La pièce Mommy, le retour d’Olivier Choinière est une création du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et de la compagnie de théâtre de création L’ACTIVITÉ. La mission de la pièce : « bousculer le théâtre ». Un objectif indéniablement atteint.
À travers la pièce, on suit Mommy, une grand-mère qui revient d’entre les morts pour rendre au Québec contemporain sa gloire d’antan. Elle dévore les humains qui se trouvent sur son passage et forme rapidement sa petite armée de morts-vivants. À ce synopsis déjà peu conventionnel s’ajoutent plusieurs éléments surprenants : chansons du siècle dernier réinterprétées en rap, interactions avec le public, transformation de Jésus en DJ… La pièce devient rapidement une sorte de comédie musicale aux allures d’horreur.
Malgré l’ambiance comique qui règne, le message est on ne peut plus sérieux. Choinière dénonce l’extrémisme, la montée en popularité de l’autoritarisme, ainsi que les faux pas de nos gouvernements, aussi bien provinciaux que fédéraux. Dès le début de la pièce, Fée Clochette (Édith Paquet) et le maître de cérémonie (Félix Beaulieu-Duchesneau) nous avertissent qu’il n’y aura pas de vidéos dans cette présentation, faute de budget. Quelques minutes plus tard, c’est le préposé aux bénéficiaires (Lyndz Dantiste) qui nous parle des Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD), ces mouroirs où nos aînés font des plaies de lit. Enfin, une influenceuse écologique dénonce les conditions lamentables des écoles publiques et les salaires trop bas des enseignants.
« Les spectateurs sont plongés dans un monde complètement déjanté où Mommy règne en maître et dévore ses ennemis »
Les personnages critiquent à la fois la droite et la gauche politique dans toutes leurs caractéristiques les plus extrêmes. Des masques représentant entre autres François Legault, Geneviève Guilbault, Gabriel Nadeau-Dubois et Pierre Poilievre sont portés par les acteurs qui font du lip-sync sur des extraits de leurs discours politiques. Les acteurs sont talentueux et semblent avoir un vrai plaisir à être sur scène, mais plus la pièce avance, plus la confusion s’installe. L’allégorie devient plus difficile à suivre, les thèmes sont nombreux, on ne sait plus très bien ce qu’essaient de dénoncer les personnages. On tombe dans une sorte de creux avant la scène finale absolument éblouissante, qui se déroule sur la table de « DJésus » reproduisant le dernier repas de Jésus avec ses apôtres.
Si le message politique se brouille quelque peu, la mise en scène, elle, est époustouflante. Une immense croix, où on lit le nom de Mommy, se dresse derrière la table de DJésus. Cette dernière est ornée d’une multitude de chandelles et de victuailles, dominant la scène par sa hauteur vertigineuse. En bas, un rideau de plastique que les acteurs tirent et replacent crée trois autres pièces, d’où sortent toujours de nouveaux personnages, comme l’hystérectomie ou la plaie de lit. L’arrière de la scène, couvert de grilles pour créer un drainage, permet l’usage abondant de faux sang. Les côtés de la salle, en quelque sorte les coulisses, sont même inclus dans la mise en scène. Sur de longs comptoirs trônent les accessoires qui sont utilisés tout au long de la pièce.
Cette pièce de théâtre bouscule toutes les attentes. Pendant une heure quarante, les spectateurs sont plongés dans un monde complètement déjanté où Mommy règne en maître et dévore ses ennemis. On alterne entre critique de l’immigration, prix de la laitue et la fabrique de miel des hippies. Un incontournable pour les désireux de réflexion et, surtout, de surprise.