Frappé par une instabilité chronique depuis son indépendance en 1956, le Soudan a sombré dans une guerre civile en 2023. Selon l’ONU, plus de douze millions de personnes ont été déplacées depuis le début du conflit.
La prise de la ville d’El Fasher, dans la région du Darfour, le 26 octobre dernier, a marqué un tournant. Sous le contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohamed Hamdan Dagalo, ces milices contrôlent désormais près d’un tiers du pays à l’ouest, exacerbant une crise humanitaire déjà fortement prononcée.
Deux chefs de guerre s’affrontent : d’un côté, le général Abdel Fattah al-Burhan, à la tête des Forces armées soudanaises (FAS) ; de l’autre, le général Mohamed Hamdan Dagalo, surnommé Hemedi, représentant les milices arabes du Darfour. Cette lutte pour le pouvoir, d’une extrême violence, fait des civils soudanais les premières victimes. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) rapporte avoir reçu des « témoignages horribles » décrivant « des exécutions sommaires, des massacres, des viols, des attaques contre des travailleurs humanitaires, des pillages, des enlèvements et des déplacements forcés ».
Cette région est difficile d’accès, ce qui limite les informations disponibles. Cependant, les paramilitaires des FSR publient eux-mêmes certaines de leurs exactions sur les réseaux sociaux. Ces vidéos choquantes montrent de graves violations du droit international, selon Seif Magango, porte-parole du HCDH. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « plus de 260 000 personnes restent piégées à El Fasher ; elles n’ont pratiquement aucun accès à la nourriture, à l’eau potable ou aux soins médicaux ».
Désintérêt de la communauté internationale
« Le Soudan est le théâtre de la plus grande crise humanitaire au monde », déclare Ted Chaiban, directeur général adjoint de l’UNICEF. Au-delà de la violence, la famine et les maladies s’étendent rapidement. Pourtant, le pays demeure dans l’ombre, tandis que d’autres conflits retiennent l’attention. Particulièrement sous-médiatisé jusqu’aux massacres d’El Fasher, le Soudan a largement souffert d’un silence accablant de la part des médias et de la communauté internationale.
D’après le reporteur Christophe Ayad, ce désintérêt s’explique par la taille du territoire, la complexité du conflit et l’implication de puissances étrangères à l’échelle régionale. Il avertit que les Européens ont tort de détourner le regard : les Soudanais chassés de leur pays fuient vers le Tchad, puis la Libye, avant de risquer la traversée vers l’Europe. Il s’agit de la conséquence inévitable d’un désengagement prolongé pour ce conflit.
Des milices appuyées de l’extérieur
Le Canada et d’autres pays, en particulier la France, entretiennent des relations commerciales avec les Émirats arabes unis, notamment dans le domaine militaire. Bien que ces derniers nient leur implication directe, ils soutiendraient les FSR et leur général Hemedi. « Les preuves de leur engagement au Soudan sont largement documentées », a confirmé Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales. Plus récemment, des enquêtes de CBC ont mis en lumière, à partir d’images et de vidéos, la présence d’armes portant le logo de Sterling Cross Defense Systems, une entreprise basée à Abbotsford, en Colombie-Britannique, entre les mains de combattants des FSR. De l’autre côté, les Forces armées soudanaises (FAS) reçoivent le soutien d’autres pays de la région, tels que l’Égypte et le Tchad.
Alors que la situation continue de se détériorer, le manque d’actions de la communauté internationale soulève des interrogations. Entre intérêts géopolitiques et indifférence médiatique, le peuple soudanais demeure abandonné à son sort, dans une guerre dont la fin semble hors de portée.



