujet est primordial. C’est le cas de Fiona, étudiante en environnement et membre du club McGill Energy Association : « Dans mes cours, j’apprends à quel point tout va mal, mais j’apprends aussi beaucoup de choses positives, alors j’essaie de trouver un équilibre. »

Selon la professeure Nicholas, il est nécessaire de ne pas rester bloqué·e à l’étape du « pessimisme » qui se traduit en un sentiment d’impuissance et de désespoir face à l’ampleur du problème. L’étape « tous les sentiments » permet d’en sortir en se rappelant de vivre dans le moment présent et ne pas sombrer dans les perspectives sombres de l’avenir. Cela permet d’accéder à l’ultime palier de l’échelle de l’éco-anxiété, à savoir le passage à l’action. Agir, c’est donner un sens à son existence et se sentir maître de son avenir plutôt que de le subir. Pour Fiona, c’est cette dernière phase de son éco-anxiété qui va déterminer son choix de carrière : « C’est ma dernière année, et même quand je pense à ma maîtrise, je ne veux pas attendre un an de plus parce que je sais à quel point il est urgent de commencer à faire des choses ». Elle considère qu’agir est nécessaire à sa santé mentale : « Je sens que si je ne fais rien, que je ne fais qu’en apprendre sur le sujet, je serais super déprimée. »

Tous·toutes les étudiant·e·s que j’ai interrogé·e·s sont d’accord pour dire que le meilleur remède à leur éco-anxiété est d’adopter des gestes quotidiens plus écoresponsables pour retrouver un élan de positivité. Gabrielle donne son astuce : « Pour faire face à l’éco-anxiété, je pense qu’il faut essayer de rester positif, parce qu’une attitude trop pessimiste risque juste de nous décourager et de ne mener à rien. Il faut essayer de faire sa part tout en tenant responsables les industries polluantes et les politiciens. » Sean achète presque tous ses vêtements en friperie, « ce qui me fait me sentir beaucoup mieux de ne pas contribuer à la mode jetable », m’a-t-il expliqué. Anna a également modifié son comportement : « J’essaie de faire ce que je peux, recycler, composter, et obtenir des produits issus de sources éthiques, mais c’est à peu près tout ce que je peux faire ».

Une responsabilité partagée

J’ai moi aussi longtemps été rongée par la culpabilité quant à mon mode de vie énergivore, mais j’ai réussi aujourd’hui à dépasser ce sentiment en me concentrant sur les choses de mon quotidien que je peux contrôler, comme le suggère la philosophie stoïcienne. Il est aussi important de reconnaître que notre capacité d’agir est limitée. Alejandra, étudiante à Desautels, admet ne plus connaître le sentiment d’éco-anxiété qu’elle connaissait avant : « Je comprends maintenant que la responsabilité est partagée et que les individus ont une petite part à jouer. Je peux faire de mon mieux pour aider à résoudre le problème global, mais si d’autres ne veulent pas changer, ce n’est pas ma responsabilité ». Shreya est du même avis : « J’ai surtout accepté que, à moins que la majorité du monde n’opère un changement, ce que je fais n’aura pas le plus grand impact sur l’environnement ». Pour l’heure, il faut encore attendre que chacun·e évolue à son rythme à travers le processus d’éco-anxiété, jusqu’à ce que tout le monde atteigne la dernière étape et qu’un mouvement collectif fasse ressentir ses effets.

Le programme Climate Wayfinding, proposant des ateliers pour former les étudiant·e·s à la maîtrise et des professeur·e·s à transformer l’éco-anxiété en action concrète, sera proposé à McGill ce semestre d’hiver.

*Nom fictif

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Trop beau pour être vrai https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/trop-beau-pour-etre-vrai/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57040 Critique d’Une fête d’enfants de Michel Marc Bouchard.

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Si vous êtes facilement impressionnés par des scènes qui évoquent la violence ou la sexualité, ou que vous souffrez de dépression hivernale, la pièce de théâtre dramatique Une fête d’enfants de Michel Marc Bouchard, mise en scène par Florent Siaud au Théâtre du Nouveau Monde, n’est pas faite pour vous. Par contre, si vous ne craignez pas d’être confrontés à la question de l’infidélité dans un couple, de la solitude, de la laideur morale et que vous savez apprécier la profondeur d’une métaphore, ou d’un message percutant, foncez pour vous laisser sublimer par le jeu sur les planches.

Des personnages névrosés

Bien que le titre Une fête d’enfants sonne comme une invitation à un moment joyeux nous permettant de retomber dans l’enfance, détrompez-vous ; la pièce de Michel Marc Bouchard est l’antithèse d’un conte de fées. David et Nicolas forment un couple homosexuel marié en proie à la plus grande instabilité. Avec leurs deux filles, Adèle et Marie, ils donnent l’illusion d’une famille parfaite. Jusqu’à ce que l’on comprenne que David ne se rend pas à ses cours de chorale comme il le laisse entendre…

Le troisième personnage, Claire, une dentiste retraitée qui comble ses longues journées de solitude par la réalisation de collages, semble malheureuse dans son mariage. Avec son caractère comique et son ton léger, elle apporte une touche de légèreté à l’intrigue et un contraste au cynisme lugubre du personnage de David. C’est chez elle que se déroule la fête d’anniversaire de son petit-fils, à laquelle Adèle et Marie sont invitées.

Que ce soit par la musique ténébreuse en arrière fond, la douleur émanant du texte, ou la noirceur des décors, cette pièce vise à susciter un malaise chez son public. Il est difficile de ne pas avoir le cafard en étant plongé dans les esprits torturés des personnages. Les sons en écho de rires d’enfants appesantissent l’atmosphère par leur discordance avec les tourments des adultes. Néanmoins, le choix artistique d’une ambiance malplaisante est ce qui fait l’originalité de la pièce, et même si le langage, parfois trop cru, manque de subtilité, il n’empêche pas l’auteur de transmettre un message fort.

Hypocrisie généralisée

Sous ce trompe l’œil d’une après-midi festive, où les sourires sont forcés sur les visages, la vérité qu’ils cherchent à dissimuler est bien plus cruelle. Très vite, la fête vire au cauchemar lorsqu’un crapaud hideux apparaît et qu’un miroir vole aux éclats. « Le sourire, c’est le gage d’une vie réussie », s’efforcent de répéter David et Claire. Bien qu’aucun des deux ne soit heureux dans sa vie sentimentale, et qu’une impression de vide les taraude, ils refusent d’admettre leur amertume et persistent à maintenir une fausse apparence. Un brouillard épais les entoure et l’addiction de Claire au parfum de la colle peut être interprétée comme sa tentative désespérée de recoller les morceaux de sa vie, qui comme le miroir, s’est brisée.

Tous ces efforts sont vains, car la vérité finit toujours par être dévoilée. Progressivement, alors que les secrets sont révélés, tout s‘écroule. Si tout au long de la pièce, nous vivons indirectement la fête à travers le récit qu’en fait chaque personnage, nous assistons désormais aux scènes d’explications entre les protagonistes qui se déchirent. Alors que la vérité triomphe, les décors sont plus concrets : la cuisine très réaliste du couple gay a remplacé les images abstraites projetées sur un écran en toile. Or, il est trop tard pour empêcher lespersonnages de se noyer. Les pétales qui tombaient du plafond, l’eau de la piscine du jardin de Claire, le prince qui cachait le crapaud : tout annonçait la débâcle finale.

Une fête d’enfants est à retrouver au Théâtre du Nouveau Monde du 14 janvier au 8 février 2025.

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À vous de jouer https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/a-vous-de-jouer/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56820 Environnement n’a pas dit son dernier mot.

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2024 a signé un record historique de chaleur, mais elle a surtout franchi une barrière symbolique avec une température moyenne supérieure de 1,6°C à la norme pré-industrielle. Ainsi, l’objectif de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris est désormais un rêve lointain. Même si une partie de l’augmentation des températures peut être attribuée au phénomène El Niño (un réchauffement anormal des eaux de surface de l’océan Pacifique équatorial, qui perturbe les régimes climatiques mondiaux), il ne faut pas se leurrer : l’urgence climatique est réelle et la nouvelle année ne va pas effacer tous les bouleversements qu’elle entraîne dans l’équilibre de nos sociétés, des écosystèmes et de la biodiversité. Les premiers jours de 2025, marqués par les immenses feux à Los Angeles, qui ravagent même les maisons des plus riches figures hollywoodiennes, rappellent que nous sommes tous vulnérables aux conséquences du réchauffement climatique, qui ignore les frontières terrestres et remet en cause l’ordre naturel des saisons.

« Après un an de vulgarisation scientifique, sujets de réflexions et remises en question de nos modes de vie du quotidien, il est temps pour la section Environnement de laisser sa place à une autre voix »

À l’aube de cette nouvelle année, qui célèbre le premier anniversaire de la section Environnement au Délit, les menaces qui pèsent sur la planète sont toujours aussi inquiétantes. La perspective d’un nouveau mandat Trump, aux aspirations profondément anti-climatiques, a de quoi alarmer. Toutefois, il ne faut surtout pas baisser les bras, et au contraire redoubler d’effort. L’année 2024 a également été ponctuée par des bonnes nouvelles environnementales, et chaque jour de nouvelles personnes rejoignent les rangs du combat pour la planète. Au printemps dernier, la Suisse a été condamnée pour inaction climatique par la Cour européenne des droits de l’homme à la suite d’une mobilisation citoyenne regroupant 2 500 Suissesses sous la bannière « Aînées pour la protection du climat », préoccupées par l’impact du réchauffement sur leur santé. Au Canada, le projet de loi C‑59, déposé à la Chambre des Communes le 1er février 2024, a renforcé les restrictions autour de la publicité mensongère et de l’écoblanchiment en étendant son application à un spectre d’entreprises plus large.

Il y a maintenant un an, nous avons débuté en force en nous demandant comment rendre le temps des Fêtes plus écologique. 2024 a aussi commencé sur une note encourageante, avec les bonnes nouvelles environnementales de l’année 2023. Depuis, nous avons discuté de l’intérêt de calculer son empreinte carbone, de véganisme, de la différence entre les changements et le réchauffement climatiques, de modèles à suivre, de racisme
environnemental et de plastique. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec des activistes impliqué·e·s sur le campus, une entrepreneure misant sur le partage, la fondatrice d’une organisation à but non lucratif mettant de l’avant des pratiques durables en communication, le directeur exécutif du Bureau du développement durable de McGill, la première femme a avoir terminé le Vendée Globe et plusieurs professeur·e·s, professionel·le·s et artistes engagé·e·s pour l’environnement. Nous nous sommes interrogées sur le vandalisme d’œuvres d’art comme manière de militer, le rôle du sport dans la transition écologique, la fatigue décisionnelle et la place de l’humour dans la crise climatique. Nous avons aussi passé une journée enrichissante au campus MacDonald à découvrir ses initiatives environnementales. Mais surtout, nous avons partagé nos réflexions personnelles sur notre quotidien, confié nos peurs et notre espoir, notre rage et notre bonheur à nous engager pour lutter contre la crise climatique. « Les archives de journaux gardent en eux les pensées, les intentions et les problématiques d’un temps. Ils révèlent toute l’essence d’une époque, d’une communauté, d’un environnement », a dit Marie, fondatrice d’Au Féminin, la section prédécesseure d’Environnement, dans son ultime publication.

« Nous souhaitons léguer au Délit un sens du devoir qui amènera chaque section à s’intéresser à la manière dont l’environnement peut y être abordé »

Après un an de vulgarisation scientifique, sujets de réflexions et remises en question de nos modes de vie du quotidien, il est temps pour la section Environnement de laisser sa place à une autre voix. Alors que cette étape prend fin, nous tenons à remercier toute l’équipe qui nous a fait confiance, qui nous a inspirées et qui nous a encouragées à nous dépasser. Nous voulons aussi remercier tous les contributeurs et contributrices qui ont fait vivre Environnement par leur engagement. C’est grâce à votre implication que la section et le journal au complet sont si uniques, et nous souhaitons encore vous lire! Ce n’est pas parce que l’environnement n’aura plus de section dédiée qu’il faudra arrêter d’en parler. Bien au contraire, nous souhaitons léguer au Délit un sens du devoir qui amènera chaque section à s’intéresser à la manière dont l’environnement peut y être abordé.

Même si l’action individuelle est limitée et qu’il faut changer les structures de notre société pour pouvoir véritablement adopter des comportements éco-responsables, cela ne nous empêche en rien d’agir dans le cadre des contraintes qui nous sont imposées. Les efforts de chaque individu additionnés ont souvent bien plus d’incidence que l’on ne peut le penser et se traduisent souvent à une échelle plus large. En créant la section Environnement, nous avons cherché à provoquer du changement à une échelle locale et communautaire en nous adressant aux étudiants mcgillois. Notre objectif était de les sensibiliser, les informer, afin de les influencer vers des pratiques plus durables, tout en les motivant à réfléchir et à s’engager eux-mêmes dans leur communauté. La vie militante du campus est vibrante et les initiatives environnementales continuent de s’y multiplier. Se rendre aux évènements organisés par le Bureau de durabilité de McGill, rejoindre un club environnemental, sont des occasions de rencontrer de nouvelles personnes, d’échanger des idées et de réduire son éco-anxiété. L’environnement n’a pas dit son dernier mot, car c’est à votre tour de prendre la parole et de vous impliquer dans sa défense.

À vous de jouer!

Vous pourrez toujours retrouver tous les articles de la section Environnement dans les archives sur le site web du Délit! delitfrancais.com

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Comment représenter la crise climatique? https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/comment-representer-la-crise-climatique/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56673 Entrevue avec le bédéiste Martin Patenaude-Monette.

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Si les requins ont si mauvaise réputation dans la culture populaire, c’est en partie à cause de la représentation qu’en ont fait à l’écran des films comme Les Dents de la mer de Spielberg. L’image de monstres terrifiants qui leur a été attribuée a suscité un manque d’empathie et de protection pour cette espèce pourtant menacée. Que ce soit à travers le cinéma, la photographie, le dessin de presse ou de bande dessinée, les images façonnent notre manière de percevoir le monde qui nous entoure et orientent nos opinions. Ainsi, ceux qui véhiculent de l’information et des messages à travers les images, qu’elles soient sous forme artistique, médiatique ou de propagande politique, ont un pouvoir d’influence incommensurable. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, nous consommons des images en lien avec le changement climatique toujours plus effroyables : l’embrasement des forêts canadiennes, les ravages causés par les ouragans aux États-Unis, et plus récemment les inondations meurtrières en Espagne. Mais comment représenter la crise climatique sans provoquer le désarroi?

