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L’article qui fait comprendre le Oui

Raconter le Québec à ceux qui ne le connaissent pas.

Stu Doré | Le Délit

Lorsque j’ai proposé pour une énième fois de faire du Québec et de l’indépendance le sujet de ma chronique hebdomadaire, on m’a demandé en quoi cette dernière saurait être différente des autres. Un questionnement louable. Bien que je ne crois pas avoir été trop redondant au cours de la dernière année, j’ai été particulièrement borné. C’est peut-être le mot qui décrit le mieux mon passage au Délit, qui s’achève par l’écriture de cet article. Je propose donc à l’équipe éditoriale (et, bien sûr, nos lecteurs) une manière différente de raconter ce qui pour moi, est une vérité inéluctable, l’avènement inévitable du peuple québécois : son indépendance. 

Au revoir, Vincent et Layla, vous manquerez terriblement à mes élans révolutionnaires.

Indépendantiste, pas séparatiste 

Il y a un besoin, dans la lutte pour la libération du peuple québécois, de corriger certaines bavures étymologiques qui banalisent l’objectif qu’il poursuit depuis la réalisation de son identité distincte. Il n’est pas simplement question de se séparer chirurgicalement, mécaniquement, de l’appareil coercitif canadien, mais plutôt de s’en affranchir. Nuance. Car le désir d’indépendance n’est pas un caprice. Il n’émane pas forcément d’une détestation profonde du Canada et des autres provinces qui le composent : il est le résultat de l’amour profond que les Québécois éprouvent pour qui ils sont. Mais surtout, d’un besoin de continuer à exister. 

Le Québec d’aujourd’hui n’est pas la Nouvelle-France d’antan, massacrée en 1760 par l’Empire britannique de Georges III. Ni le Bas-Canada des héroïques Patriotes, dont les révoltes ont été réprimées dans le sang et l’exil par la reine Victoria. Mais il en garde les cicatrices, les marques indélébiles d’une domination impériale prônant son effacement total et la destruction de son identité par l’assimilation la plus pernicieuse. 

L’histoire de ce qu’est devenu le Québec est criblée d’efforts inlassables pour qu’il disparaisse. 

Les revendications d’un peuple

Le démantèlement progressif de l’Empire britannique aura permis au Québec de se doter d’une démocratie parlementaire et d’acquérir davantage de compétences quant à sa gouvernance. Mais le pouvoir décisionnaire central est toujours demeuré dans les mains d’Ottawa, gouvernant pour les intérêts des Canadiens – ces derniers s’opposant bien souvent aux intérêts des Québécois. L’avènement d’un réel nationalisme indépendantiste québécois est d’ailleurs le fruit d’une frustration s’étendant sur des décennies de dédain pour les requêtes provinciales. 

À tous ceux qui attribuent ce désir de liberté à un idéal exclusionnaire, il faudrait expliquer l’histoire socio-économique de l’écrasante majorité francophone du Québec. Un peuple appauvri par le capitalisme dégoûtant des élites anglo-saxonnes, relégué au rang de main-d’œuvre servile pour les industrialistes. Condamnés à travailler dans les usines pour un salaire de crève-faim, insultés, intimidés, réprimés dans leurs revendications : les Québécois s’avilissent pour survivre. 

Malgré des gouvernements formés par une majorité de francophones devant, de prime abord, avoir les intérêts de leur population à cœur, le Québec demeure une chasse gardée du patronat et du milieu des affaires au sein duquel tout se fait en anglais. Il faut travailler en anglais, obéir en anglais, fermer sa gueule en anglais. Speak white goddamnit ! Il ne faut donc pas s’étonner qu’à cause de Durham, Molson et Hershorn (et j’en passe!), les Québécois conspuent cette langue qui n’a été utilisée que pour les convaincre de leur petitesse. 

Des quelques francophones qui accèdent à un statut supérieur à celui de galériens du régime, certains se métamorphosent en valets du pouvoir, persuadés de la justesse du système qui a fait leur confort. Les Trudeau, Pelletier et Marchand de ce monde, des néo-aristocrates pour qui le sort du peuple québécois devient subalterne à l’obtention du contrôle ultime sur celui-ci. 

