Entre le 17 et le 21 novembre, vingt départements de l’Université McGill ont déclenché une grève en soutien à la cause palestinienne. Ces départements, parmi lesquels ceux de philosophie, de physique, d’anthropologie et d’informatique, réclament notamment que l’administration mcgilloise retire ses investissements des compagnies jugées « complices du génocide », et qu’elle coupe les liens académiques qu’elle entretient avec des universités israéliennes. Sur le campus, la semaine a été marquée par des confrontations répétées entre manifestants, sécurité et membres de la communauté étudiante, ébranlée par la présence accrue des agents.
Des incidents entre la sécurité et les manifestants
Le mercredi 19 novembre, à 16h, une quinzaine de manifestants se sont présentés au cours de PHIL 242 dans la salle S1‑3 du bâtiment Stewart Biology afin de faire appliquer la grève votée par le département de philosophie. Belicia, étudiante dans le cours, raconte : « Je pense que les agents avaient entendu dire que des manifestants arrivaient, car ils ont commencé à barricader les portes. Un groupe de manifestants est arrivé juste après cela. Certains distribuaient des tracts ; ils ne dérangeaient pas, et voulaient simplement nous en dire plus sur la grève. Puis, d’autres manifestants sont arrivés, et les agents de sécurité ont commencé à les escorter dehors en se tenant par les bras et en les poussant avec leurs corps. (tdlr) »
Selon Olivier*, étudiant gréviste qui manifestait à la porte, « la sécurité est arrivée en trombe, au moins une vingtaine. Ils nous ont poussés physiquement – ils utilisent une tactique où ils nous poussent sans les mains, en groupe ». L’étudiant déplore ces méthodes : « La sécurité nous poursuit partout avec des caméras, c’est comme si on était des criminels. Ça nous fait extrêmement peur. Tout ce qu’on fait, c’est exprimer notre opinion ; c’est notre droit. »
La sécurité est intervenue contre l’avis de la professeure de PHIL 242, Marguerite Deslauriers, qui avait pourtant autorisé les manifestants à entrer dans son cours. Selon elle, « les efforts déployés par l’Université pour empêcher les perturbations dans les cours ont été plus perturbateurs que les grévistes eux-mêmes ».
Tout au long de la semaine, des scènes similaires se sont répétées à travers le campus. Sur le compte Instagram anonyme @shutitdownstrikes, des vidéos – dont Le Délit n’a pas pu confirmer l’authenticité – montrent des confrontations houleuses entre les grévistes et la sécurité. Le collectif prétend dans un communiqué que certains de leurs membres auraient été « sortis des salles de classe en se faisant tenir par les quatre membres, serrés entre les agents au point d’avoir du mal à respirer, puis suivis hors du campus ». Selon le même communiqué, « même lorsque les professeurs ont explicitement autorisé les grévistes à faire des annonces en classe ou demandé à la sécurité de McGill de cesser de toucher et de filmer leurs étudiants, la sécurité a refusé d’obtempérer ».
Un corps étudiant divisé
Si certains étudiants ont participé activement à la grève, le mouvement ne fait toutefois pas l’unanimité sur le campus. De nombreux étudiants sont allés en cours en dépit de la grève, dans tous les départements. Pour Olivier, la participation aux cours constitue cependant une transgression majeure : « Aller en cours quand une grève a été votée, c’est aller à l’encontre de la démocratie étudiante. »
Justine*, étudiante en sciences politiques, rapporte quant à elle avoir été profondément secouée par un incident dans son cours de ANTH 358 le lundi 17 novembre. Selon elle, des manifestants sont entrés en salle et y sont restés environ trente minutes pour persuader les étudiants de quitter le cours. Elle rapporte que certains étudiants ont été poussés aux larmes par les discours des étudiants manifestants, qui leur affirmaient que « rester assis revenait à soutenir un génocide ».
En réponse à ces perturbations, l’administration de l’Université a imposé la présentation de cartes étudiantes pour entrer dans les bâtiments du campus le vendredi 21 novembre. Dans un courriel envoyé au Délit, elle affirme « demeurer résolue à défendre la liberté d’expression et le droit à la protestation pacifique, tout en veillant à la sécurité de l’ensemble des membres de sa communauté et à la protection du droit des étudiants d’apprendre ». Elle ajoute que « lorsque des groupes manifestent sur le campus, le personnel de sécurité est présent pour rappeler aux participants que le vandalisme, la violence et l’obstruction des salles de cours ne sont pas tolérés, et que le respect du Code de conduite de l’étudiant ainsi que des procédures disciplinaires est obligatoire pour éviter des sanctions ».
*Noms fictifs par volonté d’anonymat.