J’aime vraiment le fait de raconter des histoires en images.

Martin Patenaude-Monette

Le Délit s’est entretenu avec l’illustrateur québécois Martin Patenaude-Monette qui a publié cette année une nouvelle bande dessinée intitulée Un sacrifice tout naturel. Au cours de cette rencontre, l’illustrateur et biologiste nous a parlé des avantages de la bande dessinée et de ses choix dans la manière de représenter les questions environnementales par ce médium.

Pourquoi la bande dessinée?

La particularité de la bande dessinée, contrairement à d’autres médiums visuels ou textuels, est qu’elle s’immisce dans une sphère intime. Elle se lit en vacances sur la plage ou lors d’une pause, pour occuper son temps libre. Dans Un sacrifice tout naturel, Martin PM (son nom de plume) a cherché à être au plus proche de ses lecteurs, en suivant et documentant le combat administratif de citoyens à l’encontre des projets de chantiers dans le Sud du Québec. Parmi ceux-ci, on retrouve entre autres un projet d’écoquartier menaçant la forêt du Lac Jérôme et la construction d’un lotissement à Notre-Dame-de‑l’Île-Perrot, dans le secteur du boisé Saint-Alexis. Le bédéiste permet de rendre les questions environnementales plus concrètes à ses lecteurs, en s’intéressant à ces grands dossiers qui affectent directement leur quotidien.

« J’aime vraiment le fait de raconter des histoires en images », nous confie l’illustrateur. Dans son enfance, Martin PM aimait réaliser des montages vidéos et il retrouve le même plaisir de l’assemblage de scènes dans le dessin de vignettes de bande dessinée. Dans les deux cas, il explique qu’il s’agit de « prendre des segments qu’on met bout à bout, qui créent des enchaînements, tant dans la narration que dans le mouvement ». Cela permet de « plonger le lecteur et de le transporter facilement dans le lieu ». Toutefois, la bande dessinée a ses avantages propres. Contrairement au cinéma, l’équipement est très léger, il suffit d’un carnet et d’un crayon. « On peut reproduire visuellement beaucoup de scènes du passé ou des endroits où on n’a même pas été à partir d’informations », témoigne Martin PM, « mais avec des moyens hyper accessibles et de manière beaucoup plus facile ». D’ailleurs, un dessinateur est nettement moins intimidant qu’un réalisateur doté d’une armée de caméramans, ce qui lui permet d’approcher plus facilement les habitants des lieux dont il souhaite raconter l’histoire. Enfin, la principale différence avec un film ou un documentaire, dans lesquels les images deviennent parfois accessoires et servent de support à la narration, c’est « la complémentarité entre le texte et l’image » qui est fondamentale dans la bande dessinée. Elle permet « une danse entre le texte et l’image », car certaines choses sont plus faciles à représenter par l’image que par le texte.

Il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre la représentation d’une réalité préoccupante et les messages d’espoir.

Vulgariser pour mieux éduquer

Il est difficile de ranger l’œuvre de Martin PM dans une catégorie fixe. Est-ce une enquête citoyenne? Du journalisme militant? L’illustrateur lui-même est incapable de le dire : « je considère que mon travail est relativement rigoureux et repose sur des documents, des faits, et des entrevues que j’ai menées », déclaret-il. Son ouvrage est une bande dessinée documentaire qui a pour but principal « d’informer en critiquant et en alertant ». Son rôle est ainsi pédagogique. Dans chaque grand dossier qu’il a suivi, Martin a constaté le manque de connaissance du public quant au mode de délivrance des autorisations environnementales pour les projets de développement. C’est le ministère de l’environnement qui a le pouvoir d’approuver ou non les demandes de nouveaux chantiers, qu’il refuse rarement. Comprendre la procédure juridique est crucial pour pouvoir bloquer un projet qui met en danger un milieu naturel. De la même manière, il s’est rendu compte des lacunes gouvernementales en matière de compréhension des mécanismes de protection de la biodiversité et des écosystèmes. Un sacrifice tout naturel cherche à combler ce manque d’éducation et à faire le lien entre les différentes sphères citoyenne, scientifique et politique.

Bien souvent, il s’agit simplement d’un problème de communication, qui nous empêche de nous comprendre. Afin de devenir ce pont pour la connaissance, l’enjeu de la représentation devient crucial. Comment rendre l’information accessible et intéressante pour tous?

Traiter des questions environnementales dans une bande dessinée demande un travail important de vulgarisation. Parce que la crise climatique est un problème complexe mêlant enjeux politiques, économiques, sociaux, et scientifiques, il n’existe pas de solution unique, ce qui peut souvent sembler décourageant. Le rôle du vulgarisateur est de simplifier l’information pour que le plus grand nombre y soit réceptif. « Quand tu fais de la vulgarisation, tu ne veux pas perdre les gens dans tous les détails. Mais en même temps, je ne voulais pas rester trop en superficie », nous expliquet-il. Pour atteindre le public le plus large possible, il agrémente le récit de multiples anecdotes qui exposent des cas concrets et permettent « d’humaniser le sujet, et de rejoindre les gens ». L’usage de la satire apporte une « petite touche d’humour qui peut aider à canaliser un peu la frustration de l’auteur et peut-être des lecteurs et des lectrices [vis à vis du manque d’action gouvernementale dans la protection de l’environnement, ndlr] », précise Martin PM.

Trouver le juste équilibre

Dans la représentation artistique comme pour la communication médiatique, il n’est pas toujours facile de parler de l’environnement sans adopter un ton alarmiste et évoquer les nouvelles négatives liées aux ravages causés par le changement climatique. Toutefois, il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre la représentation d’une réalité préoccupante et les messages d’espoir. Si les deux approches sont primordiales pour susciter une prise de conscience et le partage de l’information, l’une ne doit pas déborder sur l’autre. L’espoir motive à agir contrairement à l’absence de perspective future et le sentiment de fatalité inspiré par trop de pessimisme. De même, l’excès de positivité et la certitude d’une issue heureuse peuvent aussi conduire à la passivité et faire oublier la notion d’urgence. Trouver la juste nuance a été la mission que s’est donnée la section Environnement au cours de cette dernière année en intégrant pistes de solutions à mettre en place au quotidien, bonnes nouvelles environnementales et réflexions sur des sujets complexes nécessitant plus de détails et de profondeur.

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Sauvons Willy! https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/sauvons-willy/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56479 La menace des polluants éternels sur les mammifères marins.

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En octobre 2023, Anaïs Remili donnait sa première conférence TED intitulée Une menace invisible : les orques sous attaque (tdlr) à Cape May au New Jersey, peu de temps après avoir soumis sa thèse de doctorat à l’Université McGill. Dans son discours, la chercheuse, désormais post-doctorante à l’Université Simon Fraser à Vancouver, a présenté les résultats de sa recherche mettant en lumière l’impact dévastateur des pesticides et des contaminants industriels, appelés « polluants organiques persistants », aussi connus sous le nom de « polluants éternels », sur la santé des orques et autres mammifères marins. Elle a aussi rappelé le rôle primordial de ces espèces dans la régulation des écosystèmes et la préservation de l’équilibre des océans et de la planète.

Le Délit a interrogé la chercheuse, afin d’en apprendre plus sur les menaces, exacerbées par le réchauffement climatique, qui pèsent sur ces animaux majestueux.

Le Délit (LD) : Votre recherche a porté sur les polluants éternels. D’où proviennent-ils? Pourquoi sont-ils produits?

Anaïs Remili (AR) : Ces polluants ont commencé à être produits dans les années 30. Les BPC, à savoir les biphényles polychlorés [groupe de polluants éternels, ndlr], ont été créés par Monsanto et étaient ajoutés à des composés électriques, des peintures, ou des plastiques. Ce sont des molécules qui sont très stables chimiquement. Elles ne se dégradent pas avec le temps et la chaleur, ce qui explique pourquoi elles ont été massivement utilisées et donc, produites. Ce n’est pas avant les années 60 qu’on a réalisé que ces molécules se retrouvaient dans l’environnement sans se dégrader. C’était aussi le cas pour les pesticides organochlorés qui incluent notamment le DDT [Dichlorodiphényltrichloroéthane, ndlr]. Synthétisé par un chimiste autrichien en 1874, le DDT a commencé à être utilisé un peu partout comme pesticide dans l’agriculture à partir des années 40. Dans les années 70, on a compris qu’il commençait sérieusement à mettre en péril les pygargues à tête blanche, l’aigle emblème
des États-Unis. Comme pour les BPC, le pesticide s’introduit dans l’environnement, principalement à cause du ruissellement des eaux de pluie sur les parcelles contaminées, mais a aussi une affinité chimique particulière avec les lipides. En se liant aux lipides des organismes, il s’accumule le long de la chaîne alimentaire : à chaque maillon, lorsqu’un prédateur consomme une proie, il absorbe les contaminants présents dans celle-ci, ainsi que ceux provenant de son propre environnement.

LD : Les différentes espèces sont-elles affectées de la même manière par les contaminants?

AR : L’observation des concentrations des POP à travers six espèces de baleines et de dauphins à Saint-Pierre-et-Miquelon, juste en dessous de Terre-Neuve, montre que les contaminants sont les plus faibles dans les baleines à fanons, parce qu’elles se nourrissent de krill et de petits poissons comme les capelans. Ensuite, ce sont les dauphins, qui se nourrissent peut-être des plus gros poissons ou des poissons qui ont beaucoup de gras comme les harengs, qui ont accumulé beaucoup de ces contaminants. Les orques, parce qu’elles sont au sommet de la chaîne alimentaire, comptent parmi les espèces les plus contaminées au monde. Les concentrations de polluant sont au-delà de deux fois la limite de 41 mg/kg qui a été établie il y a des dizaines d’années, à partir de laquelle on commence à percevoir des risques au niveau du système reproducteur.

LD : Les polluants représentent une des menaces pour la santé des mammifères marins. Quelles sont les autres? Peut-on faire une hiérarchie des dangers?

AR : Faire une hiérarchie, c’est difficile, mais je pense que la pêche accidentelle fait partie des menaces principales. Quand des gros bateaux chalutiers viennent pêcher des poissons par milliers, de temps en temps, les dauphins de petite taille se retrouvent coincés dans les filets. Environ 300 000 cétacés se font attraper dans des filets chaque année dans le monde. Une autre menace est liée à l’abondance en proies qui est altérée par le changement climatique. De plus en plus d’espèces de poissons migrent vers le Nord, ce qui peut affecter
la distribution de ces proies. Les baleines à fanons, qui ont besoin d’énormes quantités de petits poissons ou de krill pour se nourrir, se retrouvent en difficulté lorsque ces proies viennent à manquer. Par ailleurs, tous les cétacés qui utilisent l’écholocation [moyen de localisation des obstacles et des proies grâce à l’écho d’émissions d’ultrason, ndlr], comme le dauphin, sont perturbés par le bruit environnant, comme celui d’un gros bateau, de la recherche sismique, ou de sonars, parce qu’ils ne sont alors pas capables de communiquer entre eux, de coordonner une chasse ou tout simplement de trouver leur proie. La contamination environnementale devrait être aussi inclue dans les principales menaces.

« Les orques, parce qu’elles sont au sommet de la chaîne alimentaire, comptent parmi les espèces les plus contaminées au monde »


Anaïs Remili, chercheuse

LD : Quel est le rôle de ces mammifères marins? Quel est leur impact sur l’équilibre de la planète?

AR : Les baleines à fanons capturent les gaz à effet de serre. Elles séquestrent beaucoup de carbone dans leur corps en se nourrissant, et en absorbent aussi depuis l’atmosphère. Quand elles meurent, elles tombent dans les abysses, où finit le carbone capturé. Aussi permettent-elles d’enlever du carbone de l’atmosphère pour le rendre aux océans. Elles ont également un rôle de fertilisant : leurs matières fécales contiennent énormément d’azote, qui est un fertilisant naturel pour les communautés de phytoplanctons qui se développent ainsi grâce à cet apport. Elles jouent donc un rôle majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour augmenter la productivité de nos océans. Ces phytoplanctons, par leur photosynthèse, absorbent jusqu’à 50% du dioxyde de carbone contenu dans l’atmosphère pour générer de l’oxygène. Les baleines à dents, comme les dauphins ou les orques, jouent un rôle essentiel parce qu’elles régulent toute la chaîne alimentaire. Si elles venaient à disparaître, les conséquences seraient terribles, parce que les proies qu’elles devraient manger commenceraient à se reproduire de manière exponentielle. [Cela risquerait de déséquilibrer tout l’écosystème, car l’augmentation des poissons qui se nourrissent du plancton entraînerait sa diminution, réduisant son effet de stockage de CO2, ndlr].

« Les pays doivent faire en sorte qu’il y ait des régulations plus strictes avant d’autoriser les produits sur le marché »
Anaïs Remili, chercheuse

LD : Quelles actions concrètes, à l’échelle individuelle, pourrait-on mettre en place pour protéger les animaux marins?

AR : Je pense qu’on peut faire déjà attention à ce qu’on consomme. C’est important de se rappeler que chacun de nos gestes et chaque chose qu’on achète apporte sa contribution à la pollution globale de notre planète. Éviter de commander des produits de fast fashion sur Temu peut déjà être bien. Il faut aussi essayer de ne pas supporter des industries qui utilisent des pesticides toxiques, bien que beaucoup aient déjà été bannis. Mais chaque fois qu’un polluant est banni, les industriels trouvent une faille et mettent sur le marché une molécule un tout petit peu différente, qui échappe aux règles et aux interdictions, mais qui a toujours un peu la même structure, ce qui crée des problèmes à répétition. Je sais que c’est difficile financièrement de pouvoir faire différemment, surtout quand on parle à un auditoire étudiant. Parfois, on est obligé d’acheter ce qu’on peut au supermarché, mais on peut éviter d’acheter ce qui est produit en masse et vivre en ayant conscience de son empreinte écologique. C’est aussi important de partager l’information avec ses amis, sa famille, essayer de sensibiliser les gens à ce qui se passe actuellement. À l’échelle un petit peu plus globale, il faut convaincre nos responsables politiques de mettre en place des tests de toxicité plus rigoureux avant d’autoriser n’importe quelle molécule sur le marché. À chaque fois, c’est ce qui se passe : on a remplacé nos BPC par les PBDE (polybromodiphényléthers), qui sont essentiellement les mêmes molécules, sauf qu’à la place du chlore, il y a du brome. On se retrouve avec le même problème. Ces molécules s’accumulent dans la chaîne alimentaire, affectant différents organismes à travers tous les écosystèmes. Puis, on a banni ces PBDE et on les a remplacés par des PFAS (subtances per- et polyfluoroalkylées). En conséquence, les perturbateurs endocriniens sont partout. Cela menace nos populations humaines, mais aussi tous les organismes à chaque étage de la chaîne alimentaire dans nos écosystèmes. Quand allons-nous apprendre et quand allons-nous établir des tests à l’avance, avant de commercialiser n’importe quoi? On peut également faire un effort sur ce qu’on mange, en évitant de consommer des produits provenant de la pêche industrielle. En Colombie-Britannique, l’initiative Ocean Wise certifie que certains poissons ont été pêchés de manière durable. En achetant des produits certifiés, on ne contribue pas au phénomène de surpêche, ni à la pêche accidentelle des dauphins. Devenir végétarien peut être une solution à l’échelle individuelle. Je sais que tout le monde ne peut pas devenir végétarien et c’est compréhensible, mais moi, personnellement, c’est un choix que j’ai fait depuis 13 ans pour essayer justement de faire ce que je peux de mon côté pour éviter de contribuer à la surpêche.

