Dans une annonce tonitruante, McGill a déclaré le 20 novembre qu’elle retirerait 15 équipes sportives du réseau universitaire dès la saison prochaine. Cette décision historique affecte des centaines d’athlètes, pour qui les bourses sportives sont menacées. Nombreux sont ceux qui envisagent même de changer d’université.
Les équipes sportives se divisent en deux catégories : les équipes universitaires (« varsity ») et les « clubs sportifs compétitifs ». Les premières, sous la tutelle de McGill, bénéficient de financements de l’Université et participent aux compétitions étudiantes classiques. Les clubs sportifs, eux, sont dirigés par les étudiants, s’autofinancent depuis près de 15 ans et participent eux aussi aux compétitions sous le nom de McGill.
À la suite d’un rapport de l’unité d’audit de McGill, puis à un audit externe mené par le cabinet de conseil KPMG, l’administration mcgilloise a décidé de mettre un terme aux clubs sportifs compétitifs, ainsi que de supprimer plusieurs équipes universitaires. Le badminton, le baseball, le triathlon, l’athlétisme, l’escrime, le ski nordique, le tennis, le squash, la voile, le volley masculin, le sport de bûcheronnage, le patinage artistique, le golf, la crosse féminine, le rugby féminin et le hockey sur gazon féminin ne pourront plus concourir sous le pavillon mcgillois dès la saison 2026–2027. Tout l’enjeu pour ces équipes est de savoir si leurs ligues respectives accepteront de les accueillir sans qu’elles représentent officiellement McGill. Le corps athlétique de l’Université gronde, l’indignation monte, l’inquiétude et la déception sont omniprésentes parmi les athlètes. Plusieurs pétitions circulent pour dénoncer cette décision ; celle proposée par le programme d’athlétisme a notamment recueilli près de 6 000 signatures en quelques jours.
Un mandat visant « l’équilibrage »
Le Délit s’est entretenu avec Daniel Méthot, directeur des sports universitaires, afin de clarifier la situation.
Ce dernier affirme qu’il dispose d’un mandat visant le rééquilibrage entre tous les usagers des infrastructures sportives. Le directeur affirme : « Au fur et à mesure des années, le nombre d’étudiants s’est démultiplié, les infrastructures ne permettent plus de concilier les usagers réguliers et les sportifs de haut niveau. » M. Méthot justifie le choix des équipes écartées de la compétition en expliquant que la sélection s’est faite sur un grand nombre de critères, et assure une décision juste et équitable en ayant considéré la situation de chaque équipe. Interrogé sur l’éventuelle publication du coût et des conclusions du rapport de KPMG, M. Méthot a écarté cette possibilité en affirmant « qu’il s’agissait d’une propriété de l’Université ».
Dans le communiqué annonçant la suppression de 15 sports de la compétition, le département des sports réaffirme son « engagement et sa volonté inébranlable » dans l’excellence sportive. En 2010, McGill comptait 49 équipes universitaires. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 13. Daniel Méthot confie : « Je suis un gars du sport, lorsqu’on prend des décisions comme ça, c’est toujours à contrecœur. » Il ajoute : « Je peux pas vous dire qu’on a été les plus performants sportivement […] il faut parfois faire moins pour faire mieux ». Le directeur des sports universitaires admet que la majorité des entraîneurs et de leurs équipes techniques ne pourront pas être reconduits au sein des activités sportives de l’Université.
Chaque année, les étudiants du premier cycle payent 340 $ en frais « d’athlétisme et de loisirs ». Ces frais participent, entre autres, au soutien des équipes universitaires. Interrogé au sujet d’une possible baisse de ces frais, au vu de la suppression de plus de la moitié des équipes, M. Méthot a affirmé qu’aucune baisse n’était prévue.
Des capitaines laissés au dépourvu
Le Délit s’est entretenu avec Gabrielle, capitaine de l’équipe universitaire de badminton, et Justin, un des capitaines de l’équipe d’athlétisme. Tous deux voient leur discipline figurer dans la liste des sports qui ne participeront plus à la compétition sous l’étendard mcgillois la saison prochaine.
Gabrielle témoigne : « Notre coach a été le premier à informer l’équipe que nous allions être supprimés, et cela a été incroyablement choquant et décevant. Nous ne pensions pas que nous serions coupés, puisque nous obtenons de bons résultats depuis trois ans.(tdlr) » Le badminton n’en est qu’à la mi-saison, la capitaine confie : « C’est très difficile de garder la tête haute, car nous avons le sentiment que, même si nous gagnons les prochains championnats, cela ne sera ni respecté ni apprécié par McGill. »
Justin est tout aussi déconcerté que Gabrielle : « Nous étions rassurés par les critères indiqués, l’annonce de la suppression de l’équipe d’athlétisme a été un choc. » Ce programme, vieux de 125 ans, porte des valeurs inclusives pour Justin : la mixité homme-femme, l’inclusion des para-athlètes. « Je ne comprends pas cette décision », confie-t-il.
Les deux capitaines se rejoignent sur la place centrale qu’occupe le sport dans leur vie et dans leur parcours académique. Justin dit « réfléchir à changer d’université » et affirme que nombreux sont les athlètes qui partagent sa réflexion. Gabrielle s’indigne de l’absurdité des mesures d’accompagnement mises en place par l’Université, se limitant à une psychologue du pôle bien-être. « C’est une blague », ajoute-t-elle.
Plusieurs entraîneurs ont été contactés, mais n’ont toutefois pas pu commenter en raison de leurs engagements contractuels avec McGill.
Mise à jour
Depuis la publication initiale de cet article, plusieurs athlètes ont confirmé au Délit avoir reçu l’instruction de McGill de ne plus répondre aux médias et de rediriger toute requête vers le service central des communications.
Par ailleurs, un représentant des joueurs de l’équipe de Baseball a accepté de commenter la situation en exclusivité pour Le Délit.
Comme pour les autres athlètes dans leur situation, c’est avant tout l’incrédulité qui s’est emparée des joueurs lorsqu’ils ont pris connaissance de la décision de l’université. Le joueur déplore un « manque de transparence de McGill », ne comprenant pas les raisons ayant conduit à son écartement de la compétition. Il assure qu’un représentant de l’université a indiqué que le rapport de viabilité financière soumis par McGill Baseball « répondait à toutes les exigences administratives du point de vue de Sports et Loisirs McGill ». Le joueur ajoute : « la décision n’a clairement pas été motivée par les résultats sur le terrain », citant notamment les nombreux titres remportés par l’équipe au cours des dernières années.
Enfin, le joueur regrette que, malgré les lettres de soutien de Baseball Canada et de Baseball Québec pour appuyer l’avenir du programme, « nous avons eu l’impression que les communications suivantes du département n’ont pas été faites de bonne foi ».



