Lorsque cette édition sera publiée, cela voudra dire qu’une dizaine d’entre nous auront posé les stylos pour de bon. Les études sont finies, il est temps de quitter la rédaction, et de se dire au revoir. Si peu d’entre nous ne savaient réellement ce qu’ils allaient découvrir en poussant les portes du journal, nous faisons aujourd’hui tous le même constat : que nous restions à Montréal, ou que nous partions vivre à Toronto, Paris ou Hanoï, Le Délit fait désormais partie de notre identité. Où que nous soyons, quoi que nous fassions, nous continuerons à porter, ensemble, notre soif d’apprendre, de comprendre et d’éclairer la société qui nous entoure. Si notre amour pour notre journal est unanime, les enseignements que nous en tirons sont multiples. Le Délit vous propose ici le témoignage de quelques éditeurs et éditrices qui nous quittent.
Toscane
Si, en prenant une de nos éditions vous tombez sur une illustration ou un article signé d’un seul nom, détrompez-vous, chacune de nos 12 pages est en réalité le fruit d’un travail collectif, d’une réflexion de groupe au sein de laquelle chacun·e redouble de créativité. En mode Suggestion sur nos Google Docs ou autour de la grande table de la rédaction, tout est sujet à débat : un exergue, une tournure de phrase, la fameuse « since line », la couleur d’un titre. Mon passage au Délit m’a appris plus que je n’aurais pu l’imaginer. Avant tout, j’en retiens que la créativité est un processus endogène, qui s’auto-nourrit au sein d’une équipe qui ne cesse de se remettre en question.
Milan
Comme je prends du plaisir en écrivant pour Le Délit ! Pour une fois, toute cette gymnastique pour inclure une citation afin de plaire aux demandes pédantes d’un prof est à laisser à la porte. Ici, on n’écrit pas pour des auxiliaires d’enseignement épuisés, mais pour des amis ; on n’est pas motivé par des notes, mais par une volonté commune. Demain je n’aurai pas à écrire, mais cela laissera malgré tout un grand vide.
Valentin
Lundi soir, début novembre. La météo annonce qu’il neigera toute la soirée, nous n’avons ni bottes, ni bonnet, ni manteau. Plusieurs d’entre nous ont des travaux à rendre et des examens plus tard dans la semaine – il serait plus sage de rentrer tôt, de passer une bonne nuit au chaud. Pourtant, à 23 heures, nous sommes tous encore là, enfermés dans un local sans fenêtre du centre universitaire, éclairé par la lumière bleue d’ordinateurs. On parle, on rigole, on réfléchit, on travaille (un peu). On entretient la croyance selon laquelle nous serions « obligés » de rester jusqu’au bout : en réalité, la moitié d’entre nous aurait pu partir il y a plusieurs heures. Bizarrement, aucun d’entre nous ne semble en avoir envie.
Matthieu
Alors voilà, l’heure est venue d’écrire mes derniers mots dans ces colonnes qui me sont tant familières. J’ai eu le privilège, lors de mes deux semestres passés au Délit, de mener des entrevues avec de brillants professeurs et des étudiants touchants. Dans ce monde en constante évolution, si une chose reste inébranlable, c’est la qualité du lien humain lors de ces échanges. Il va sans dire que l’expérience humaine qu’a été Le Délit sera ce qui me manquera le plus. Je tiens à remercier tous ceux qui ont pris part à mes articles, et toute l’équipe du journal, sans qui l’aventure n’aurait pas eu la même saveur.
Layla
Hors du travail typique de journaliste que l’on effectue chaque semaine, ce qui m’a profondément marquée après plus de trois ans au sein de ce journal, c’est la communauté qu’il m’a apportée. Chaque lundi et mardi soir, on retrouve la même équipe et on a de longues discussions sur le journal, certes, mais aussi des débats politiques, philosophiques et des conversations sur des choses des plus banales.
Dans un cadre universitaire où chacun doute de son futur professionnel, avoir une communauté comme celle-ci nous a été profondément bénéfique. Au fil du temps, on apprend à se connaître : on partage nos intérêts, nos doutes, nos rêves. Certaines personnes nous quittent, mais les souvenirs qu’elles nous laissent demeurent. On voit nos amis grandir professionnellement et personnellement : un nouveau stage, un nouveau sport, une nouvelle passion… Quand je repenserai à McGill, je reviendrai toujours à ces lundis passés, ensemble, jusqu’à deux heures du matin.
Antoine
Étrangement, ce ne sont pas mes balbutiements de journaliste qui auront l’impact le plus fort dans ma mémoire universitaire. Le Délit a été une façon pour moi de m’exprimer (presque) sans retenue sur les enjeux que je croyais les plus pertinents et les convictions qui m’habitent. Mais, une fois la dernière édition faite, la dernière mise en page un peu bancale réalisée, il ne restera plus rien que quelques articles et une myriade de souvenirs.
Je n’oublierai cependant jamais mes escapades avec Matthieu, bravant le froid pour ramener le souper de la semaine, mangé en dérangeant le plus possible le travail de notre rédacteur-en-chef-à-lunettes. Je serai certainement impossible à employer dans le monde du journalisme, et je ne compte pas y faire carrière… mais j’adore écrire, et ça ne changera jamais.
Vincent
On passe la porte de la rédaction, on se regarde dans le blanc des yeux, et on comprend que Le Délit, c’est fini. On ne s’enfermera plus dans la rédaction, on ne passera plus nos samedis matins à tourner en rond autour d’un texte ni nos dimanches soirs à faire des éditions sur les articles scandaleux d’Antoine. Même après trois ans à écrire chaque semaine, il est difficile de trouver les mots pour décrire l’expérience que j’ai pu vivre au Délit. Ce journal m’a tendu la main, tenu la main, fait découvrir des gens formidables, et fait explorer la société québécoise. Je quitte le journal avec une conviction : on a tous besoin d’un Délit dans sa vie.
Lara
C’est avec le cœur lourd, mais l’esprit léger, et une maîtrise de toutes les règles grammaticales du français que je quitterai ce journal qui a façonné non seulement tous mes lundis, mais aussi ma vision du journalisme étudiant, et de l’amitié. Alors, à l’heure où je corrige les derniers mots de cette édition, je n’ai qu’une chose à ajouter sur les magnifiques paroles de mes camarades : merci Le Délit .



