Un nouvel épisode dans les mesures de restriction de l’immigration au Québec. Le 19 novembre, le gouvernement provincial a officiellement mis fin au Programme de l’expérience québécoise (PEQ), après sa suspension en octobre 2024. Ce programme permettait aux étudiants étrangers diplômés au Québec et aux travailleurs étrangers temporaires de demander un Certificat de sélection du Québec (CSQ) afin de s’établir de manière permanente dans la province québécoise.
Le lundi 17 novembre, des centaines de personnes, dont notamment des immigrants frappés par cette mesure, ont participé à une manifestation dans le centre-ville. Partant de l’édifice du ministère de l’Immigration jusqu’au bureau du premier ministre québécois à Montréal, les manifestants demandaient principalement l’amendement de la « clause grand-père », qui permettrait à ceux déjà présents au Québec d’accéder à la résidence permanente. Le Délit est parti à leur rencontre, et vous présente les portraits d’hommes et de femmes qui pourraient être contraints de quitter le Québec dans les prochains mois.
Karim
Il est directeur adjoint dans une épicerie. Lui et sa conjointe sont arrivés de France il y a cinq ans, « dans l’espoir d’obtenir la résidence permanente via le PEQ ». Sur quelques minutes d’entrevue, le terme d’« espoir » revient d’ailleurs beaucoup dans ses paroles. Il m’explique son parcours : « Reprendre les études passé 40 ans n’était pas forcément dans nos plans, mais nous l’avons quand même fait pour rentrer dans les critères d’admissibilité. » Il est calme, mais ses paroles démontrent son ressentiment face à la décision du gouvernement Legault : « Ils viennent de changer les règles du jeu en pleine partie. » Comme beaucoup, Karim milite pour l’aménagement de la clause grand-père, sans laquelle il « serait logé à la même enseigne que ceux qui sont encore dans leur pays d’origine et ont espoir de venir au Québec » . « Il n’y aurait plus d’espoir du tout », conclut-il.
Delphine et Yuto
Ils ont tous deux immigré de Chine pour le Québec il y a un an, et se sont rencontrés en cours de français. Delphine m’explique qu’elle apprend la langue depuis un an, en parallèle de sa formation en technologie de l’information, mais qu’elle est plus à l’aise de me parler en anglais. Yuto est arrivé ici pour rejoindre ses enfants qui ont fait leurs études en Colombie-Britannique ; Delphine, pour sa fille graduée de McGill et pour trouver une « nouvelle vie (tdlr) ». Le PEQ représentait pour eux l’opportunité principale de rejoindre leurs proches : « Nous sommes assez âgés, et ne correspondons pas aux autres types de visa », m’explique Delphine. Yuto est moins bavard, mais il arbore fièrement sa pancarte : « Les étudiants et les travailleurs ne sont ni des fusibles ni des boucs émissaires ! »
Sofiane, Lounis et Areski
Chez ces trois jeunes hommes, arrivés d’Algérie grâce au PEQ, c’est l’inquiétude qui domine. Après des études au Québec en administration des affaires, et deux ans d’expérience professionnelle, la décision du gouvernement pourrait bouleverser leur projet de vie : « Nous sommes tous stressés. Notre permis de travail expire dans dix mois. On ne sait pas où notre avenir va nous mener », m’expliquent Lounis et Areski. Pour Sofiane, la clause grand-père est avant tout une question de « respect » : « Il n’est pas normal d’annuler ce programme pour des gens qui sont venus payer des universités onéreuses, et qui ont déjà deux ans d’expérience dans un domaine qualifié. » Lounis insiste sur cette question du coût : « Certains d’entre nous ont vendu tous leurs biens chez eux, pour investir dans leur avenir ici. » Sofiane conclut en me répétant les mots inscrits sur sa pancarte : « Nous ne sommes pas de passage, nous faisons déjà partie du Québec ! »