Dans le Québec des années 60, le peuple se mobilise pour acquérir son indépendance, à laquelle il souhaite pour la première fois parvenir de manière démocratique. Naissent entre autres le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), le Mouvement souveraineté-association (MSA) et le Parti québécois (PQ), des initiatives visant à octroyer au Québec sa souveraineté et sa liberté. Après quelques siècles interminables d’oppression et de désillusion collective quant à la volonté réelle d’Ottawa, la province veut enfin asseoir son statut de nation et contrôler son sort économique. 

C’est d’ailleurs le point focal de l’argumentation indépendantiste. Oui, il fallait protéger la langue française et rapatrier les compétences fédérales. Il le faut encore, d’ailleurs. Mais surtout, il fallait que la majorité francophone québécoise parvienne enfin à gouverner sur tous les paliers et que cesse sa servitude aux intérêts voraces d’un reliquat de l’Empire britannique. Le projet n’a jamais été motivé par une haine pure de l’anglais, ni même d’aucune autre langue : il est simplement porté par les opprimés, dont l’idiome unificateur est le français.

Gouverner par la peur 

Quand suffisamment de Québécois se sont sentis appelés par un projet social-démocrate voulant les affranchir, il ne restait pour le Quebec Liberal Party qu’une seule solution pour assurer sa pertinence dans l’esprit meurtri du peuple. La peur. Le coup de la Brinks, les menaces de fin abrupte des relations commerciales avec le Canada, le retrait des pensions de vieillesse : toutes les tactiques les plus sales ont été utilisées pour faire de la souveraineté un projet en tous points similaire à un suicide collectif. 

Le Canada, auquel aucune réelle identité nationale ne peut vraiment être attribuée, voulait garder en sa confédération une nation distincte par cupidité, pour continuer à y extraire les richesses intarissables qu’elle abritait. Qu’elle abrite toujours. Un Québec libre serait la nation ayant obtenu son indépendance la plus riche, la plus éduquée… la mieux outillée pour tenir tête au système anarchique international. 

On ne peut blâmer les Québécois pour leur refus (bien que 60 % des francophones aient voté Oui au premier référendum de 1980) : la peur était justifiable. Se jeter dans l’inconnu, c’est terrifiant. Outre jouer à merveille son rôle d’épouvantail, le gouvernement fédéral avait fait moult promesses aux Québécois : réformes constitutionnelles, aménagements et concessions étaient au programme advenant la défaite du Oui. La suite est tristement célèbre, ponctuée de débâcles constitutionnelles à Meech puis Charlottetown, et de promesses dans le vent dont les Québécois n’ont jamais pu être les bénéficiaires. 

En 1995, tout était aligné pour enfin permettre au Québec d’accéder à son indépendance. Chrétien, fidèle laquais de Trudeau, opte encore pour la peur et les tactiques électorales déloyales dont Ottawa a le secret. Les francophones se rangent en nombre encore plus grand pour le Oui, mais le mal est fait, et l’argent illégalement dépensé par Ottawa fait son œuvre. Une deuxième défaite in extremis, dont la souffrance culminera à une déclaration avinée malhabile de Jacques Parizeau sur l’argent et le vote « ethnique ». Malgré l’historique indubitablement inclusif et progressiste du projet indépendantiste, ses détracteurs en profiteront pour lui coller une visée raciste et xénophobe. Un opportunisme dégueulasse. Le clou dans le cercueil tant espéré par les fédéralistes et autres défenseurs avides d’un statu quo qui n’est en fait qu’un lent déclin du Québec vers sa disparition. 

Pour que le prochain soit le dernier 

L’indépendance n’est pas la chasse aux anglophones. L’indépendance n’est pas un rejet des minorités, qui enrichissent par leur seule présence l’identité québécoise. L’indépendance, c’est la seule manière pour le peuple québécois de pérenniser son existence, de garder sa langue en vie et de s’affirmer pleinement comme ce qu’il est déjà depuis bien longtemps. C’est la seule façon pour un peuple de s’affirmer sur les plans culturels, politiques et économiques, nous disait René Lévesque. Les années qui passent ne font que lui donner raison. 

Peut-être qu’en échange de quelques brownies, le moins qu’Honorable Pablo comprendra qu’effrayer les gens en parlant de référendum (en anglais!) est une stratégie d’un autre siècle. Contrairement à l’idéal de libération des Québécois, qui gagne en pertinence au fil des années et des affronts de notre système à deux vitesses. Car l’indépendance et la liberté ne sont pas des concepts archaïques : ils sont le fondement de la nature humaine, l’aboutissement logique de notre être. 

L’indépendance est inévitable. 

Vive le Québec libre !


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