Chérine Baumgartner

LD : Les négociations internationales ont-elles un rôle à jouer dans la protection des mammifères marins?

AR : Oui, bien sûr. Pour les polluants éternels, il existe un traité des Nations Unies : la Convention de Stockholm. C’est un traité qui a été créé en 2001, entré en vigueur en 2004, pour bannir tous ces contaminants dont les BPC, les pesticides, etc. Il y a toujours des révisions, auxquelles on ajoute des nouvelles molécules, des nouveaux contaminants à la liste. Quand cette convention a été signée, les 152 pays signataires s’étaient engagés à éliminer tous les BPC avant 2028. On est très loin de cet objectif. Il faut que les différents pays mettent la main à la pâte. Il y a encore plein de composés dans lesquels on avait ajouté des BPC à l’époque qui sont encore contenus dans l’environnement ou dans des hangars où ils attendent d’être détruits. S’il se passe quoi que ce soit, si on a un accident, ils peuvent être déversés dans l’environnement de nouveau. Une fois qu’ils sont dans l’environnement, on ne peut pas les retirer. Les pays doivent faire en sorte qu’il y ait des régulations plus strictes avant d’autoriser les produits sur le marché et faire ce qu’ils ont dit qu’ils allaient faire, c’est-à-dire éliminer ces vieux contaminants. Pour l’instant, ce n’est pas du tout le cas. C’est un peu décourageant, mais il faut quand même redoubler d’efforts et se dire que si on ne veut pas tuer nos mammifères marins et si on ne veut pas empoisonner nos populations humaines, parce que ces contaminants ne s’accumulent pas que dans les mammifères marins, il faudrait quand même faire un petit effort.

« C’est important de se rappeler que chacun de nos gestes et chaque chose qu’on achète apporte sa contribution à la pollution globale de notre planète »

Anaïs Remili, chercheuse

Afin d’éduquer le public sur ces questions-là, Anaïs Remili a co-créé Whale Scientist, une plateforme en ligne sur laquelle les scientifiques en début de carrière peuvent partager leur connaissance des mammifères marins de manière ludique. Cette initiative a pour vocation d’inspirer de futurs chercheurs tout en satisfaisant la curiosité des amoureux du monde marin.

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Rouge, bleu… mais où est le vert? https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/rouge-bleu-mais-ou-est-le-vert/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56357 La place de l’environnement dans les élections américaines.

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À l’aube des élections américaines du 5 novembre, à l’issue desquelles nous connaîtrons le futur président des États-Unis, la planète entière retient son souffle. Le prochain mandat apportera-t-il un nouveau vent d’espoir, porteur de promesses pour faire face au changement climatique? Ou anéantira-t-il davantage toute perspective d’avenir durable? En tant que première puissance et économie mondiale, la participation des États-Unis dans la lutte climatique est indispensable pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2030. Depuis le mois d’août, le pays est ravagé par des ouragans puissants, comme ceux qui ont touchés la Floride (Helene, Milton). Conséquences du réchauffement climatique, ces catastrophes naturelles, qui bouleversent la vie de nombreux Américains, n’empêchent pas l’enjeu climatique de rester un sujet anecdotique dans la campagne présidentielle. Ceci reflète le faible intérêt que portent les citoyens américains des états clés quant au sort de l’environnement. Mais alors entre les deux candidats en lice, Kamala Harris pour le parti démocrate et Donald Trump pour le parti républicain, y a‑t-il un meilleur choix pour l’environnement?

Le paradoxe américain

Depuis la création de l’État fédéral, l’environnement occupe une place ambiguë dans l’histoire des États-Unis, à cheval entre sa protection et son exploitation. Ils ont largement participé à la prise de conscience mondiale quant à la nécessité d’agir pour la protection de l’environnement, entre autres par la création du premier parc national au monde, Yellowstone, fondé en 1872. Par ailleurs, en 1892, l’américain John Muir fonde le Sierra Club, l’une des premières organisations environnementales, qui avait pour objectif de préserver la « wilderness » (naturalité, tdlr), à savoir une zone exempte d’exploitation humaine. L’agence de protection de l’environnement a été créée sous le mandat républicain de Richard Nixon, peu de temps après la publication du livre Silent Spring de Rachel Carson, en 1962, qui dénonçait la toxicité des pesticides comme le DTT, et le danger que ceux-ci représentent pour la biodiversité.

« L’éthique capitaliste aux États-Unis est un élément important de la culture américaine, pour le meilleur et pour le pire. Et depuis les années 1980, il y a eu une forte opposition à de nombreuses réglementations environnementales »

Professeur Brendan Szendrő

Ces débuts d’un mouvement environnementaliste de conservation de la nature se sont accomplis au détriment des peuples autochtones, qui vivent depuis longtemps en harmonie avec la nature. Ces derniers ont été déplacés de force par les colons européens, qui ont saisi leurs terres, en justifiant cet acte au nom de la conservation de la nature. Interrogé par Le Délit, le professeur Brendan Szendrő, qui enseigne le cours de politique américaine POLI 325 à McGill, remarque qu’ « il y a toujours eu un chevauchement entre ces politiques de protection de l’environnement et les politiques à l’égard des populations autochtones, [qu’elles soient positives ou non, ndlr], (tdlr) ». On peut citer comme exemple les politiques instaurées sous le mandat de Nixon, où la création de l’Agence de protection de l’environnement a coïncidé avec l’abolition de la politique indienne d’assimilation, qui ne reconnaissait pas la souveraineté des tribus autochtones et forçait leurs membres à s’assimiler à la société américaine.

Aujourd’hui, les États-Unis sont l’un des plus gros pollueurs de la planète. En 2022, un Américain émettait en moyenne 14,9 tonnes de CO2 par an. Le pays se classe derrière la Chine comme deuxième plus grand pays émetteur d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Pour comprendre ce paradoxe, il est nécessaire de rappeler l’importance accordée à la liberté et au culte de l’individualisme, qui s’enracinent au plus profond
de l’histoire des États-Unis. La Déclaration d’indépendance, qui a donné naissance à la nation, cherchait à s’affranchir de la domination coloniale britannique ; c’est pourquoi le premier amendement de la Constitution scelle la liberté d’expression et de religion comme droits fondamentaux du peuple américain. Les États-Unis ont également vu naître l’idéologie néolibérale sous le mandat de Ronald Reagan dans les années 1980, qui repose sur « l’idée que la croissance économique est la plus efficace lorsque l’on réduit les réglementations et que l’on laisse les investisseurs faire ce qu’ils veulent », explique le professeur. Il ajoute : « L’éthique capitaliste aux États-Unis est un élément important de la culture américaine, pour le meilleur et pour le pire. Et depuis les années 1980, il y a eu une forte opposition à de nombreuses réglementations environnementales, simplement sur la base de cette culture de l’esprit d’entreprise et de la ferveur anti-réglementaire. » Par ailleurs, la classe ouvrière de l’Amérique rurale se méfie de la bureaucratie et résiste, comme les populations plus aisées, aux régulations gouvernementales en matière d’environnement, qu’elle considère comme « un moyen d’interrompre le mode de vie que les communautés ont construit sur plusieurs générations ».

« S’ils souhaitent être élus, les deux candidats doivent composer avec les préoccupations des électeurs des états pivots, dont le choix va déterminer le résultat des élections »

Realpolitik

Dans la campagne présidentielle actuelle, l’environnement est laissé de côté, mais ce n’est pas le seul enjeu oublié. « L’élection actuelle est pratiquement dépourvue de propositions politiques sérieuses », observe professeur Szendrő. Il poursuit : « Donald Trump fait campagne sur le thème “Je vais expulser les gens que je n’aime pas”. Et Kamala Harris fait campagne sur le thème “Pourquoi diable élire Donald Trump?” » Cela relève de la Realpolitik ou l’art du compromis, comme le souligne le professeur Norman Cornett, ancien professeur d’études religieuses de McGill, car « la politique doit être ancrée dans la réalité » et néglige les considérations idéologiques. S’ils souhaitent être élus, les deux candidats doivent composer avec les préoccupations des électeurs des états pivots, dont le choix va déterminer le résultat des élections. Or, bien souvent, leur réalité touche aux enjeux économiques dont les effets sont immédiats, comme l’inflation. Brendan Szendrő note que « le programme en faveur des combustibles fossiles est meilleur pour l’économie à court terme. À long terme, ce n’est pas le cas. Mais le long terme ne permet pas de gagner des élections. Les gens s’intéressent à l’inflation aujourd’hui, pas à l’inflation dans 20 ans ».

Eileen Davidson | Le Délit

Les enjeux géopolitiques de sécurité sont aussi prioritaires aux questions environnementales : « Si vous ne forez pas pour trouver du pétrole dans votre pays, vous allez dépendre de régimes qui sont, dans certains cas, caricaturalement mauvais, pour obtenir votre gaz. Cela aggrave la situation de votre économie, car vous importez plus que vous n’exportez. Cela vous affaiblit également en termes de politique étrangère, car vous dépendez désormais de despotes étrangers, qui pourraient, hypothétiquement, chercher à s’emparer de toute l’Europe de l’Est [la Russie de Vladimir Poutine, ndlr] », explique le professeur Szendrő.

Ces considérations peuvent expliquer le revirement de Kamala Harris quant à la question de la fracturation hydraulique, une pratique qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans la terre pour extraire le pétrole et le gaz qui s’y trouvent. Lorsqu’elle faisait campagne en 2019 pour la présidence des États-Unis, elle se présentait comme une candidate progressiste et s’était engagée contre cette pratique destructrice pour l’environnement. Dans le passé, en tant que procureure générale de la ville de San Francisco, elle avait établi une unité de justice environnementale et avait poursuivi certaines compagnies pétrolières en justice. Cependant, depuis son ascension au poste de vice-présidente, elle affirme son soutien à la pratique controversée. Lors du débat présidentiel contre son adversaire républicain qui se tenait à Philadelphie dans l’État de Pennsylvanie, elle s’est même vantée « que sous l’administration Biden-Harris, les États-Unis ont tiré plus de barils de pétrole que dans toute l’histoire américaine », précise le professeur Cornett. Si l’on peut trouver cette attitude surprenante au premier abord, on comprend très vite les motivations de la vice-présidente : « On ne peut pas gagner [les élections, ndlr] sans gagner l’État de la Pennsylvanie, puisque cela implique 19 votes au collège électoral », explique le professeur Cornett. Or, le gaz naturel est le moteur de l’économie dans cet État pivot. Interdire la fracturation hydraulique reviendrait à s’aliéner les électeurs de Pennsylvanie et ainsi perdre les élections.

« On ne peut pas gagner [les élections, ndlr] sans gagner l’État de la Pennsylvanie, puisque cela implique 19 votes au collège électoral »

Professeur Norman Cornett

Absence de parti vert

Pour Brendan Szendrő, l’absence de proposition politique concrète est renforcée par la polarisation de plus en plus exacerbée du système politique américain, qui « gèle la prise de décision politique ». D’ailleurs, « le fait que le système soit conçu de manière à ce qu’un seul des deux partis puisse gagner les élections signifie que les tiers partis n’ont pas de programme sérieux ». Beaucoup se présentent avec l’intention de perdre. Selon le professeur Szendrő, « parce que les partis tiers savent qu’ils ne peuvent pas gagner, ils sont des foyers de corruption et essaient surtout de faire perdre l’un des deux partis, et non pas de faire avancer la politique ». Ainsi, le parti vert des États-Unis ne peut pas être comparé aux partis environnementaux d’autres démocraties. Jill Stein, à la tête du Green Party, a été impliquée dans des situations compromettantes, comme une rencontre avec Vladimir Poutine. Tandis qu’au Canada, le Nouveau Parti Démocratique (NPD) se présente comme une alternative aux partis libéral et conservateur, « aux États-Unis, cette troisième voie de la social-démocratie n’existe pas », analyse le professeur Cornett. Or le NPD est souvent « le parti qui s’intéresse le plus aux questions climatiques ». C’est ce qui explique le manque d’attention accordé à la politique environnementale.

Selon le professeur Norman Cornett, les lobbys politiques jouent également un rôle clé dans les élections et la politique américaine. Les candidats s’appuient sur le soutien de ces groupes d’intérêt pour financer leur campagne. « Le plus grand lobby pétrolier aux États-Unis, c’est l’ American Petroleum Institute, dont le PDG est Mike Somers », explique le professeur Cornett. C’est pourquoi, de nombreux élus se transforment en « porte-paroles pour l’industrie pétrolière », car leur survie politique en dépend.

« Pour que l’environnement soit à nouveau inscrit sur les bulletins de vote aux États-Unis, le plus simple à court terme est de lancer des initiatives au niveau des États »

Professeur Brendan Szendrő

La menace Trump

Bien que le programme de Kamala Harris en matière d’environnement puisse décevoir, il a le mérite de reconnaître que le changement climatique est réel. Sous la présidence de Biden, la loi sur la réduction de l’inflation de 2022 a permis de dégager des sommes considérables pour investir dans des solutions climatiques et d’énergie propre. L’alternative Trump, candidat climatosceptique dont l’un des slogans préférés est « Drill, baby, drill! », équivaudrait à tuer dans l’œuf tout espoir d’avancée en matière d’environnement. On se souvient du bilan environnemental catastrophique de Trump sous son premier mandat : retrait de l’Accord de Paris, élimination du Clean Power Plan qui contraignait les centrales à charbon à réduire leurs émissions, ou encore affaiblissement du National Environmental Policy Act qui soumettait des projets majeurs à une évaluation environnementale.

