Lunaire, voilà comment résumer la pièce Trip de Mathieu Quesnel, présentée au théâtre La Licorne du 2 au 26 septembre 2025.
Déjà, commençons par le synopsis : une jeune femme nommée Lucie Sauvé D’Amours (LSD) rejoint un groupe d’entraide, inspirée par la Beat Generation, qui produit chaque année une performance théâtrale. Cette fois-ci, elle y amène son père, son psychologue et sa médium, afin de mettre en scène un spectacle qui célèbre la contre-culture des années 1960, l’anticapitalisme, le mouvement hippie et, bien évidemment, les psychédéliques. Le groupe théâtral est composé de 10 à 15 personnages loufoques et extravertis qui nous en mettent plein la vue pendant deux heures.
Dès que vous entrez dans la salle de spectacle, deux punchs aux fruits vous sont offerts : un « avec » et un « sans » drogue. D’emblée, l’importance des psychédéliques est plantée, pour le plus grand bonheur du public qui vide la carafe « avec » drogue. Le spectacle débute avec les comédiens répartis dans les quatre coins de la salle qui nous accueillent. Les mots de bienvenue sont orchestrés : l’un prend la parole en même temps qu’un autre, un comédien succède à un autre, créant un effet de chorale. Bref, pendant cinq à dix minutes, on se perd et on s’étonne dans cet univers qui deviendra bientôt beaucoup plus lunaire.
On revient bien vite aux fameux psychédéliques ! Les comédiens révèlent qu’en réalité, ils ont inversé les noms des boissons : le « sans drogue » était en fait « avec drogue »… Grand éclat de rire et petite frayeur dans la salle. Les deux heures qui suivent sont, pour moi, ce qui se rapproche le plus d’une expérience psychédélique. Personnages loufoques, lumières stroboscopiques, transformation de tous les comédiens en Lucie Sauvé d’Amours, caméra qui inclut le public dans le spectacle (moi y compris, oui, oui).
Au cours de la pièce, on n’apprend pas réellement à connaître les personnages au-delà de leurs noms. Un choix intentionnel j’en suis sûre, faisant allusion au flou psychédélique que la pièce veut nous faire découvrir. Le déroulement du spectacle est façonné autour de la jeunesse de Lucie, de sa relation avec ses parents et de son entrée dans la vie adulte.
Ce qui rend cette pièce encore plus difficile à suivre, c’est qu’on ne sait pas toujours si l’on assiste aux préparatifs de la pièce avec Lucie et ses compagnons, ou bien au film de sa vie, projeté à son arrivée au purgatoire. Il est compliqué de comprendre exactement ce qui se passe, mais on saisit que Lucie meurt et qu’il revient désormais au jury, nous le public, de décider si elle a le droit de se réincarner dans sa prochaine vie. Cette confusion constante est difficile à digérer. Aimons-nous ce sentiment d’être perdu ou avons-nous plutôt l’impression d’avoir assisté à des répétitions théâtrales pendant deux heures ? Pour ma part, c’est la deuxième option : j’avais le sentiment que le spectacle n’aboutissait jamais vraiment, chaque fois interrompu par un changement de sujet destiné à capter l’attention du public.
La pièce s’inspire fortement de l’esprit des années 1960, de Neal Cassady, de Jack Kerouac et des Merry Pranksters. On sent la volonté des comédiens de faire revivre cette époque : la liberté sexuelle, le rejet des règles établies, le « fuck » au capitalisme, ponctué de petites piques lancées au gouvernement Legault actuel. Malgré tout, ces sujets ne sont abordés qu’en surface, cherchant davantage à reproduire l’esthétique des années 1960 qu’à réellement prêcher les valeurs qui y étaient défendues.
Cette pièce, qui met en valeur de talentueux comédiens québécois, m’a transportée dans un univers psychédélique. Le jeu des comédiens était remarquable, très interactif avec le public, et, surtout, ils semblaient prendre un réel plaisir à être sur scène. On se questionne pendant deux heures sur ce qui se passait, résultant en un public désorienté vivant réellement un trip. Évidemment, cette intention de désorienter le public, c’est bien là le but de la pièce. Les comédiens et le metteur en scène ont réussi à créer cette expérience de folie et d’incompréhension pour le public. Cependant, au-delà de l’euphorie instantanée, je n’ai pas l’impression d’avoir été marquée par les thèmes et messages évoqués de la pièce. Bref, je peux vous dire que j’ai bien vécu un samedi après-midi lunaire.