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Une mélodie pour se retrouver

Retour sur la projection de Dernière chanson pour toi.

Jiayuan Cao | Le Délit

Si vous pouviez voyager à n’importe quel moment de votre vie, lequel choisiriez-vous ? Avec sa fantaisie romantique, Dernière chanson pour toi (tdlr) (titre original : 久别重逢), le scénariste hongkongais Jill Leung marque sa transition vers la réalisation, poursuivant l’exploration du choix et la réconciliation avec soi.

Une œuvre clichée ?

Tout commence avec So Sing-wah (Ekin Cheng), un compositeur dans la quarantaine dont la carrière est au point mort, hospitalisé en raison d’une tentative de suicide. Il trouve alors son amour d’enfance, Ha Man-huen (Cecilia Choi), après une vingtaine d’années de séparation, mais celle-ci décède peu après leurs retrouvailles. À la suite des funérailles, une jeune femme, Summer (Natalie Hsu), qui se présente comme la fille de Ha, invite So à accomplir le dernier souhait de sa mère avec elle : disperser ses cendres dans la mer du Japon.

Tout au long du film, on assiste à une double narration qui jongle entre le passé, au début de l’histoire entre So et Ha, et le présent. Sur le plan de l’intrigue, rien de surprenant : un enchaînement des plus classiques. Et pourtant, il serait injuste de caractériser le film d’ordinaire. Car une bonne histoire ne tient pas seulement à ce qu’elle raconte, mais à la manière dont elle s’articule.

« Et pourtant, il serait injuste de caractériser le film d’ordinaire. Car une bonne histoire ne tient pas seulement à ce qu’elle raconte, mais à la manière dont elle s’articule »

L’esthétique au service de l’émotion

Dernière chanson pour toi est visuellement très parlant. Jill Leung privilégie un tournage en décor réel, dans la grande ville de Hong Kong comme dans les ruelles de Shikoku, donnant au film une authenticité qui contraste avec le récit romancé. De plus, comme la majorité des scènes sont filmées à l’extérieur, le tournage dépend grandement de la météo. Le succès se cache dans les détails : qu’il fasse soleil ou qu’il pleuve, le temps complémente parfaitement les sentiments des personnages. 

À cette atmosphère soignée s’ajoute un jeu d’acteur d’une justesse remarquable. Les interactions entre Summer et So Sing-wah rappellent par moments Mathilda et Léon dans Le professionnel (1994), où se déploie une relation tendre et parfois ambigüe entre une fillette et un homme marqué par la solitude. Natalie Hsu a même été nommée pour le prix de la meilleure actrice dans le cadre des 43e Hong Kong Film Awards en avril 2025 pour le rôle de Summer.

D’autre part, comme le titre l’indique, l’œuvre trouve sa résonance la plus intime dans la chanson et la musique. So Sing-wah, qui n’arrive plus à composer depuis des années, se confronte à son vide intérieur ; à force de chercher à plaire au public, il a perdu la passion qui l’animait à jouer. À travers le voyage avec Summer, lui rappelant fortement Ha Man-huen qui l’a toujours encouragé, il retrouve peu à peu son aspiration. À l’approche de la fin, Leung joue avec une juxtaposition du temps, où So adulte rencontre son double plus jeune. Ensemble, ils complètent une mélodie inachevée depuis longtemps. La chanson finale, entonnée en duo, scelle cette réconciliation interne : « Regarde-moi encore une fois, vois mon angoisse… Regarde-moi encore une fois, joue une nouvelle mélodie. »

Somme toute, Dernière chanson pour toi est une œuvre qui, sous le couvert d’une romance, explore les obstacles dressés sur le chemin du rêve et de la passion. Malgré la simplicité de l’intrigue, je suis sortie de la salle le cœur serré et les larmes à peine séchées. Derrière moi, la mélodie résonnait encore dans la salle avec le générique de fin. Une dernière chanson qui, bien au-delà de l’écran, continue de perdurer.


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