Finalement, a‑t-on vraiment le choix? « Si Kamala gagne, il y a beaucoup plus de possibilités de relancer certaines de ces initiatives [environnementales, ndlr] », indique le professeur Szendrő. Par opposition, « si Trump gagne les élections, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de solution possible, mais cela veut dire que le temps nécessaire à la mise en œuvre de ces solutions est beaucoup plus long ». L’option Trump reviendrait ainsi à renoncer aux progrès réalisés sous l’administration Biden, pour perdre à nouveau quatre ans de potentielle avancée en matière climatique. Les conséquences pour le reste du monde seraient majeures car « les États-Unis sont le pays le plus puissant du monde, autant sur le plan militaire qu’économique », rappelle le professeur Szendrő. « Et ils sont le chef de file du monde démocratique. Par conséquent, lorsque les États-Unis ne s’intéressent pas à la politique environnementale, il est d’autant plus difficile de rallier d’autres pays à cette politique, notamment parce que les politiques environnementales consistent souvent à privilégier le long terme au détriment du court terme. » Le professeur explique qu’il s’agit du problème classique, en science politique, de la tragédie des biens communs : « La plupart des pays sont réticents à adopter une politique environnementale si tous les autres pays ne sont pas prêts à faire de même. Ainsi, si les États-Unis ne sont pas disposés à investir dans la protection de l’environnement, il est beaucoup plus difficile de convaincre des pays comme la Russie et la Chine de suivre le pas. »

À l’échelle des États

Selon le professeur Szendrő, « pour que l’environnement soit à nouveau inscrit sur les bulletins de vote aux États-Unis, le plus simple à court terme est de lancer des initiatives au niveau des États ». Il souligne le pouvoir des États d’appliquer des politiques respectueuses de l’environnement à court terme: « Dès que vous franchissez la frontière entre l’Arizona et la Californie, tout change. Du côté de l’Arizona, tout est gris. Et du côté californien de la frontière, tout est vert », remarque-t-il. Néanmoins, il ne faut pas négliger le rôle du gouvernement fédéral, dont l’action est primordiale pour les solutions à long-terme. Mais pour cela, le professeur note que « la première chose à faire au niveau fédéral est de trouver un moyen d’abaisser la température de la polarisation politique aux États-Unis. Si l’on ne parvient pas à réduire la polarisation, alors toutes ces initiatives sont vouées à l’échec ».

Sur une note plus positive, le professeur Szendrő souligne que « dans une société démocratique, la recherche d’un consensus est le moyen le plus facile d’aller de l’avant ». Il note que « de nombreuses initiatives environnementales au niveau local sont nées de cette collaboration entre les organisations environnementales, d’une part, et les entreprises polluantes, d’autre part. » Ainsi, il est parfois possible de trouver un terrain d’entente « pour tenter d’élaborer des politiques mutuellement bénéfiques pour l’environnement et l’économie ».

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Faire tomber le masque en chantant https://www.delitfrancais.com/2024/10/09/faire-tomber-le-masque-en-chantant/ Wed, 09 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56265 Une critique de Joker : Folie à deux.

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Sorti au Canada le 4 octobre au cinéma, le Joker fait son retour anticipé sur le grand écran dans le nouveau film de Todd Philipps intitulé Joker : Folie à deux. Le rire d’Arthur Fleck, personnage principal interprété par Joaquin Phoenix, est toujours aussi infatigable, même dans les conditions sommaires de sa cellule à l’hôpital psychiatrique Arkham de Gotham City. Deux ans après s’être révélé au public sous l’identité du Joker, Arthur Fleck attend d’être jugé au tribunal pour ses crimes (voir Joker, 2019). Mais était-il vraiment lui-même au moment de l’acte? Souffre-t-il de schizophrénie ou n’est-il qu’un criminel qui joue le rôle de l’acteur clownesque?

Des airs de La La Land

Si l’on retrouve le personnage principal du premier film aux perspectives de bonheur toujours aussi maigres, la tonalité de ce deuxième volume n’est plus la même. La mélodie sombre et grinçante des violons qui sert
de thème est éclipsée par des sonorités de jazz qui rappellent la bande originale du film La La Land. Casting de Lady Gaga oblige, le drame psychologique prend une tournure de comédie musicale qui se prête à une mise en scène parfois dansante. La chanteuse-actrice américaine interprète le rôle de Lee Quinzel, une patiente avec qui Arthur peut partager sa folie. Ensemble, ils forment un couple extravagant et apportent une légèreté aux coulisses ténébreuses de l’intrigue. La scène de danse sur les toits offre un magnifique tableau romantique et semble être tout droit inspirée de celle de Mia et Sébastien sous les étoiles dans La La Land. Le réalisateur a pris de nombreux risques artistiques pour donner une nouvelle esthétique au long métrage : ombres chinoises, spectacle de claquettes, dessin animé… L’aspect musical ajoute une profondeur supplémentaire au film tout en apportant de la douceur à des images souvent empreintes de violence. Les scènes de performance musicale s’incorporent adéquatement à l’atmosphère de la ville insalubre, à l’inverse des dialogues chantés qui résonnent de manière discordante avec l’univers désenchanté.

Qui est le vrai coupable?

Dans un jeu de cartes, il y a toujours un Joker et il a le pouvoir de faire ce qu’il veut. En se cachant derrière l’identité du Joker, Arthur cherche à se protéger de la société, qui a fait de lui un marginal. Sous ce masque aux traits grossièrement maquillés, il peut être quelqu’un d’autre et s’affranchir du statut de victime qui lui colle à la peau. Lorsqu’il adopte son costume burlesque, il attire soudain l’attention et devient une source de divertissement. Ainsi, depuis son arrestation, un dessin animé le mettant en vedette est diffusé à la télévision. Le drame d’Arthur Fleck est ainsi transformé en un élément de culture populaire, à consommer à volonté. Les criminels sont mis en porte-à-faux, servent de bouc émissaires et doivent porter les blâmes moraux de la société qui a fait d’eux des meurtriers. Dans le premier volet du Joker, Arthur est à l’origine un innocent qui « ne ferait pas de mal à une mouche (tdlr) » mais qui, poussé à bout au terme d’une série de persécutions, se transforme en assassin. Si au début de ce nouveau film, il semble être redevenu lui-même, soit un personnage pour lequel on éprouve de l’empathie, il finit par recouvrer l’identité terrifiante du clown meurtrier lors du procès, après des journées harassantes d’interrogatoire et de violences quotidiennes. Finalement, ne serait-ce pas la société qui l’a perverti?

Tout le monde s’en fiche

Le film dépeint des conditions carcérales déshumanisantes. Les internés de l’hôpital ne sont pas traités comme des patients mais comme des prisonniers aux corps faméliques. Ils subissent en permanence des violences psychologiques et physiques. L’avocate d’Arthur Fleck déplore le manque d’accompagnement des services sociaux apporté aux personnes ayant vécu des traumatismes dans leur enfance, et dénonce les répercussions sur leur santé mentale en tant qu’adultes. Ce dont Arthur a vraiment besoin, c’est de voir un docteur pour pouvoir réintégrer la société. Le film finit comme il a commencé : Arthur est toujours dans sa cellule, où il est maltraité. La société ne lui a laissé aucune possibilité d’évolution, ni de seconde chance, si tant est qu’il ait jamais eu la première. Lee s’avère être en ce sens la métaphore de cette société qui abandonne ses marginaux ; une fois qu’Arthur a renoncé à l’identité du Joker, il n’a plus d’intérêt à ses yeux.

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Magasiner en confiance https://www.delitfrancais.com/2024/10/02/magasiner-en-confiance/ Wed, 02 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56130 Karavel, une plateforme de vente en ligne informationnelle.

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Nombreux sont ceux qui ont tendance à diaboliser les entreprises et le monde des affaires, les accusant de n’être qu’à la recherche de profit, souvent au détriment des considérations sociales, éthiques et environnementales. À force d’être bercés par les discours d’écoblanchiment (greenwashing), on peut les comprendre. Néanmoins, certains clichés sont à nuancer, car ce serait adopter une vision manichéenne que de ranger tous ces acteurs dans le même panier. Certaines initiatives entrepreneuriales contribuent à leur manière à la cause environnementale et poussent vers une consommation plus raisonnée en utilisant les codes de notre modèle économique et sociétal pour le faire évoluer de sorte qu’il respecte mieux l’environnement.

Le Délit s’est entretenu avec les cofondateurs de l’entreprise Karavel, Karl Godin et Timothé Bouchard. Karavel est une petite entreprise québécoise de vente en ligne de produits locaux qui encourage la transition vers un mode de vie plus vert.

Acheter local et informé

Karl et Tim sont deux amis d’enfance. Ensemble, ils ont décidé de monter leur entreprise en 2019, mettant ainsi leurs carrières professionnelles au service de leur combat environnemental. À l’origine, l’idée était de créer « un genre d’Amazon, mais local », raconte Karl. Tous les deux avaient connu des difficultés dans leur vie quotidienne, en tant que consommateurs, à se renseigner sur les produits qu’ils achetaient : « On voulait acheter plus éthiquement, plus localement, et avec plus de considération pour l’environnement. Mais on avait beaucoup de difficultés à trouver des sites qui font une agrégation de bons produits, puis qui nous donnent l’évaluation de leurs impacts avant ça », explique Tim. C’est pourquoi, ils ont décidé de créer une plateforme informationnelle de magasinage en ligne, afin d’aider le consommateur à faire des achats plus responsables en connaissance de cause. Ainsi, leur plateforme cherche à répondre aux questions suivantes : est-ce que les matières premières sont durables? Est-ce que le produit trouve ses sources à l’autre bout de la planète?

Le nom Karavel est dérivé de la caravelle, un navire à voiles utilisé lors des voyages de découvertes au 15e siècle. Elle était aussi utilisée pour transporter de la marchandise. Karl justifie le choix : « Honnêtement, c’est juste que phonétiquement, on aime beaucoup le son, puis ce que ça peut évoquer sans nécessairement faire allusion à l’aspect nautique ». Aussi, la plateforme Karavel accompagne le consommateur en lui donnant toutes les clés pour faire un choix éclairé et sûr. « Notre objectif, c’est d’offrir quelque chose qui soit vraiment aligné le plus possible avec nos valeurs, et celles de ceux qui ont la société, la communauté, et l’environnement en tête quand ils magasinent. Notre objectif, c’est vraiment de créer quelque chose de facile à naviguer, puis aussi d’être capable de bien présenter et mettre en valeur les produits de qualité qui sont disponibles sur le marché », poursuit Karl. Les deux cofondateurs ont fait le choix de mettre l’accent sur les produits locaux, qu’ils regroupent sur leur plateforme. Tim souligne que « même les produits locaux, souvent, on ne sait pas comment ils sont faits. On ne sait pas nécessairement quelle entreprise les a faits, ni comment ».

Sur Karavel, on retrouve une sélection de produits de soin personnel et de ménage, à savoir « des produits du quotidien » qu’on a toujours besoin d’acheter. Il ajoute que « la façon dont on réfléchit souvent, c’est de penser à tous les produits qu’on utilise au quotidien. On se lève le matin, on prend notre petit café matinal, après on prend notre douche, on a besoin de notre shampoing, etc. ». On y retrouve donc surtout des produits essentiels, c’est « un peu comme une pharmacie » suggère Karl. En effet, l’idée n’est pas d’encourager la surconsommation ou les achats inutiles.

Impact communautaire

Pour choisir les produits qu’ils mettront sur leur plateforme, Tim et Karl font non seulement attention à leur provenance, mais aussi à leurs caractéristiques environnementales. Les produits locaux permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par le transport de marchandises. Ils essayent le plus possible de sélectionner des produits sans emballages comme les shampoings solides ou avec des emballages réutilisables, compostables. Ils font également attention à leurs ingrédients et leur empreinte écologique. Karl donne l’exemple de la crème solaire disponible sur la plateforme à la fois en forme solide et en forme liquide, dont la composition n’a pas d’impact négatif sur les coraux dans les océans. Enfin, les produits ayant reçu des certifications environnementales ou sociales, ou effectuant de la compensation carbone sont également priorisés.

Karavel est une entreprise qui s’engage pour la communauté, et qui n’est pas seulement intéressée par le profit. 1% de la valeur de chaque commande sur leur site est remis à un organisme environnemental. Par ailleurs, le 28 mai dernier, à l’occasion de la journée de l’hygiène menstruelle, l’entreprise a annoncé donner l’entièreté des bénéfices bruts reçus au cours de l’année de 2024 avec la vente de produits d’hygiène féminine à l’association Dignité mensuelle, qui en fournit gratuitement. « En renonçant aux bénéfices bruts, nous visons à combattre la précarité menstruelle tout en encourageant une discussion sur les enjeux éthiques associés au profit et aux produits menstruels », avaient-ils écrit sur leur site. Selon eux, « le sexe ne devrait pas avoir d’incidence sur le coût de la vie » et « l’accès aux produits d’hygiène féminine est souvent trop coûteux ».

« L’objectif, c’est aussi d’être réaliste dans ce que le monde est capable de faire, et de transitionner ce fardeau-là de l’individu vers les entreprises »

- Karl Godin, cofondateur de Karavel

Écologie réaliste

Tim souligne que de nombreuses entreprises cherchent aussi à avoir un impact communautaire positif, en proposant des collectes de déchets par exemple. Tim et Karl prévoient également de soutenir les artistes locaux en leur permettant d’illustrer les cartes de livraison de Karavel, livraisons qui sont neutres en carbone grâce à Shopify Planet, une application qui compense les émissions émises lors du transport maritime des marchandises en soutenant les technologies d’élimination du carbone. Ce genre d’actions permet de faire face à un certain complexe en tant qu’entreprise en ligne qui se veut environnementale, comme l’admet Tim : « Quand on est une boutique en ligne, c’est difficile d’être complètement écolo. Il y a quand même tout le coût environnemental lié à l’envoi. » Voilà pourquoi ils priorisent les produits qui n’ont pas un gros volume et qui n’ont pas besoin d’être transportés. Ils s’assurent aussi de rester dans la gamme des produits essentiels et de « bien informer notre clientèle pour ne pas encourager non plus la surconsommation ».

Tim et Karl partagent une philosophie réaliste de l’écologie. Leur objectif est d’accompagner leur clientèle vers des habitudes de consommation plus durables sans leur demander un changement radical de mode de vie. « C’est difficile d’être écologique à 100% », constate Karl. Il ajoute : « On a chacun nos fardeaux, on a chacun nos raisons d’agir d’une certaine façon. Nos clients, et nous-mêmes, on est tous un peu paresseux jusqu’à un certain point. Être 100% écologique, on pourrait le faire. Ce n’est pas impossible, mais ça a un impact sur notre santé mentale. Quand tu prends cette charge-là en tant qu’individu, ça devient vraiment difficile. » L’engagement de Karavel cherche à soulager la responsabilité de l’action individuelle en la rendant plus facile. « L’objectif, c’est aussi d’être réaliste dans ce que le monde est capable de faire, et de transitionner ce fardeau-là de l’individu vers les entreprises », conclut-il. Parfois, s’adapter au système économique de notre société nécessite de favoriser des changements progressifs qui à long terme auront un impact significatif sur la réduction de nos émissions de dioxyde de carbone. Tim conclut lui aussi : « C’est un petit peu ça notre mentalité pour l’ensemble des produits où parfois, on doit faire des petits sacrifices [en vendant certains produits non réutilisables, ndlr] pour essayer d’aller chercher plus de gens, faire grossir notre communauté. Mais c’est aussi une manière de transférer plus de gens vers des habitudes qui sont plus vertes. »

Aujourd’hui, Karavel se lance dans un nouveau chapitre et va étendre ses ventes sur des produits de qualité en se concentrant un peu moins sur l’aspect environnemental. L’entreprise garde toutefois sa ligne directrice étant de garder une transparence complète sur les produits qu’elle promeut afin de continuer à permettre l’achat informé.

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Une journée au campus Macdonald https://www.delitfrancais.com/2024/09/25/une-journee-au-campus-macdonald/ Wed, 25 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55966 À la découverte d’une ferme aux multiples visages.

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D’où provient la viande que l’on achète en épicerie? Comment a‑t-elle été produite? Longtemps chasseur- cueilleur, l’Homme a toujours su trouver sa nourriture dans la nature par lui-même et ce n’est que récemment qu’il a commencé à se poser ces questions. Aujourd’hui, la majorité de la population est totalement déconnectée du processus de production alimentaire et se nourrit de ce qu’elle trouve en magasin, se fiant uniquement aux étiquettes sur la composition et provenance des produits. Parfois, le consommateur décide d’acheter du bio et se sent écolo sans savoir réellement si l’étiquette ne cache pas une réalité moins verte. Finalement, seuls les acteurs du système agroalimentaire connaissent les dessous de la production. Or, il est essentiel de savoir ce que l’on mange au quotidien, car cela impacte à la fois notre santé et l’environnement.

Afin de mieux comprendre l’origine des aliments qui se retrouvent dans notre assiette tout comme celles des cantines de McGill, nous nous sommes rendues à la ferme du campus Macdonald. Cette escapade d’une matinée nous a offert une bouffée d’air dans notre quotidien éreintant d’étudiantes-citadines. Parfois, il suffit d’un retour à la terre pour se rafraîchir la tête et s’échapper de notre monde de béton.

Loin de la ville

Le campus Macdonald se situe à l’extrémité Sud-Ouest de l’île de Montréal, dans la ville de Sainte-Anne-de-Bellevue, à 32 kilomètres du campus du centre-ville. Pour s’y rendre, il est possible de prendre la navette gratuite offerte par McGill dont on peut retrouver les horaires sur le site de transport de McGill.

Nous nous retrouvons devant le bâtiment Sherbrooke 680 d’où part la navette pour rejoindre le campus Macdonald. Le trajet jusqu’au campus Macdonald ne dure qu’une trentaine de minutes. Peu de temps après notre arrivée, nous voilà déjà apaisées par la quiétude qui règne sur le campus délocalisé. À quelques dizaines de mètres du fleuve Saint-Laurent, les étudiants étudient dans l’herbe qui s’étend à perte vue. Ici, l’environnement est dans toutes les consciences. Après avoir vagabondé entre les bâtiments de cours, nous gagnons la campagne et les champs. Nous finissons par distinguer la ferme Macdonald, plus facilement accessible en voiture qu’à pied. L’odeur de fumier pénètre nos narines : pas de doute, nous sommes au bon endroit.

Au cœur de la ferme laitière

Poursuivant notre route, nous arrivons au complexe d’élevage laitier, où nous apercevons à travers la grille de l’étable une employée en train de s’occuper des vaches. Celle-ci nous invite à la rejoindre pour nous faire visiter le complexe et, au passage, répondre à nos questions. Nous enfilons des couvre-chaussures en plastique, « pour des raisons de biosécurité et pour garder les chaussures propres (tdlr) », nous explique Aynsley Merk, technicienne animalière pour le troupeau laitier de recherche de l’Université McGill. Aynsley fait partie d’une équipe de cinq techniciens qui s’occupent du troupeau et de l’entretien de l’étable.

Adèle Doat | Le Délit

Une fois à l’intérieur, Aynsley nous prévient que la prise de photos nécessite une autorisation des Comités du soin des animaux des installations (Facility Animal Care Committees). Dans les étables, il est difficile de s’entendre entre le bruit des machines et des animaux. Nous sommes arrivées tout juste au moment où les vaches venaient de rentrer après leur exercice extérieur quotidien. L’équipe était en plein ménage : « Elles sortent généralement pendant deux heures dans l’après-midi, après avoir été nourries et traites », nous explique Aynsley. Elle nous décrit les sortes de vaches dans l’étable : « Comme vous pouvez le voir, nous avons des vaches laitières de différentes races. La plupart d’entre elles sont des vaches noires et blanches. Ce sont des Holstein. Nous avons aussi des vaches brunes appelées Jersey et celle-ci est une Suisse brune. » Caressant la vache en question, Aynsley poursuit : « Elles sont toutes très amicales parce que nous les touchons tout le temps. Elles sont vraiment habituées aux humains. Nous les éduquons pour qu’elles soient gentilles, car nous avons des étudiants qui travaillent ici et nous ne voulons pas qu’ils se blessent. »

La ferme laitière du campus Macdonald sert avant tout à la recherche et à l’éducation. Certains étudiants rendent visite aux vaches dans le cadre de leur cours : « Les étudiants du programme de santé animale viennent travailler avec elles pour apprendre [entre autres, ndlr] à prendre leur température. Tous les cours de biologie animale comportent généralement une visite de l’installation laitière. Il y a un programme de Gestion et technologies d’entreprise agricole, qui y est présent en permanence. »

Un des projets de recherche en cours à la ferme laitière est guidé par la professeure Elsa Vasseur, et porte sur le bien-être des animaux et la recherche comportementale. Aynsley nous explique que la ferme du campus utilise ce qu’on appelle une installation de stalles à attaches : « C’est une vieille école dans le sens où les animaux sont attachés à une stalle, mais c’est [l’installation, ndlr] que l’on trouve le plus au Canada et au Québec. Je pense que le monde évolue vers un environnement libre où les animaux ne sont pas attachés, où ils ont une aire de repas et une aire de couchage, et ils ont plus d’autonomie, mais ils ne sortent pas à l’extérieur. » La professeure Vasseur s’intéresse à améliorer le bien-être des vaches dans l’étable du campus. Son équipe et elle font des tests de personnalité sur les animaux. Aynsley nous pointe un système de cordes et poulies attachées au plafond de l’étable : « Toutes ces lignes servent à attacher différents objets, que nous plaçons devant [les vaches, ndlr] et nous filmons ce qu’elles font avec. »

Un autre projet de recherche en cours est celui du professeur Raj Duggavathi. « Ses étudiants au doctorat s’intéressent généralement à la physiologie de la reproduction, plus précisément aux cycles œstraux et à la présence de marqueurs dans le sang et le lait. » Les éleveurs de vaches laitières tendent à se débarrasser des vaches qui ne tombent plus enceintes, car elles ne produisent plus autant de lait. « Nous aimerions donc que nos vaches vivent longtemps, la longévité est donc l’un de nos principaux objectifs », nous explique Aynsley. « L’espérance de vie moyenne d’une vache laitière dans l’industrie, dans les grandes exploitations au Canada, est de cinq ans », selon la technicienne, « La vache la plus âgée que nous ayons jamais eue ici avait 18 ans, et elle était vieille! »

En plus d’être une ferme de recherche et d’éducation, elle vend le lait produit à des fins commerciales : « [Les vaches, ndlr] sont traites deux fois par jour. Au Canada, tout est acheminé au même endroit, mélangé au lait de toutes les autres fermes, et les produits sont ensuite distribués. Chaque fois que vous mangez du fromage OKA ou du Québon, il se peut que cela vienne d’ici. » Aynsley nous fait entrer dans une autre pièce dans laquelle se trouvent les veaux : « Si nous gardions tous les bébés, nous ne pourrions pas fonctionner. C’est pourquoi nous élevons un certain pourcentage de notre troupeau pour en faire de la viande de bœuf. »

« Je pense que ce qui m’enthousiasme le plus dans mon travail, c’est de voir à quel point les consommateurs ont du pouvoir et à quel point des changements positifs se profilent à l’horizon. »

Aynsley Merk, technicienne animalière

Aucun doute, Aynsley aime son quotidien. Elle connaît chaque vache par son nom (Starburst, Bahamas, Abba, etc.), et peut même distinguer leurs personnalités : « Elles sont toutes totalement différentes. Et nous avons tous nos préférées. » Son travail a eu beaucoup de conséquences sur sa vie, notamment sur son alimentation : « Ce que je préfère raconter aux gens, c’est que j’ai été végétarienne pendant la majeure partie de ma vie, parce que je me suis toujours sentie inconfortable par rapport à l’agriculture animale. J’ai eu l’occasion d’assister à des conférences et de parler à de vrais producteurs affiliés à des universités. Et ce que l’on constate surtout, c’est qu’ils aiment leurs animaux. Je me sens beaucoup mieux à l’idée de manger des produits d’origine animale aujourd’hui parce que je vois qu’on s’occupe d’eux. Il ne s’agit pas d’une culture d’abus, du moins pour les produits laitiers et le bœuf. » Elle ajoute : « Je pense que ce qui m’enthousiasme le plus dans mon travail, c’est de voir à quel point les consommateurs ont du pouvoir et à quel point des changements positifs se profilent à l’horizon. »

Aynsley témoigne de l’influence des changements de mentalité sur l’industrie : « En effet, lorsque les laits alternatifs sont apparus, comme le lait d’amande et le lait d’avoine, l’industrie laitière a commencé à changer. Elle se demandait comment faire pour que les gens se sentent à nouveau à l’aise en buvant du lait. C’est ainsi que l’on voit apparaître ces éléments dans le code de bonnes pratiques ou dans diverses lignes directrices auxquelles tous les agriculteurs doivent se conformer. On assiste à de grands changements dans le domaine du bien-être animal. Par exemple, plus personne ne pourra construire d’étables avec des stalles à attaches. De notre côté, nous attendons une nouvelle étable, mais McGill, comme vous le savez, traverse un peu une période difficile… »

« Toutes les personnes que nous avons interrogées ont mentionné le manque d’attention et de visibilité donné à la ferme du campus Macdonald. Les projets de nouvelles infrastructures ne semblent pas être la priorité de McGill »

L’agriculture régénératrice

Aynsley souhaite nous faire rencontrer Janice Pierson, la responsable de la ferme, mais elle est absente de son bureau. Alors que tous les employés cherchent à la contacter pour qu’elle puisse nous recevoir, en vain, nous nous résignons à lui envoyer un courriel et poursuivons notre visite. Nous nous dirigions vers le Mac Market, ouvert de juillet à novembre, qui vend des fruits et légumes de saison produits sur le campus Macdonald quand, soudain, une voiture nous arrête. Il s’agit du professeur Raj Duggavathi, dont nous avait parlé Aynsley. Il arrive à temps pour nous prévenir que Janice est de retour. La nouvelle de notre visite surprise a donc vite fait le tour du campus.

Juliette Elie | Le Délit

Janice ne tarde pas à nous rattraper et nous faisons sa connaissance. « J’ai obtenu mon diplôme en 2000 au campus Macdonald et je suis revenue 23 ans plus tard pour devenir cheffe d’exploitation. Et je ne viens pas d’une ferme. Je viens de la jungle de béton de Toronto! », explique-t-elle. Janice a décidé de consacrer sa vie à la ferme et à ses animaux. Fièrement, elle nous décrit son lieu de travail d’une superficie de 250 hectares de terre qui ne comprend pas que la ferme laitière mais aussi le centre d’horticulture, ou encore l’unité de volaille. Janice met en avant le rôle de la ferme Macdonald dans le projet McGill Feeding McGill, lancé il y a dix ans. Grâce à cette initiative, chaque année, 25 000 kg de fruits et légumes produits par le centre de recherche d’horticulture remplissent les cuisines des cafétérias de McGill.

La ferme cherche à développer une agriculture plus durable. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle va devenir une ferme biologique. Janice explique : « On parle beaucoup du bio comme étant bon pour la santé, mais il y a des choses bio qui, sur le plan de l’environnement, ne sont pas toujours les meilleures. Par exemple, c’est le cas pour le travail du sol. Dès que l’on commence à labourer un champ, on libère beaucoup de CO2. Nous, nous pratiquons l’agriculture sans labour. » Ce qu’ils ont décidé de faire plutôt que de mettre en place une agriculture biologique, c’est de développer l’agriculture régénératrice. Cette méthode vise à préserver la qualité des sols en adoptant des pratiques de culture et d’élevage plus raisonnées, notamment en favorisant la biodiversité dans les sols pour augmenter leur teneur en matière organique. Selon Janice, cela « ouvre de nombreuses possibilités ». Elle a un plan très précis en tête pour le futur de sa ferme : « Dans nos champs, j’aimerais que les andains [alignement de foin, ndlr] descendent jusqu’en bas parce qu’un jour, j’espère que les vaches iront paître là sans avoir à traverser de route. »

« Nous devons apprendre à faire de l’agriculture un peu mieux et un peu plus doucement et à travailler avec l’environnement »

Janice Pierson, responsable de la ferme

Dans sa vision de l’avenir, les pesticides occupent une place moindre. « L’objectif, c’est d’utiliser moins de produits chimiques. Cela ne signifie pas que nous n’en utilisons pas, mais que nous en utilisons beaucoup moins et que nous adoptons des pratiques plus responsables. Par exemple, nous plantons des cultures de couverture. Elles ont non seulement un impact sur la population de mauvaises herbes, mais aussi sur la qualité du sol et sur la réduction de notre impact sur l’environnement. » Si beaucoup d’agriculteurs ont gardé leurs habitudes traditionnelles héritées de génération en génération, qui se traduisent souvent en l’élimination des obstacles à la culture au détriment de l’environnement, Janice est persuadée qu’il est temps de changer de mentalité : « Nous devons apprendre à faire de l’agriculture un peu mieux et un peu plus doucement et à travailler avec l’environnement. » D’autant plus que l’activité de la ferme Macdonald subit de plein fouet le réchauffement climatique et doit s’y adapter. La chaleur impacte à la fois les cultures mais aussi l’élevage. « Nous ne pouvons pas laisser les vaches dehors si elles n’ont pas d’ombre et qu’il fait 30 degrés Celsius. » Avant de continuer : « Elles sont heureuses à l’extérieur si les conditions sont bonnes. Si vous les mettez dehors quand il fait chaud et qu’elles ont l’occasion de retourner dans l’étable, où il y a de la ventilation et où elles peuvent s’allonger, il y a de fortes chances qu’elles se présentent à la porte et qu’elles veuillent retourner dans l’étable. »

Un manque de visibilité

Janice prévient Laura Caralampides, gestionnaire du Centre de recherche horticole, de notre arrivée imminente, et notre exploration du campus Macdonald se poursuit. Laura est trop occupée pour discuter avec nous mais nous accorde le droit de visiter les serres, qui font partie du programme McGill Feeding McGill. Nous nous dirigeons ensuite vers le Mac Market, où nous sommes accueillies chaleureusement : la caissière nous offre gratuitement un sac en papier rempli des légumes et fruits de notre choix, simplement parce qu’il s’agit de notre première visite. L’atmosphère est chaleureuse, la générosité des gens ne cesse de nous impressionner. Il est temps de terminer cette matinée enrichissante avec un pique-nique bien mérité sur la pelouse du McEwen Field.

Toutes les personnes que nous avons interrogées ont mentionné le manque d’attention et de visibilité donné à la ferme du campus Macdonald. Les projets de nouvelles infrastructures ne semblent pas être la priorité de McGill.

Ce qu’on en conclut, c’est que le campus Macdonald gagne absolument à être visité. Cet endroit vert et accueillant regorge de gens tous plus généreux les uns que les autres. Le futur de la lutte contre les changements climatiques réside dans la recherche scientifique qui permet des projets innovants, exactement ce à quoi se dévouent les professeur·e·s, étudiant·e·s et employé·e·s du campus Macdonald.

Merci à Aynsley Merk, Janice Pierson, et à tous·tes celles et ceux qui nous ont guidées.

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La mode jetable à la poubelle! https://www.delitfrancais.com/2024/09/18/la-mode-jetable-a-la-poubelle/ Wed, 18 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55834 Ethical clothing : le répertoire des marques éthiques.

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Aujourd’hui, l’industrie de la mode est responsable de 10% des émissions annuelles de dioxyde de carbone dans le monde et il est prévu que ce chiffre atteigne 26% d’ici 2050. Si la mode contribue au réchauffement de la planète et à la dégradation des écosystèmes, elle est aussi la cause de nombreuses formes de pollution (plastique, eau, pesticide). En plus de ses conséquences environnementales, l’industrie textile entraîne d’importants coûts sociaux, qui se traduisent par de nombreuses violations des droits humains. Ainsi, le consommateur, lorsqu’il se retrouve à magasiner, doit souvent faire face à un dilemme moral : acheter ou ne pas acheter?

Le Délit s’est entretenu avec Ben Heinkel, le cofondateur du site ethical clothing, un moteur de recherche de vêtements et marques éthiques qui vise à éclairer ses utilisateurs dans leurs décisions de consommation en matière de mode.

Un outil pour le consommateur

À l’origine, Ben Heinkel et son associé Jack Hesketh ont été confrontés dans leur vie personnelle au même problème : « Nous voulions acheter des vêtements de marques qui prenaient le développement durable au sérieux, mais nous ne savions pas vraiment où les trouver, (tdlr). » Pour eux, comme pour beaucoup d’autres consommateurs, il n’était plus question de soutenir la mode éphémère ou jetable (fast fashion) au prix si onéreux pour l’environnement. Ils se sont donc renseignés sur les marques éthiques, mais il ne leur était pas toujours facile de naviguer à travers les discours d’écoblanchiment (greenwashing) des entreprises. Toutefois, ils ont découvert qu’il existait de nombreuses marques vestimentaires plus vertueuses, « mais elles ont tendance à être plus petites, à avoir des budgets plus modestes et à ne pas avoir les ressources nécessaires pour rivaliser avec le bruit que font les grandes marques de fast fashion en ligne ». C’est ce qui les a motivés à créer ce moteur de recherche, comme l’explique Ben Heinkel : « Grâce à notre expérience en matière de marketing, nous avons pensé que nous pourrions aider ces marques à obtenir la visibilité qu’elles méritent et aider les consommateurs conscients, comme nous, à les trouver facilement. »

Idées fausses sur la mode éthique

La mode éthique est empreinte de nombreux préjugés. « L’idée fausse la plus répandue est que les vêtements éthiques sont chers, voire un produit de luxe », nous dit le co-fondateur. À cela, il répond : « Payer 15 ou 20 dollars pour un t‑shirt produit de manière durable n’est pas cher si l’on tient compte de tous les coûts de production. Si vous comparez ce prix à celui d’un t‑shirt à 2 dollars de Primark ou Shein, alors oui, c’est relativement cher, mais nous ne devrions vraiment pas utiliser ces marques comme norme. » Mais si autant de personnes ne sont pas attirées par cette mode plus durable, c’est aussi parce qu’elles ne la connaissent pas assez. Par ailleurs, le public n’est pas assez éduqué sur les pratiques commerciales des marques de mode jetable : « Je pense que si davantage de personnes connaissaient les conditions dans lesquelles les travailleurs du Bangladesh ou de Chine travaillent pour produire ces sept paires de jeans, elles y réfléchiraient deux fois avant de les soutenir. » Il argumente donc en faveur de la mode éthique pour son espérance de vie bien plus élevée : « La qualité est généralement bien meilleure, de sorte que le coût au quotidien de la vie d’un vêtement éthique est le calcul qu’il convient de faire. »

Le moteur de recherche

Sur leur moteur de recherche, on peut retrouver une « large gamme de vêtements éthiques de différentes marques ». Pour choisir quelles marques figureront dans les résultats de recherche, Ben Heinkel et son équipe prennent le temps de « vérifier leur catalogue de produits pour s’assurer que 100 % de leur catalogue utilise des matériaux durables, demander des certificats tels que GOTS et OEKO-TEX [labels textiles qui prennent en compte l’impact environnemental et social du produit, ndlr], et essayer de trouver des informations sur les conditions de production avant d’envisager de les inclure ». Il est possible, par exemple, de filtrer les marques par pays pour acheter des marques locales. En outre, le site propose aux utilisateurs de calculer leur empreinte de mode avec le fashion footprint calculator.

Enjeux pour l’avenir

Nos pratiques sociétales de surconsommation pèsent lourd sur notre planète. « Malheureusement, l’un des problèmes de notre époque est l’évolution constante des styles de mode qui, par définition, oblige les gens à changer constamment de look s’ils veulent être considérés comme étant à la mode. C’est difficile à faire avec un salaire moyen, à moins de recourir à la fast fashion », remarque Ben Heinkel. C’est ainsi aux consommateurs de repenser leurs habitudes d’achat. Le cofondateur espère néanmoins que la responsabilité tombera éventuellement moins sur l’individu, et qu’il y aura « plus de régulation gouvernementale au niveau mondial pour aider à stopper les effets négatifs de la fast fashion ». La règle d’or avant d’acheter est de se demander si c’est vraiment nécessaire, ou s’il existe une alternative comme réparer ou acheter des vêtements de seconde main. Le cas échéant, il vaut mieux se tourner vers des marques de mode éthique et durable, qui respectent l’environnement.





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Étudier les changements climatiques https://www.delitfrancais.com/2024/09/11/etudier-les-changements-climatiques/ Wed, 11 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55708 L’offre de cours en environnement à McGill est-elle satisfaisante?

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À chaque nouvelle rentrée et création d’un nouvel emploi du temps pour le semestre qui s’annonce, nombreux ·ses sont ceux·celles qui remettent en question la structure de leur diplôme. Si certain·e·s décident de changer complètement de majeure ou de mineure, d’autres font le choix radical d’un retour au point de départ dans une autre faculté. Il peut aussi arriver que de nouveaux centres d’intérêt se manifestent au cours de l’été, et pourquoi pas une prise de conscience environnementale? Prise de conscience qui pousse certain·e·s à choisir des cours apportant des réponses quant à la crise climatique, ou des solutions pour soulager leur éco-anxiété.

Dans le cadre de sa stratégie en matière de climat et de développement durable 2020–2025, l’Université McGill prévoit de développer les opportunités d’apprentissage et de recherche en environnement pour ses étudiant·e·s et son personnel enseignant. Je ferai, dans cet article, l’état des lieux des cours en environnement et de ceux qui traitent du défi climatique dans les différentes facultés et départements de McGill, afin d’évaluer l’offre que propose déjà l’Université sur ces enjeux. Aussi parviendrais-je peut-être à convaincre certain·e·s de tenter leur chance dans un cours ayant pour thème l’environnement, quel que soit leur profil étudiant, ou du moins je donnerai des pistes à ceux·celles qui cherchent à assouvir leur appétit écologique dans leur parcours universitaire à McGill.

« Il y a énormément de départements qui offrent des cours sur les sujets environnementaux à l’extérieur de l’École d’environnement »


Michelle Maillet

Être étudiant·e en environnement

À McGill, il existe déjà six programmes de premier cycle consacrés à l’environnement offerts par l’École de l’environnement [Bieler School of Environment, ndlr] dans différentes facultés. Il est possible de prendre une majeure en environnement en étant inscrit·e à la Faculté des sciences du centre-ville ou à la Faculté des sciences agricoles et environnementales (60 à 66 crédits), sur le campus Macdonald. Par ailleurs, la Faculté des arts propose elle aussi un diplôme en environnement (54 crédits). Ces trois programmes ont en commun une base de cours obligatoire définissant les interactions entre les êtres humains et le monde vivant (ENVR 200, 201,…) à laquelle doit s’ajouter le choix d’une concentration. Différentes options sont possibles en fonction des facultés. Pour en nommer quelques-unes, on retrouve dans la Faculté des sciences les concentrations « Biodiversité et conservation » (Biodiversity and Conservation), « Production alimentaire et environnement » (Food production and Environment), et dans la Faculté des arts « Économie et environnement terrestre » (Economics and the Earth’s Environment), « Environnement et développement » (Environment and Development), etc.

La Faculté des arts et des sciences a créé son propre programme quant aux questions climatiques. Il s’agit du programme Interfacultaire en environnement (54 crédits), qui en plus des cours obligatoires similaires aux autres programmes, offre la possibilité de combiner des enseignements de différentes facultés regroupés dans des catégories thématiques comme « Écologie des populations, des communautés et des écosystèmes », « Santé humaine » ou encore « Cultures et peuples », mélangeant donc sciences empiriques et sciences humaines et sociales. N’importe quel·le étudiant·e, indépendamment de sa faculté, peut choisir d’effectuer une mineure en environnement (18 crédits) en se contentant des cours fondamentaux communs à tous les programmes en environnement. Enfin, l’École de l’environnement permet également de réaliser un diplôme en environnement (30 crédits), qui va plus loin que la simple mineure, tout en étant moins conséquent que la majeure.

« Certains des cours de cette concentration devraient être obligatoires pour tous les étudiants de Desautels »


- Alejandra, étudiante à Desautels avec une concentration en environnement

Au-delà d’une majeure ou mineure en environnement

Bien que certain·e·s ont toujours su qu’ils dédieraient leur carrière à la lutte pour la protection de la planète, pour d’autres, ce n’est que plus tard que s’est révélée une curiosité et inquiétude nouvelle pour la cause climatique. Nous ne voulons pas tous·tes devenir des expert·e·s en matière d’environnement, mais beaucoup d’entre nous cherchons à devenir de meilleur·e·s citoyen·ne·s climatiques dans un monde où agir collectivement et à l’échelle individuelle est nécessaire à la survie de notre espèce. « Dans un contexte social, c’est quelque chose qui nous affecte tous, qu’on le veuille ou pas. Ainsi c’est toujours bien d’avoir une petite compréhension de base de ces phénomènes-là », note Michelle Maillet, conseillère du programme de premier cycle du Département de géographie. C’est pourquoi, je me suis aussi intéressée à l’offre éducative traitant du défi climatique au sein des départements de l’Université pour les étudiant·e·s qui ne participent pas à un des programmes en environnement.

Eileen Davidson

« Il y a énormément de départements qui offrent des cours sur les sujets environnementaux à l’extérieur de l’École d’environnement », m’a expliqué Michelle Maillet. Avant de continuer : « Comme par exemple en géographie, on offre plusieurs cours qui explorent la géographie physique. Dans le fond, ce sont tous les processus qui se passent à la surface ou près de la surface de la planète Terre. On a des cours sur les systèmes environnementaux, où l’on regarde l’hydrologie, les sciences climatiques. On regarde aussi l’interaction avec les systèmes humains. Par exemple, on étudie comment le climat affecte la vie dans la ville où des humains se sont établis, comment les humains, avec leurs actions, ont interagi avec ce climat-là aussi. On observe comment l’infrastructure dans nos villes a aussi un impact sur le système environnemental. » En plus du département de géographie, Michelle Maillet liste les départements de Sciences atmosphériques et océaniques (Atmospheric and Oceanic Sciences- ATOC), de Sciences de la terre et des planètes (Earth and Planetary Sciences- EPSC), Science du système terrestre (Earth System Science- ESYS), qu’elle loue pour leur grande richesse en matière d’enseignement sur les changements climatiques. Elle souligne également la création récente d’un nouveau cours, FSCI 198, intitulé Crise climatique et actions en faveur du climat (Climate Crisis and Climate Actions). Ce dernier se distingue des autres cours donnés à McGill, car : « Au lieu de regarder les impacts négatifs, il cherche à donner de l’espoir avec des solutions : qu’est-ce que les gens peuvent faire du côté politique, individuel, sociétal… » Il a vocation aussi à « inspirer les jeunes, justement très tôt dans leurs études, à vouloir poursuivre d’autres cours plus avancés pour aller chercher justement ces questions-là ». Elle souligne qu’il existe de nombreuses combinaisons possibles de cours parsemées dans les facultés qui offrent différentes approches au problème.

À la Faculté de gestion Desautels, pour les étudiant·es au baccalauréat en commerce, il est possible de choisir une concentration en gestion durable (Concentration in Managing for sustainability). Alejandra, étudiante à McGill en commerce, a choisi cette concentration, car elle a « toujours été intéressée par le développement durable, la préservation de la planète et de l’environnement et tout ce qui se rapporte à l’écologie ». Elle désirait « en apprendre plus sur ce que les entreprises sont capables de faire en matière de développement durable aujourd’hui ».

Un contenu à la hauteur des espérances?

Il semble que l’Université McGill offre un riche éventail de cours en matière d’environnement en mêlant différentes perspectives à travers les différentes facultés. Qu’en est-il du contenu des cours enseignés? J’ai interrogé divers profils d’étudiant·e·s afin d’évaluer la qualité des enseignements à ce sujet. Le club Little Forests Mcgill, qui agit pour la préservation de la nature notamment en plantant des arbres en milieu urbain, m’a accueillie lors d’une de ses réunions, au cours de laquelle j’ai pu interroger plusieurs étudiantes en environnement. Globalement, toutes se sont accordées à dire que les cours qu’elles suivent sont très intéressants et à la hauteur de leurs attentes. Lauren, étudiante en troisième année, a une majeure en environnement et en développement dans la faculté des arts. Les louanges ne manquent pas pour exprimer sa gratitude envers ses professeur·e·s et leurs enseignements : « Les professeur·e·s du département sont tous très bons. On apprend beaucoup. » Elle apprécie particulièrement le côté interdisciplinaire de sa majeure. « L’année dernière, nous avons suivi le cours d’environnement 203, qui traite de l’éthique dans l’environnement. C’était super, car il y avait plus de philosophie et de réflexion. Nous devions aussi faire environnement 200, qui portait sur les systèmes (le cycle de l’eau, le cycle du carbone). Il y a donc à la fois les sciences et les sciences sociales, ce qui est vraiment unique. Que vous soyez en sciences ou en arts, vous devez faire un peu de tout », nous raconte- t‑elle. L’expertise des professeur ·e·s et leur expérience sont très enrichissantes et apportent beaucoup aux leçons en classe.

Alejandra n’a pas regretté son choix de concentration en environnement à Desautels : « J’ai trouvé la concentration très intéressante, car elle donne le point de vue de l’entreprise. J’ai senti que je pouvais apprendre beaucoup et faire la différence grâce à mes études et à ma carrière. » Elle ajoute même que « certains des cours de cette concentration devraient être obligatoires pour tous les étudiants de Desautels ». Elle déplore que le seul cours obligatoire qui s’en rapproche soit Contexte social de l’entreprise (MGCR 460 : Social Context of Business) qu’elle a « vraiment détesté » le jugeant « trop superficiel et qui n’ajoute rien de significatif à ce qu’[elle] pense être du bon sens ».

Bien qu’une majorité soit satisfaite de l’offre de cours en environnement à McGill, cela n’empêche pas quelques déconvenues ayant fait des déçu·e·s. Thomas*, dans le cadre de sa majeure en économie, a pris le cours ECON 347, qui concerne l’économie du changement climatique, et l’a regretté : « Le contenu du cours et le professeur ont été décevants. Je m’attendais à ce qu’il lie l’économie avec les problèmes environnementaux actuels en nous présentant des modèles plus complexes et aboutis. Mais au final le contenu de la classe était décousu sans vrai fil conducteur en plus d’être relativement indigeste à cause des nombreuses digressions semi-climatosceptiques du professeur. » Il ne rejette pas l’entièreté du cours, car il a trouvé certaines notions intéressantes. Toutefois, selon lui, « il faudrait revoir comment le professeur les présente ». Avant de compléter : « Je pense aussi que McGill décrit mal le cours lorsque l’on souhaite s’y inscrire. »

« Quand j’ai commencé à être la conseillère pour le programme en durabilité, en 2019, on avait 47 étudiants. Aujourd’hui, on en a 73 »


- Michelle Maillet, conseillère du Département de géographie

Un intérêt croissant

« Chaque année, on voit les chiffres du nombre d’étudiants qui sont inscrits dans ces programmes [traitant de la protection de l’environnement, ndlr] augmenter », remarque Michelle Maillet. Elle constate l’intérêt accru des étudiant·e·s pour ces questions, qu’elle interprète par « un désir de travailler sur les solutions ». « Quand j’ai commencé à être la conseillère pour le programme en durabilité, en 2019, on avait 47 étudiants. Aujourd’hui, on en a 73. Et chaque année, il y a toujours quelques étudiants de plus qui s’ajoutent », nous confie-t-elle. Amy Janzwood, qui enseigne le cours de sciences politiques sur la politique environnementale mondiale (POLI 350 Global Environmental Politics), a aussi remarqué cet intérêt, car sa classe est toujours en surnombre. « Je pense que le niveau de sensibilisation est déjà très élevé. Les étudiants sont très préoccupés par les questions environnementales et les vivent directement dans leur propre vie ; certains ont été directement touchés par la fumée des feux de forêt, les évacuations et toutes sortes de volatilité. Les effets de ces questions sont souvent très présents dans notre vie quotidienne ». Dans son cours, elle met en avant l’importance de l’action collective pour avoir un impact. Elle cherche à inspirer ses élèves en leur donnant des exemples de résultats positifs grâce à des mobilisations pour la justice sociale et climatique : « J’espère que les étudiants ne se sentiront pas désespérés quant à l’avenir des problèmes environnementaux à l’issue de ce cours et qu’ils comprendront mieux le problème, mais aussi les réponses possibles. »

En outre, beaucoup d’événements pour sensibiliser à la protection de l’environnement sont tenus sur le campus, comme le festival de la biodiversité organisé par le bureau de durabilité qui aura lieu fin septembre. Ainsi, même sans prendre des cours sur le sujet, les étudiant·e·s sont amené·e·s à réfléchir à l’avenir de la planète. « Je pense qu’il ne suffit pas de mettre l’emphase sur les cours, mais de vraiment s’y attaquer par tous les angles. Il y a d’autres moyens à l’extérieur des cours, de donner un peu un goût aux étudiants de s’intéresser à ces questions importantes, » nous partage Michelle Maillet. Elle nous livre une de ses philosophies : « On ne pourra jamais convaincre tout le monde, mais on peut mettre notre énergie sur la grande majorité qui est prête à vouloir se mettre au travail. Puis mettre du vent dans les voiles de ceux qui poussent en avant, de faire tout ce que l’on peut pour les encourager. »

*Nom fictif

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Alerte tempête! https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/alerte-tempete/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55536 Nos sociétés sont-elles prêtes à faire face aux ouragans?

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Le film Twisters, dont la principale protagoniste est une tornade destructrice, est sorti au cinéma cet été. Il met en lumière le pouvoir colossal de la nature face à l’espèce humaine qui a souvent cru pouvoir la maîtriser. La représentation à l’écran de ce type de catastrophe naturelle ne pouvait pas résonner davantage avec l’actualité. Depuis le mois de mai, le continent Nord-américain a été frappé par de nombreuses tempêtes aux conséquences dévastatrices pour les villes et leurs populations. Avec le réchauffement climatique, les phénomènes météorologiques extrêmes vont se multiplier. Aussi est-il bon de s’interroger sur la capacité de nos sociétés à s’y adapter.

Le Délit s’est entretenu avec le professeur John Richard Gyakum du Département de sciences atmosphériques et océaniques de McGill, qui donne le cours ATOC 185 Natural Disasters (Désastres Naturels) ce semestre d’automne. Il est spécialisé dans la prévision des phénomènes météorologiques extrêmes dans le contexte de la variabilité climatique.

« Je pouvais à peine traverser la rue parce que tout était inondé. On ne pouvait même plus voir par terre tellement il y avait d’eau »

Un été marqué par les ouragans

Le vendredi 9 août, la région de Montréal a été touchée par les vestiges de l’ouragan Debby de catégorie une, originaire de Floride. Un véritable déluge a ainsi ébranlé la ville, puisque c’est 154 mm de pluie qui est tombée en une seule journée, soit l’équivalent de plus d’un mois de pluie. Il s’agit d’un nouveau record qui s’ajoute aux records de chaleur de cet été. « C’est la première fois que ça m’arrive. Je n’ai jamais pensé que ça pouvait arriver ici », témoigne Layla, étudiante à McGill et résidente de Laval, qui nous a raconté avoir renoncé à conduire au vu de l’état des routes ce soir-là : « Je pouvais à peine traverser la rue parce que tout était inondé. On ne pouvait même plus voir par terre tellement il y avait d’eau. » Comme de nombreux autres habitants de la région, Layla a perdu l’électricité chez elle. Toutefois, les conséquences de l’ouragan ne se sont pas arrêtées là. L’eau s’est engouffrée dans de nombreuses habitations et des autoroutes ont dû être fermées. Par ailleurs, certains événements et festivals ont été annulés ou déplacés tels que le spectacle de DJ SHUB et Native Mafia Family qui devait avoir lieu sur la place des Festivals et qui a dû se tenir au MTELUS. Cependant, les conséquences de l’ouragan à Montréal sont à relativiser face à celles subies aux États-Unis, où plusieurs morts ont été recensées.

L’ouragan Debby n’est pas le premier événement météorologique à s’abattre sur les États-Unis cet été. Déjà en mai, une tornade avait balayé la ville de Houston au Texas, plongeant près d’un million de foyers dans l’obscurité et la chaleur suffocante après avoir été privés d’électricité pendant plusieurs jours. C’est cette même ville qui, début juillet, a vu passer l’ouragan Béryl, après avoir eu tout juste le temps de se remettre de la précédente tempête tropicale. Née dans les Antilles, la tempête Béryl s’est rapidement intensifiée pour devenir un ouragan de catégorie cinq (catégorie maximale sur l’échelle de Saffir-Simpson ; une mesure évaluant les dégâts causés par un ouragan en fonction de la vitesse du vent), avant de s’affaiblir en touchant les côtes du Texas. Martin, étudiant à McGill qui habite à Houston le reste de l’année, a subi les deux tempêtes de plein fouet. Il nous rapporte avoir été prévenu seulement 20 minutes avant le passage de la tornade. « La tornade, c’est hyper soudain. Ma mère a essayé de rentrer les voitures mais il y a eu une coupure de courant. Il n’y a pas le temps de se préparer comme pour un ouragan. D’un coup, le ciel est devenu noir comme la nuit », nous décrit-il, avant de poursuivre : « Pendant la tornade, tout le monde se cache dans une pièce fermée, au milieu de la maison, au rez-de chaussée pour ne pas s’envoler. » Bien qu’elle ait été courte, les dommages qu’elle a engendrés ne sont pas négligeables. Martin a pu constater les dégâts après son passage : « il y a pleins de barrières et des portes de garage qui ont été cassées, des arbres qui sont tombés… » Martin regrette que le terrain de soccer ait été rendu inutilisable pour le reste de l’été. L’ouragan Béryl en comparaison s’est montré bien plus clément. « J’ai eu de la chance, je n’ai pas perdu le courant », dit-il. D’ailleurs ce n’est pas la première fois que sa maison est menacée par une tempête tropicale de ce genre. Il se souvient d’un ouragan en 2017, qui l’avait forcé à se réfugier dans la ville d’Austin, capitale du Texas, au risque que sa maison se retrouve inondée. Il raconte : « Il a plu énormément pendant trois à quatre jours sans interruption. L’eau m’arrivait au bassin dans la rue. Pendant deux semaines, il y avait des endroits inondés. On a dû aller chercher des affaires en canoë. Je n’ai pas eu école pendant une semaine ou deux. » Cette année, lors du passage de l’ouragan Béryl, il n’a plu que quatre heures à Houston. Martin souligne que les effets de l’ouragan ont bien été ressentis malgré tout. En effet, les infrastructures n’ont pas eu le temps de se remettre de la tornade précédente, et ont continué à se dégrader davantage.

Au vu de cette actualité inquiétante, des questions se posent : Peut-on prévoir ce genre d’aléa naturel afin de s’y préparer et en atténuer les conséquences? Nos sociétés sont-elles prêtes à réagir et à se prémunir contre des évènements météorologiques de plus en plus destructeurs dans le contexte du changement climatique? John Richard Gyakum a répondu à nos questions.

« Pendant la tornade, tout le monde se cache dans une pièce fermée, au milieu de la maison, au rez-de chaussée pour ne pas s’envoler »

L’incertitude météorologique

Avant de se pencher sur leurs conséquences, il est intéressant de comprendre les mécanismes et les propriétés scientifiques de ces catastrophes naturelles. Si, dans le film Twisters, la météorologue Kate est à la poursuite de tornades pour en découvrir leurs origines et percer leurs mystères, il ne faut pas les confondre avec les ouragans. Tous deux sont des risques météorologiques qui se manifestent sous la forme d’une tempête chargée de fortes pluies et vents tourbillonnants. « Une tornade est une tempête en rotation rapide, mais à très petite échelle. En d’autres termes, la zone de rotation peut avoir un rayon allant de quelques dizaines de mètres à une centaine de mètres. (tdlr) », explique le Professeur Gyakum. À la différence d’une tornade, l’ouragan a beaucoup plus d’ampleur : « Cela varie beaucoup, mais la zone de rotation d’un ouragan peut s’étendre sur plusieurs centaines de kilomètres de rayon. » Les termes « ouragan », « cyclone » ou « typhon » sont à peu près équivalents. Ils sont utilisés pour décrire le même phénomène dans différentes régions du globe. Les typhons se forment dans la partie occidentale de l’océan Pacifique, les cyclones émergent dans la zone comprenant l’océan Indien et l’Australie, tandis qu’on parle d’ouragans dans l’océan Atlantique ou au nord-est de l’océan Pacifique. Néanmoins, il précise que le terme de cyclone peut également désigner des « circulations hivernales qui sont beaucoup plus importantes que les ouragans ». Ces multiples sens expliquent pourquoi la terminologie peut prêter à confusion. Une autre différence marquée est qu’une tornade et un ouragan n’ont pas la même durée de vie. Alors que celle de la tornade se compte en minutes, un ouragan peut causer des dégâts sur plusieurs jours.

« Notre connaissance des ouragans et des tornades s’est améliorée au fil des ans, et notre capacité à comprendre ces systèmes peut se traduire par notre aptitude à prévoir ces événements », observe Professeur Gyakum. Il continue : « La tornade est souvent le phénomène le plus difficile à prévoir. En règle générale, nous ne sommes pas en mesure de prédire si une tornade va se produire à un endroit précis et à un moment précis. Nous ne pouvons que formuler nos prévisions en termes de probabilité. » Toutefois, plus l’échelle est grande, plus il est facile de prévoir ces phénomènes météorologiques : « La prévision des trajectoires des ouragans est très bonne. Mais notre capacité à prévoir l’intensité des ouragans doit encore être améliorée. »

La saison des tornades se concentre sur la période du printemps et du début de l’été. Celle des ouragans dans l’hémisphère Nord commence le premier juin et se termine fin novembre chaque année. Le professeur note cependant : « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’ouragans à d’autres moments de l’année. En 2005, lorsque nous avons eu un très grand nombre d’ouragans, on a observé que des ouragans se produisaient même en janvier. » Les cyclones, encore plus néfastes que les ouragans, peuvent avoir lieu n’importe quand dans l’année mais sont plus fréquents en hiver.

NOAA/NESDIS

Et avec le réchauffement climatique?

« Les conditions météorologiques extrêmes que nous avons connues pourraient être représentatives d’un changement à plus long terme de notre climat », remarque le Professeur en référence aux ouragans de cet été. D’après lui, le consensus scientifique actuel s’accorde à dire que, si le nombre d’ouragans ne risque pas d’augmenter, il faut s’attendre à voir de plus en plus de phénomènes météorologiques plus intenses avec de fortes vitesses de vent, d’autant plus dangereux : « Le nombre d’ouragans extrêmes, très puissants, de catégories quatre et cinq, est susceptible d’augmenter avec le réchauffement climatique. » Cela s’explique par l’augmentation de la température des océans. Ces derniers régulent la météo de la planète et fournissent le carburant aux tempêtes le cas pour l’ouragan Debby. Il ajoute : « Même si ces vieux ouragans diminuent ou perdent de leur intensité, ils transportent toujours une grande quantité de vapeur d’eau, l’humidité des tropiques. Lorsque ces systèmes météorologiques atteignent des régions situées à des latitudes plus élevées, comme le Québec et la vallée du Saint-Laurent, il peut en résulter d’énormes quantités de précipitations. Même si les vents eux-mêmes sont plus faibles, la plupart des dommages sont causés par les inondations associées aux précipitations. » Il se peut même que des ouragans traversent l’océan pour atteindre l’Europe et y provoquer là-bas aussi de fortes pluies et inondations.

Atténuation et adaptation

Alors que l’on pourrait croire que les conséquences les plus graves des ouragans sont causées par les vents violents, ce sont finalement les inondations qui en résultent qui provoquent le plus de dégâts. Ces inondations sont l’une des principales causes de mortalité humaine dans les ouragans. « Avec le changement climatique et le réchauffement de la planète, le niveau de la mer a considérablement augmenté. Lorsque le vent souffle fortement de l’océan vers la terre, il entraîne avec lui une grande partie des eaux de l’océan et provoque de nombreuses inondations. » C’est ce que l’on appelle une onde de tempête. En outre, « l’autre sujet d’inquiétude ne concerne pas seulement les vents qui pourraient s’intensifier dans les ouragans extrêmement puissants, mais aussi les précipitations. Les pluies les plus extrêmes vont devenir plus intenses avec le temps à cause du réchauffement climatique. Simplement en raison de la façon dont l’atmosphère fonctionne, il y aura des périodes plus extrêmes ou plus intenses de fortes pluies », remarque Professeur Gyakum.

« En plus de procurer des moments d’humanité qui permettent de rassembler les communautés touchées, ces catastrophes naturelles sont des leçons d’humilité qui doivent aider à éveiller les consciences et se décider ensemble à agir face à l’urgence du réchauffement climatique »

Face à ces risques, il est donc urgent de s’adapter afin d’amortir leurs effets sur nos sociétés et les vies humaines. Ce n’est pourtant pas une tâche facile. En effet, John Richard Gyakum reconnaît que « l’aspect de l’adaptation est un véritable défi et, en fin de compte, est très, très coûteux, pouvant atteindre des dizaines de milliards de dollars pour chaque ville ». Il poursuit : « À titre d’exemple, plusieurs grandes villes situées le long des zones côtières d’Amérique du Nord ont travaillé à la construction de barrières contre les inondations. C’est le cas de la région de Houston, au Texas, mais également de la Nouvelle- Orléans, en Louisiane, qui a subi l’ouragan Katrina en 2005. »

Or ce coût important comprend seulement les efforts d’adaptation, et ne prend pas en compte ceux d’atténuation du réchauffement climatique qui seront nécessaires à réaliser pour prévenir les risques météorologiques. Le professeur appuie l’importance de ne négliger aucun des deux aspects. Il faut financer aussi bien des mesures d’adaptation, à savoir la modification de nos habitudes de vie pour faire face aux impacts du réchauffement climatique, que des mesures d’atténuation en réduisant nos émissions de dioxyde de carbone, afin de s’attaquer aux causes du problème. Le professeur relève toutefois: « L’atténuation, en termes d’efforts réels pour passer à d’autres sources d’énergie propres, reste très importante. Mais en attendant, nous devons survivre. Et chaque endroit a ses propres besoins d’adaptation auxquels il doit répondre. » Par conséquent, l’urgence nous contraint souvent à prioriser les mesures d’adaptation, au détriment de celles d’atténuation.

Agir pour l’avenir

Les précipitations torrentielles qui se sont abattues ce mois d’août ont mis à l’épreuve les canalisations et le système d’égoûts de la ville de Montréal. Ce dernier n’a pu contenir l’eau qui a débordé, causant d’importantes inondations jusque dans les sous-sols des habitations. Il est clair que la ville a encore beaucoup à faire en matière d’adaptation. La municipalité prévoit un plan de « résilience de [son] territoire et de [son] cadre bâti » et cherche à développer des stratégies sur le long terme. Elle souhaite créer de nouveaux parcs éponges vers lesquels diriger le ruissellement de l’eau lors des fortes pluies, ce qui contribuera également à réduire les îlots de chaleur urbains. De cette manière, la ville cherche à allier efforts de mitigation et d’adaptation.

Ces évènements météorologiques extrêmes nous rappellent l’insignifiance de notre espèce à côté de l’omnipotente dame nature. Dans les moments de détresse, les questions économiques de pouvoir d’achat deviennent obsolètes, quand l’enjeu principal est de survivre. On comprend alors l’importance de réfléchir aux risques sur le long terme, plutôt que de ne se focaliser que sur ceux du court terme. Bien qu’ils détruisent des vies, les aléas génèrent aussi un sentiment d’entraide auprès de leurs victimes. Martin nous raconte qu’ « après la tornade, tout le monde sort de sa maison et va voir les dégâts ». Pour lui, « c’est le moment un peu sympa des catastrophes. Tout le monde agit ensemble pour être sûr qu’il n’y ait pas de blessés. Ce sont les seuls moments où tout le monde s’unit ». En plus de procurer des moments d’humanité qui permettent de rassembler les communautés touchées, ces catastrophes naturelles sont des leçons d’humilité qui doivent aider à éveiller les consciences et se décider ensemble à agir face à l’urgence du réchauffement climatique. Car ce n’est qu’à l’échelle collective que nos actions ont un véritable impact.

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Quand nature et humains ne font qu’un https://www.delitfrancais.com/2024/05/24/quand-nature-et-humains-ne-font-quun/ Fri, 24 May 2024 14:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55437 Nature vive, une expérience immersive au Palais des congrès de Montréal.

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Si vous cherchez une idée de sortie en famille ou de rendez-vous amoureux cet été à Montréal, l’exposition Nature vive au Palais des congrès n’attend plus que vous. Produite et distribuée par OASIS Studios Immersifs en collaboration avec National Geographic jusqu’au 1er septembre 2024, elle propose une expérience audiovisuelle immersive digne de la science-fiction. Elle mêle avec subtilité art et message politique pour sensibiliser à la biodiversité et à la nécessité d’agir pour sa conservation.

En pleine immersion 

Sans doute avez-vous déjà eu l’impression d’étouffer au milieu du tumulte et de l’effervescence d’une grande ville comme Montréal. Assailli de toute part, que ce soit par les notifications du téléphone ou le stress causé par le travail, votre cerveau vous semble sur le point de déborder, si bien que votre seul désir n’est plus que de vouloir mettre tout sur pause. L’exposition Nature vive offre une parenthèse paisible et un parfait échappatoire à la cacophonie du quotidien.

Divisée en trois parties, l’exposition a la même structure qu’une dissertation articulée en trois paragraphes répondant à la question suivante : pourquoi faut-il agir pour la préservation de la biodiversité et des écosystèmes? La première galerie, conçue par Katerine Giguère et Johnny Ranger, sert d’introduction, cherchant  à capter l’attention du visiteur et à éveiller une fascination pour l’environnement auquel il appartient. Afin de mettre en avant la puissance et la magnificence de la nature, des images de National Geographic mettant en scène toutes sortes d’espèces et de paysages naturels, à la façon de documentaires animaliers, sont projetées sur les quatre murs. 

Il s’agit d’une expérience immersive qui touche principalement à deux sens, à savoir la vue et l’ouïe.


Le deuxième tableau contraste drastiquement avec le premier et avance le principal argument de l’exposition : au sein du monde vivant, nous sommes tous interconnectés et ne faisons qu’un. L’artiste Alex Le Guillou utilise l’art numérique génératif pour illustrer les liens d’interdépendance dans la nature, en nous rappelant que nous provenons à l’origine d’une seule et même cellule. La troisième et dernière salle, réalisée par Émile Roy, conclut par une ouverture, en mettant l’accent sur les enjeux environnementaux actuels au regard du réchauffement climatique et appelle au passage à l’acte. En s’appuyant sur des exemples concrets d’initiatives à travers le monde, l’exposition veut montrer que c’est par la collaboration humaine que le défi climatique pourra être relevé.

En pénétrant dans chaque salle, le visiteur est plongé dans un univers parallèle bien éloigné de la civilisation, du trafic et de l’urbanisme montréalais. La visite dure environ quatre-vingt minutes, le temps d’entrer dans une transe méditative. Il s’agit d’une expérience immersive qui touche principalement à deux sens, à savoir la vue et l’ouïe. Les mosaïques hypnotisantes de point et de traits en mouvement de l’art génératif sont accompagnées de musique et bruits ambiants de la nature qui ont le pouvoir de nous transporter au plus profond de votre âme, nous amenant à une introspection et une remise en question de notre mode de vie ne prenant pas toujours en compte la nature.

Changer sa vision du monde

S’il y a un message fort que l’on doit retenir de l’exposition, c’est la nécessité de concevoir le monde d’une autre manière. Plus précisément, il s’agit de repenser la relation que les humains et le monde social entretiennent avec la nature. 

Assis au milieu d’une grande salle, entourés par des images de forêts luxuriantes, de montagnes triomphantes et d’océans aux profondeurs abyssales, on se sent tout petit. Cette mise en scène n’est pas due au hasard. Elle nous rappelle la place de l’Homme comme partie prenante de la nature et maillon d’une chaîne de vie complexe et non pas comme un simple observateur extérieur de celle-ci. L’Homme n’est qu’un animal parmi tant d’autres. Plutôt que de considérer l’environnement comme un réservoir d’où l’on peut puiser et exploiter les ressources à l’infini pour satisfaire nos besoins, nous devons nous rappeler que notre monde social dépend lui-même d’une biodiversité et d’écosystèmes sains.

Au milieu des images d’animaux, les auteurs de la première galerie ont inséré des yeux humains, soulignant l’appartenance de l’Homme à la biodiversité terrestre. « Nous ne défendons pas la nature. Nous sommes la nature qui se défend, » murmure une voix par-dessus la musique ambiante. Face à cette interdépendance des êtres vivants, il est nécessaire de préserver chaque élément constitutif du vivant car si l’un est menacé, nous le devenons tous.  

Cette idée d’interconnexion de toute chose provient des enseignements des peuples autochtones, qui dévouent une grande importance au respect de l’environnement et à l’équilibre de régénération de la nature. Changer notre vision du monde est crucial pour passer à l’action, car c’est cette dernière qui façonne notre manière d’agir. En considérant la Terre comme un habitat à préserver, nous agirons avec plus de responsabilité et pourrons vivre en harmonie avec elle.

À l’aide de ces chiffres impactant, les auteurs nous convainquent que tout espoir n’est pas perdu et que le meilleur remède à l’éco-anxiété est l’action.

Susciter une prise de conscience 

L’exposition a le mérite d’inspirer et motiver ses visiteurs face à la menace du changement climatique. Elle met en avant de nombreuses initiatives à travers le monde en suivant le même modèle : problème environnemental, projet entrepris et résultat positif. Par exemple, le Billion Oyster Project, qui recycle des coquilles d’huîtres provenant de restaurants de New York, a permis de restaurer 122 millions d’huîtres, participant à la préservation de leur récifs. Ces dernières sont essentielles à l’écosystème marin, puisqu’elles contribuent à purifier l’eau et servent d’habitat à plus de 100 espèces. 

À l’aide de ces chiffres impactant, les auteurs nous convainquent que tout espoir n’est pas perdu et que le meilleur remède à l’éco-anxiété est l’action. Mais sera-ce suffisant pour susciter une véritable prise de conscience auprès des visiteurs et un passage à l’acte? 

Si la troisième galerie de l’exposition est un appel à l’engagement pour l’environnement de tous, le message reste assez vague. Les auteurs mettent en avant la nécessité de faire des choix au quotidien pour réduire son impact négatif sur la biodiversité et les écosystèmes mais sans donner d’exemples d’actions concrètes à entreprendre. Ils donnent des pistes pour agir en invitant le visiteur à réfléchir à sa consommation d’électricité et à ses déplacements, ou encore à revoir son alimentation, ce qui reste imprécis. Si l’exposition les inspire à devenir donateurs à des associations protégeant la biodiversité ou à soutenir des projets d’envergure, ce sera déjà cela de gagné. Toutefois, il ne faut pas oublier que réduire son empreinte carbone à l’échelle individuelle ne doit pas être laissé de côté. 

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